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Sept défis pour aller sur Mars dans vingt ans

Et si, dans vingt ans, l'homme avait enfin posé le pied sur la planète rouge? Il y a certes de nombreux défis à relever, mais la plupart sont déjà réalisables ou en passe de l'être

Image d'illustration. Une fusée Space X. — © Space X
Image d'illustration. Une fusée Space X. — © Space X

Cette année, Le Temps fête ses 20 ans. Né le 18 mars 1998, il est issu de la fusion du Journal de Genève et Gazette de Lausanne et du Nouveau quotidien. Nous saisissons l’occasion de cet anniversaire pour revenir sur ces 20 années, et imaginer quelques grandes pistes pour les 20 suivantes.

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En 1997 atterrissait sur Mars la sonde Pathfinder, avec à son bord le rover Sojourner. L'événement marque le début de vingt ans d'exploration continue de la planète rouge à l'aide d'engins en surface ou en orbite, conçus pour récolter données météorologiques et scientifiques en tout genre. Ainsi que d'innombrables cailloux. Et dans vingt ans? L'homme en sera-t-il encore à l'étudier de loin, à l'aide de robots? Ou bien se sera-t-il enfin déplacé pour aller voir par lui-même?

© SpaceX
© SpaceX

En cas de visite de la planète Mars, «le scénario le plus sérieux est sans doute celui de SpaceX», la compagnie d'Elon Musk et ses fusées réutilisables, estime Pierre Brisson, directeur de la Mars Society Switzerland, organisation à but non lucratif qui milite pour une exploration humaine de la planète rouge. Le milliardaire ne veut ni plus ni moins que coloniser la planète d'ici aux années 2060. Sans oublier la NASA, qui espère y envoyer des hommes d'ici aux années 2040.

Le scénario le plus probable est d'ailleurs un gigantesque partenariat public-privé entre les deux entités. Même alliées, elles devront faire face à d'immenses défis. Chaque seconde perdue se paiera très cher: les fenêtres de lancement possibles, lorsque les deux planètes sont au plus proche, n'arrivent qu'une fois tous les 26 mois en moyenne. Autrement dit, en visant de poser la première pierre d'une base martienne aux alentours de 2040, les ingénieurs n'ont déjà plus qu'une dizaine d'occasions devant eux... et de multiples défis à relever.

1. Une grosse fusée

Comment expédier vers Mars la vingtaine de tonnes de matériel nécessaire à l'établissement d'un avant-poste? En construisant une énorme fusée. C'est pourquoi SpaceX développe une fusée super lourde, la BFR. «Le B signifie «Big» et le R «Rocket», écrit élégamment le New York Times à son sujet. Prévue pour 2020, elle pourrait convoyer 150 tonnes de matériel.

© SpaceX
© SpaceX

2. Le plancher martien des vaches

Atterrir sur Mars n'a rien d'une sinécure. La force d'attraction gravitationnelle attire la fusée vers le sol, mais l'atmosphère de Mars, cent fois moins dense que sur Terre, peine à ralentir les parachutes. Malgré son poids plume (seulement une tonne), le rover américain Curiosity a nécessité une combinaison de parachutes, de rétrofusées, et d'une ingénieuse «grue céleste» qui a détaché le rover de son atterrisseur afin de le déposer en douceur sur le sol. «Les Américains ont acquis une solide expérience en la matière. Je ne crois pas qu'un tel atterrissage leur pose vraiment problème», veut croire Pierre Brisson.

3. Des ondes vraiment mortelles

Qui dit séjours dans l'espace dit radiations mortelles pour l'organisme. Elles ont lieu à la surface de Mars, mais surtout lors de la phase de voyage, en raison du rayonnement cosmique. La NASA a ainsi estimé qu'un seul aller-retour vers Mars correspond à une dose de radiation de l'ordre de 0,66 sievert. A cela s'ajoutent environ 0,4 sievert lors d'un séjour d'un an sur Mars, soit un total légèrement supérieur à 1 sievert. Une telle dose augmente d'environ 5% les chances de cancer. Or la NASA fixe à 3% le seuil maximal acceptable... pour le moment. Notons enfin que contrairement à ce que l'on voit dans les films, nous ne disposons pas, pour l'heure, de véritable tenue de protection contre ces radiations.

4. Un besoin d'énergie

Comment produire de l'électricité sur Mars? Avec des panneaux solaires pour commencer. Sauf que la quantité de lumière reçue du Soleil est de deux à trois fois moindre que sur Terre. Il faudrait alors sans doute se tourner vers l'atome. La NASA développe actuellement Kilopower, un petit générateur atomique capable de fournir 10 kilowatts d'électricité, pour un poids de seulement 1,5 tonne. «On estime qu'il faut 40 kilowatts pour répondre aux besoins de quatre personnes», dit Pierre Brisson. Pour les appareils portatifs ou les véhicules, des générateurs isotopiques, depuis longtemps employés dans des sondes spatiales, pourraient aussi servir.  Et pourquoi pas, plus tard, la géothermie, si des forages venaient à révéler la présence de sources de chaleur dans les souterrains...

5. La question de la nourriture

Comment subvenir aux besoins énergétiques des humains présents sur Mars, et ce durant les deux ans d'une mission? Pour une mission pionnière, de l'ordre de 500 jours, il est possible d'emmener suffisamment de rations. Mais si les Terriens veulent s'établir sur la planète rouge, il faudra qu'ils cultivent leur petit jardin. Dans le film Seul sur Mars, le héros fait pousser, sous serre, des pommes de terre dans le sol ocre de la planète. Et c'est assez réaliste, puisque celui-ci contient bien les nutriments indispensable à la croissance végétale. A l'heure actuelle, la NASA essaie justement de répliquer le sol martien pour essayer d'y faire pousser des plantes.

6. Et oui: «Seul sur Mars»...

Si un simple trajet Lausanne-Genève en mauvaise compagnie peut mettre les nerfs à vif, imaginez un peu la torture en cas de mission vers Mars, qui durerait au moins deux ans et demi. Impossible d'ouvrir une fenêtre, de compenser avec un gros hamburger, ni même d'aller se dégourdir les jambes dehors... Quant aux coups de fil vers la Terre, avec une latence de 3 à 23 minutes (soit 40 minutes d'attente pour obtenir une réponse), il ne faut pas trop y compter. Pour prendre soin de la santé mentale des voyageurs interplanétaires, la NASA a prévu quelques parades: des espaces respectant la vie privée, des divertissements vidéo... Mais il faudra avant tout que les astronautes sélectionnés aient une motivation et un moral d'acier.

7. Et tout le reste...

D'autres défis attendent les randonneurs intersidéraux. Mais rien d'insurmontable. L'eau? Mars en regorge, notamment sous forme de falaises de glace, comme l'ont démontré de récentes études d'observation. L'oxygène? Des instruments, actuellement en développement, peuvent extraire du dioxyde de carbone de l'atmosphère martienne, puis le filtrer et le préparer pour obtenir de l'eau selon la réaction dite «de Sabatier». Eau que l'on peut ensuite électrolyser afin d'obtenir de l'oxygène... «Sans oublier les plantes ou certaines cyanobactéries, capables de produire du dioxygène», précise Pierre Brisson. C'est même comme ça que l'atmosphère terrestre est devenue respirable...