Ces pays en guerre à qui la France vend des armes

Selon un sondage* publié ce lundi, 88 % des Français estiment que leur pays doit «arrêter les exportations d’armes aux pays qui risquent de les utiliser contre des populations civiles».

 Au Yémen, la coalition arabe menée par l’Arabie Saoudite soutient le gouvernement face aux rebelles. Si la France ne vend a priori pas directement au Yémen, elle compte l’Arabie saoudite parmi ses plus gros clients.
Au Yémen, la coalition arabe menée par l’Arabie Saoudite soutient le gouvernement face aux rebelles. Si la France ne vend a priori pas directement au Yémen, elle compte l’Arabie saoudite parmi ses plus gros clients. AFP/Mohammed Huwais

    Selon le classement publié début mars par le très sérieux Stockholm International Peace Research Institute, la France est le troisième exportateur d'armes au monde. Depuis 2013, elle a même enregistré une progression record de 27 %. Mais elle ne vend « pas des armes n'importe comment », assurait en février dernier Florence Parly. La ministre des Armées était alors interrogée sur l'utilisation de « bombes françaises » par la coalition arabe au Yémen, en soutien au gouvernement face aux rebelles. Des armes bel et bien utilisées dans ce conflit via le stock constitué par l'Arabie saoudite, client parmi les fidèles de l'Hexagone. Or selon un sondage* YouGov pour SumOfUs publié ce lundi, 88 % des Français estiment que leur pays doit « arrêter les exportations d'armes aux pays qui risquent de les utiliser contre des populations civiles ». Un résultat qui permet également à l'ONG de faire la promotion de son appel au président de la République de stopper la vente d'armes dans cette région, déjà signé par près de 65 000 internautes.

    L'Arabie saoudite, 2e plus gros client

    « Ceci est inacceptable et contraire aux engagements internationaux de la France », a également commenté Amnesty International qui mène ce combat contre le transfert d'armes au Yémen depuis trois ans. Dans son rapport au Parlement 2017 sur les exportations d'armement de la France publié en juin, le ministère des Armées considère toutefois les exportations de matériels de Défense comme un « atout » pour le pays, un « instrument de politique étrangère et de défense », par ailleurs « nécessaire à la préservation et au développement de la base industrielle et technologique de défense ». Et de préciser que « la politique de contrôle des armements et des biens sensibles a évolué » avec une « évaluation rigoureuse des demandes d'exportation par les services de l'État ».

    Reste que la France continue à vendre des armes à l'Arabie saoudite, même depuis le début du conflit moderne au Yémen en 2014. Selon le rapport du ministère des Armées, c'est même le deuxième pays dans lequel l'Hexagone a le plus exporté d'armes entre 2007 et 2016, derrière l'Inde - qui a notamment acheté bon 36 rafales tricolores - et derrière le Qatar - que plusieurs pays voisins accusent de financer le terrorisme - et l'Egypte - à qui la France a envoyé des blindés légers Renault en pleine répression. En réduisant la période aux cinq dernières années, le Top 5 ne change que peu, avec seulement le Brésil qui laisse sa place aux Emirats arabes unis en cinquième position.

    Par ailleurs, la France aurait déjà violé près de la moitié de la vingtaine d'embargos émanant soit de l'ONU, soit de manière autonome de l'Union européenne ou encore de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). C'est ce que craint Tony Fortin, de l'Observatoire des armements, qui estime que « le gouvernement (est) prêt à tout pour ne pas entraver ses ventes d'armes aux pays en guerre ». Si le président de l'organisation reconnaît que les informations fragmentaires compliquent la compilation claire des ventes d'armes à ces pays, quelques indications sont tout de même fournies par le ministère des Armées lui-même.

    Carte issue du rapport au Parlement 2017
    Carte issue du rapport au Parlement 2017 AFP/Mohammed Huwais

    Toujours dans son rapport de 2017, le gouvernement enregistre ainsi un gain de 685,2 millions d'euros lié à des commandes d'armes passées par la Chine entre 2012 et 2016. Or ce pays où la contestation du pouvoir est très compliquée est sous embargo imposé par l'Union européenne. En deuxième position des clients de la France sous embargo, arrive la Russie, avec des transactions à hauteur de 423,6 millions d'euros pour des commandes d'armes (300 millions en matériels déjà livrés). L'Azerbaïdjan arrive en troisième position, avec 157 M€ en commandes (148,4 M€ en matériels livrés).

    L'Irak et la Libye en 4e et 5e positions

    Parmi les pays non seulement sous embargo de l'UE mais également de l'ONU, les commandes d'armes de l'Irak ont rapporté 24,9 M€ à la France entre 2012 et 2016 (16,9 M€ en matériels livrés). La Libye arrive en cinquième position avec 8,5 M€ réalisés en commandes et 9,6 M€ en matériels livrés dans la même période. La Côte d'Ivoire a, elle, rapporté 6,2 et 4,8 M€ respectivement en commandes et en matériels livrés, bien avant que son embargo ne soit levé en 2016.

    En septième position, la Somalie - dont on ne connaît cette fois que le montant en prises de commandes - a rapporté 4,2 M€. La République Démocratique du Congo passe en dessous de la barre du million en cinq ans (0,8 M€ en commandes et 0,7M€ livrés). La France a enfin facturé directement pour 0,1 M€ de commandes au Yémen, en 2014, soit juste avant l'explosion du conflit moderne.

    * Sondage YouGov pour l'ONG SumOfUs effectué en ligne, en France, du 20 au 21 mars 2018, auprès d'un échantillon de 1 026 personnes représentatives de la population (18 +), sur le panel propriétaire de YouGov. Les données sont pondérées pour être représentatives des adultes français.