Stéphane Gatignon, maire de Sevran, démissionne : "On fait de la banlieue un monde parallèle"

Stéphane Gatignon, maire de Sevran, démissionne : "On fait de la banlieue un monde parallèle"
Stéphane Gatignon, en 2014 (PATRICK KOVARIK / AFP)

Découragé par le manque d'ambition du gouvernement, Stéphane Gatignon abandonne son fauteuil de maire de Sevran.

Par Le Nouvel Obs
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Il l'est l'un des avocats infatigables de la banlieue. Maire depuis 2001 de Sevran, l'une des villes les plus pauvres de Seine-Saint-Denis, Stéphane Gatignon n'a jamais été avare de coups de gueule et actions d'éclat pour alerter sur le sort de territoires trop souvent oubliés par la République. Une détermination qui n'est pas sans limite : l'élu annonce ce mardi 27 mars qu'il quitte son fauteuil de maire. Il "n'y croit plus".

Dans une interview au "Monde", Stéphane Gatignon rappelle qu'il a conduit une grève de la faim en 2012 pour obtenir les fonds promis par l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru).

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"J'avais dit, en y mettant fin au bout de six jours, que je démissionnerai le jour où je n'y croirais plus. Nous y sommes."

Stéphane Gatignon, qui est passé par le Parti communiste et Europe-Ecologie-Les Verts, a soutenu Emmanuel Macron lors de la dernière élection présidentielle. Près d'un an plus tard, sa déception est grande. "Beaucoup d'affichage et de com', et peu d'action", dit-il au sujet de l'actuelle politique de la ville.

"Le nouveau monde de Macron, c'est le post-politique, des ministres sans expérience. Mézard [ministre de la Cohésion des territoires, NDLR ] semblait plus intéressé par son chien que par ce que disaient les maires de banlieue devant lui. Julien Denormandie est brillant, il veut bosser, mais [...] le terrain, il ne sait pas ce que c'est. L'appareil se bureaucratise." "En banlieue, les permanences des nouveaux élus sont vides. En marche ! n'est qu'une écurie pour la prochaine présidentielle."

"Aujourd'hui, les villes de banlieue sont tenues à la gorge", poursuit Stéphane Gatignon, qui dénonce la faillite des services publics, à commencer par les effectifs de police :

"Quand je suis arrivé en 2001, j'avais 113 effectifs de police. Aujourd'hui, j'en ai 80, et une seule voiture de la BAC après 23 heures pour Aulnay et Sevran, deux plaques tournantes de la drogue."

Résultat, selon le maire démissionnaire, un repli communautaire :

"Les banlieues sont victimes – et actrices – d'une véritable poussée libérale. Pas parce qu'elles le veulent, mais parce qu'on les a abandonnées. Du coup, les solidarités sur lesquelles les habitants s'appuient pour s'en sortir se communautarisent de plus en plus." "Les quartiers se replient chaque jour davantage sur leur communauté ethnique ou locale et donc sur la religion. Aujourd'hui, dans ma ville, tous les lieux de culte sont pleins. [...] Le religieux redonne un sens face à l'absence de règles et à la précarité, et s'accompagne pour certains d'un fort conservatisme, sur la place des femmes, le rôle de la famille."

Lui qui va rester conseiller municipal et conseiller métropolitain appelle l'exécutif à ne pas "laisse[r] tomber les banlieues et leurs 5,5 millions d'habitants".

"J'ai soutenu Macron. Je le soutiens encore, mais maintenant il faut prendre les bonnes décisions, et vite. Il faut que son gouvernement comprenne que la banlieue, sa jeunesse, son cosmopolitisme, son ancrage dans les technologies, son libéralisme, c'est ça le nouveau monde."

B.L.

Le Nouvel Obs
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