L’an dernier, un peu plus de 28 000 juifs ont émigré en Israël. Ils ont fait leur alya, mot qui signifie « montée » en hébreu. D’après les chiffres publiés par l’agence américaine Associated Press, au moins 8 500 d’entre eux ont bénéficié de fonds provenant d’organismes chrétiens et plus spécifiquement évangéliques. Des organisations qui s’inscrivent comme des partenaires de l’Agence juive chargée de l’immigration vers Israël au sein de la diaspora.

Des organisations qui lèvent des fonds auprès des chrétiens évangéliques

Parmi celles-ci, deux organisations se détachent l’International Fellowship of Christian and Jews (IFCJ) et l’International Christian Embassy of Jerusalem. Fondée par rabbin Yechiel Eckstein en 1983, l’IFCJ s’est donnée pour objectif de « promouvoir la compréhension entre chrétiens et juifs, construire un vaste soutien à l’égard d’Israël et remplacer notre histoire de discorde par une relation marquée par le dialogue, le respect et la coopération ».

L’association, qui mobilise les réseaux évangéliques américains, chiffre son soutien à 20 millions de dollars depuis 2014 en faveur de l’alya et 188 millions de dollars lors des deux dernières décennies. « Après deux mille ans de persécution et d’oppression, nous avons aujourd’hui des chrétiens qui aident les juifs. C’est quelque chose d’extraordinaire », se félicite auprès de l’Associated Press, le rabbin Yechiel Eckstein, président de l’IFCJ.

L’apport financier de l’International Christian Embassy of Jerusalem serait dans la même veine. Cette organisation, s’appuyant sur des versets du livre d’Isaïe, a, notamment, pour but de « ramener les Juifs en Israël ». Ces financements, auxquels s’ajoutent de nombreux dons anonymes ou d’autres organisations américaines comme Christians United for Israel ou Christian Israel Public Action Campaign, servent pour les frais de voyage des candidats au départ mais aussi à leur installation.

Un soutien ancré sur des fondements théologiques et des thèses millénaristes

Le fervent soutien politique et financier à l’État hébreu d’une partie des évangéliques conservateurs, surtout issus de la droite religieuse américaine, puise une large partie de ses racines dans des fondements théologiques et une doctrine centrée notamment sur le récit de l’Apocalypse. Pour les fidèles, l’État d’Israël est la réalisation de la volonté divine exprimée dans la Bible. « L’un des deux grands lobbys de la droite évangélique est fondamentaliste millénariste : pour que Jésus revienne sur terre, il faut à nouveau réunir les conditions de son avènement, ce qui passe aujourd’hui par la reconnaissance d’Israël comme État juif », soulignait dans La Croix Lauric Henneton, spécialiste des questions religieuses aux États-Unis et maître de conférences à l’Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines (1).

La droite évangélique américaine, socle de l’électorat du président Donald Trump, appuie fortement la politique d’Israël et le gouvernement du premier ministre, Benyamin Netanyahou, qui les voit comme les « meilleurs amis d’Israël dans le monde ». Elle réclamait ainsi depuis plusieurs décennies le transfert de l’ambassade américaine à Jérusalem.

Interrogé par Associated Press, Yigal Palmor, porte-parole de l’Agence juive explique ne voir « aucune raison » de ne pas compter sur les dons d’où qu’ils viennent, « juifs, chrétiens ou autres ». Pourtant, ces liens très étroits embarrassent fortement les juifs libéraux américains qui voient dans ce soutien une difficulté majeure dans le règlement du conflit israélo-palestinien. Jeremy Ben-Ami, président de l’organisation juive américaine de gauche J Street assure que la communauté juive « devrait se méfier de ceux qui jouent avec nos vies pour promouvoir leurs propres objectifs religieux et idéologiques ».

(1) Auteur de La Fin du rêve américain, éd. Odile Jacob, 24 €.