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Greenpeace alerte sur le boom de la pêche au krill en Antarctique

Le petit crustacé, essentiel à l’alimentation des animaux des eaux polaires, est de plus en plus utilisé à la fois dans l’aquaculture et sous forme de complément nutritionnel.

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Publié le 13 mars 2018 à 10h33, modifié le 13 mars 2018 à 14h20

Temps de Lecture 4 min.

Le krill de l’Antarctique (Euphausia superba) constitue une espèce clé dans le réseau  alimentaire des poissons, baleines, phoques, manchots, oiseaux de mer, de cet océan.

Il n’a l’air de presque rien, ce minuscule crustacé de deux grammes tout au plus. Mais avec ses congénères, dans l’océan Antarctique, le krill forme une biomasse probablement supérieure à celle des humains. Et cette manne suscite des convoitises : l’espèce Euphausia superba – qui se présente en essaims de plusieurs kilomètres de long dans ces eaux polaires –, commence à peser lourd dans l’industrie mondiale de la pêche. Cet engouement inquiète Greenpeace qui, toute l’année 2018, mène campagne en faveur de la création de nouvelles aires protégées autour du continent antarctique afin de protéger l’environnement austral.

Parti naviguer dans ces parages durant trois mois, l’équipage de l’Arctic Sunrise devrait rapporter fin mars des données sur ces écosystèmes fragiles. D’ici là, l’ONG a déjà collecté quelques images de chalutiers en pêchant le krill et en illustre sa publication intitulée : « Licence to krill, le monde mal connu de la pêche antarctique », rendue publique mardi 13 mars. Il s’agit moins d’une dénonciation en bonne et due forme que d’un appel à la vigilance au sujet d’une espèce essentielle à l’alimentation des baleines qui en mangent plusieurs tonnes par jour, tout comme s’en nourrissent les manchots, phoques, oiseaux marins, poissons et céphalopodes de ces eaux polaires.

Le problème pour eux, c’est que les animaux domestiques – notamment les poissons d’aquaculture – partagent désormais avec les humains leur menu de base. Les consommateurs américains, australiens, allemands, britanniques sont friands d’huile de krill : ils l’apprécient en tant que complément alimentaire riche en acides gras-omega 3. Les Français s’approvisionnent, eux, en capsules sur Internet moyennant des prix extrêmement divers. Depuis fin 2011, l’Union européenne autorise notamment l’utilisation du petit crustacé dans certains produits laitiers, matières grasses à tartiner, sauces, céréales de petit-déjeuner, plats diététiques… Il entre aussi dans la composition de cosmétiques.

Une biomasse de 379 millions de tonnes

« Cette pêcherie symbolise l’absurdité d’un monde où l’on veut pêcher toujours plus loin, plus profond, dans des circonstances extrêmes alors que l’on connaît mal cette espèce, clé de voûte de tout l’écosystème, dénonce Hélène Bourges, responsable de la campagne Océans à Greenpeace France. On ne sait pas grand-chose de sa biologie, ni de sa vulnérabilité face au changement climatique et à l’acidification du milieu marin. » Tout le monde en convient : les connaissances sur l’Euphausia superba font défaut. « Il est admis que le fondement scientifique de la gestion de cette pêcherie est faible et que des informations supplémentaires sur le comportement de cette espèce et des statistiques de pêche sont absolument nécessaires », écrit ainsi l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO).

Les estimations de la biomasse elle-même varient considérablement. Celle-ci atteindrait 379 millions de tonnes, dont plus de la moitié finirait mangée par les cétacés, les phoques, les manchots, les calmars et les poissons, selon la Convention sur la conservation de la faune et la flore marines de l’Antarctique (CCAMLR). Cette organisation – chargée de gérer strictement la pêche du krill, de la légine et du poisson des glaces dans cette partie du monde –, a pour autre mission de veiller à la préservation de cet environnement encore bien sauvegardé. C’est elle qui fixe les limites.

En théorie, le taux de capture totale admissible dans le sud-ouest de l’Antarctique est de 5,6 millions de tonnes par an. Toutefois, la CCAMLR a décidé de le réglementer à 620 000 tonnes, réparties sur quatre régions du sud-ouest de l’Atlantique. Greenpeace note que dans la zone ouest de la péninsule Antarctique, ce maximum a été atteint plusieurs fois depuis 2010.

Insuffisance des observations scientifiques

Un navire en train de pêcher le krill aux environs de l’île Trinity.

Les premières expériences de pêche au krill, menées par l’ancienne URSS, remontent aux années 1960. Les captures ont connu ensuite des années à plus de 500 000 tonnes dans la décennie 1980, avant de chuter et de remonter à plus de 320 000 tonnes en 2014, selon les déclarations recueillies par la FAO. Depuis, les techniques ont évolué : les chaluts qui écrasaient les crustacés laissent la place à des tuyaux aspirants. Quinze navires opèrent dans cette pêche industrielle, un secteur essentiellement occupé par des flottes norvégiennes, sud-coréennes et chinoises.

Elle serait cependant l’une des plus durables au monde, assurent les professionnels regroupés dans l’Association of Responsible Krill Harvesting Companies. « Hautement spécialisée et exigeante, la pêche au krill nécessite d’énormes investissements initiaux », indique cette organisation. S’inscrire dans la durée est d’autant plus nécessaire que « le développement du marché et l’adoption des produits ont été lents », rapporte-t-elle. Mais elle souligne elle aussi l’insuffisance des observations scientifiques et s’engage à collaborer avec la CCAMLR pour la collecte des données.

« Nous demandons instamment que les bateaux restent loin des aires marines protégées ou des zones dont nous demandons le classement afin de préserver la faune qui y vit », dit Hélène Bourges, de Greenpeace

Malgré cette bonne volonté affichée, le rapport de Greenpeace s’interroge sur le développement de cette pratique. Outre les risques de pollution que présente la navigation dans une zone encore quasi intacte, celle-ci empiète aussi sur les sources alimentaires de la faune. « Nous ne réclamons pas son interdiction, mais nous demandons instamment que les bateaux restent loin des aires marines protégées ou des zones dont nous demandons le classement afin de préserver la faune qui y vit », expose Hélène Bourges. Durant son expédition, les membres de l’Arctic Sunrise ont observé des navires manifestement en train de pratiquer un transbordement de pêche ou de carburant, ce qui n’est pas interdit, mais rend tout contrôle difficile.

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