Rechercher
Rechercher

Moyen Orient et Monde - Égypte / Présidentielle

Comment Sissi a « éliminé toute alternative »...

Le pouvoir durcit sa répression contre les voix dissidentes dans les médias et sur les réseaux sociaux.

Des posters géants du président égyptien Abdel Fattah el-Sissi dans les rues du Caire. Mohammed el-Shahed

Le maréchal Abdel Fattah el-Sissi devrait, sauf cas de force majeure, être réélu à la présidence égyptienne le 28 mars, alors que les élections se tiennent entre aujourd’hui et mercredi. Ne tolérant aucun ombrage à son triomphe, le raïs a écarté tous les candidats sérieux, pour se retrouver avec un seul concurrent, qui se présente lui-même comme un partisan de M. Sissi, Moussa Mostapha Moussa. Dans le même temps, il a renforcé le contrôle des médias et des réseaux sociaux, pour faire taire toute naissance de critiques. Dernier exemple en date : la correspondante du Times en Égypte a été expulsée samedi, sans explication, a rapporté le journal britannique. Les journalistes étrangers, bien que décriés par le pouvoir, bénéficient pourtant d’un traitement plus favorable que les journalistes égyptiens qui, quelle que soit leur proximité avec le palais, n’ont aucune marge de manœuvre.

Le 1er mars dernier, le raïs avait averti les journalistes en expliquant que publier des informations jugées diffamatoires contre l’armée ou la police serait désormais considéré comme un acte de « haute trahison ». Le 12 mars, des permanences téléphoniques régionales sont mises en place pour que chaque citoyen puisse dénoncer les « fausses rumeurs », ce que Reporters sans frontières a critiqué comme un « resserrement du bâillon sur des médias déjà réduits au silence ». Le même jour, le ministre des Communications et des Technologies de l’information, Yasser el-Kady, annonce vouloir remplacer Facebook par un ersatz égyptien, à l’image du WeChat chinois. Le réseau compte 33 millions d’utilisateurs en Égypte. Mais pour Hussein Baoumi, le représentant d’Amnesty International pour l’Égypte, ce projet est infaisable. « L’Égypte n’est pas la Chine et ne pourrait pas maintenir un tel remplacement. D’autant plus qu’un grand nombre d’entreprises dépendent de Facebook. Le supprimer aurait de graves conséquences économiques », explique-t-il à L’Orient-Le-Jour.


(Repère : L'Egypte depuis la révolte et la chute de Moubarak en 2011)

Critères malléables
Alors que les réseaux sociaux avaient été un vecteur d’informations importantes durant le printemps arabe, qui avait conduit au départ de Hosni Moubarak, le pouvoir entend les dépolitiser complètement. Une loi sur la lutte contre la cybercriminalité est actuellement en discussion au Parlement. Celle-ci veut lutter contre les fausses informations, prévenir la propagation d’idéologies extrémistes sur les réseaux sociaux et « protéger les données des citoyens et la stabilité de l’État », a déclaré Yasser el-Kady. Parmi les crimes visés, le trafic illégal d’organes ou d’êtres humains, le marché frauduleux, le piratage, les fuites et le piratage de sites affiliés au gouvernement ou les « sites terroristes » qui veulent recruter des jeunes.

Autant de critères malléables à l’envi, selon Hussein Baoumi. « L’idée est que la loi soit assez vague pour pouvoir condamner n’importe qui », précise-t-il. « La loi n’est qu’un prétexte », estime Waël Eskandar, activiste égyptien et journaliste indépendant, à L’Orient-Le Jour. Les autorités ne l’ont pas attendu pour prendre des mesures répressives, car l’exécutif peut déjà surveiller n’importe qui. Le texte lui permettra de « justifier ses actions en cours et se légitimer », précise Hussein Baoumi. À l’heure actuelle, 29 journalistes égyptiens sont emprisonnés et 497 sites internet demeurent interdits d’accès. Les condamnations arbitraires pleuvent sur quiconque critique publiquement le régime. « Ces mesures ne protégeront jamais la population, car le régime la voit comme un ennemi », dénonce Waël Eskandar. Il estime que le gouvernement veut « maintenir son pouvoir et faire en sorte que la légitimité militaire et la brutalité policière ne soient pas questionnées ».

(Lire aussi : Ces Égyptiens du Printemps arabe qui n'iront pas voter)

Le contrôle des médias a commencé par la fermeture de médias affiliés aux Frères musulmans, considérés comme une organisation terroriste. En 2015, les journalistes sont tenus de ne citer que les chiffres officiels dans les bilans des attentats jihadistes, sous peine de prison. Le président déclare que présenter une fausse image du pays est dangereux pour son « moral ». La surveillance en ligne commence la même année, avec à la censure d’al-Araby al-Jadeed, site web régional d’informations. Une première depuis la révolution de 2011, durant laquelle Hosni Moubarak a coupé l’accès à internet et aux téléphones mobiles pour calmer les manifestants.

Cela s’accentue en mai 2017, quand les sites d’informations régionaux comme nationaux, tels que Mada Masr, al Jazeera, inculpés pour avoir soutenu le terrorisme et répandu des fausses informations, sont bloqués. Sont censurés des blogs et sites personnels, des réseaux sociaux, ou encore les pages d’ONG comme RSF et Human Rights Watch. Même les médias proches du pouvoir sont inculpés s’ils émettent une critique.

« Le gouvernement a éliminé toute alternative »
Pour contrer la censure, les Égyptiens utilisent un VPN, ou certains réseaux sociaux à la configuration difficile à censurer. Mais aussi en publiant plus de rapports critiques d’ONG ou encore en utilisant des applications et des logiciels de communications cryptés. À sa demande, l’entretien réalisé avec Waël Eskandar, à partir de Beyrouth, s’est déroulé par le biais de la messagerie sécurisée Wire.

Les journalistes continuent d’écrire et les médias de publier, mais par d’autres biais. Seulement, les actes de résistance ne suffisent pas à pallier les conséquences « matérielles et morales » de la censure, comme le déplore Adel Sabry, rédacteur en chef du site d’informations bloqué Masr al-Arabia, dont le nombre de journalistes a été réduit de 60 %.

 « L’atmosphère générale est plus dominée par le désespoir ou la résignation que par de la peur », estime Waël Eskandar. « C’est de savoir que même si tu t’exprimes, rien ne changera, et que tu peux te faire enlever, torturer, violer sans que personne ne s’en soucie. Le gouvernement a éliminé toute alternative », poursuit-il.


Lire aussi

Sissi, "ami" des Occidentaux malgré la répression

Les coptes « n’ont pas vraiment d’autres choix que Sissi »

La revanche des autocrates, le commentaire d'Anthony Samrani

Dans le quartier de Sissi, nombreux disent voter pour lui malgré la crise



Le maréchal Abdel Fattah el-Sissi devrait, sauf cas de force majeure, être réélu à la présidence égyptienne le 28 mars, alors que les élections se tiennent entre aujourd’hui et mercredi. Ne tolérant aucun ombrage à son triomphe, le raïs a écarté tous les candidats sérieux, pour se retrouver avec un seul concurrent, qui se présente lui-même comme un partisan de M. Sissi, Moussa...

commentaires (2)

L,EGYPTE NE PEUT ETRE GOUVERNEE QUE PAR DES -MOUBARAK- ET DES -SISSI- !

LA LIBRE EXPRESSION

09 h 40, le 26 mars 2018

Tous les commentaires

Commentaires (2)

  • L,EGYPTE NE PEUT ETRE GOUVERNEE QUE PAR DES -MOUBARAK- ET DES -SISSI- !

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 40, le 26 mars 2018

  • Il a raison, les journalistes étrangers et les ONG internationales sont d'une mauvaise foi incroyable et ne supportent pas qu'un chef d'Etat tienne son pays pour éviter la foire!

    NAUFAL SORAYA

    07 h 32, le 26 mars 2018

Retour en haut