Article proposé par Exponaute
En 2018, Plantu fête ses 50 ans de dessinateur de presse. Sur les tables vitrées de la galerie des donateurs sont disposés les journaux qu’il a illustrés depuis 1960, des brochures étudiantes, syndicales, satiriques… qui portent la première signature, « Plantureux ». Pour L’Express, depuis 1991 « Le dessin de Plantu » est devenu « Le Plantu »… et cela suffit mieux !
Il y a aussi les albums que le dessinateur a publiés depuis 1978. Chaque titre rappelle un fait marquant des mois écoulés, une maxime avec des calembours, des insinuations et des interjections… Comme lorsque Plantu fait dialoguer les temporalités : « Wolfgang, tu feras informatique ! » « Papa ! Tu m’assassines ! » « Je te répète que la musique c’est fini ! »
Plus loin la famille Bouchatout converse à l’heure du dîner, et la mère s’exclame finalement : « si je servais de la viande à tous les repas, cela coûterait trop cher ! Je ne pourrais pas acheter en même temps les légumes et les fruits utiles à l’équilibre des menus ! »
Notre société s’observe et se rit ainsi, avant ou après les murs de dessins… qui révèlent une part de la recherche graphique de Plantu. Sur la première étude de La nouvelle tour de Babel d’après Brueghel, le feutre noir forme seulement le profil de la tour. Plantu pose ensuite les touches et les couleurs. Ces compositions d’abord vides de détails portent parfois des indications comme « merci de remplir : le mur et les morceaux de murs en WARM GRAY N°5 ».
Plantu a l’art de la formule. Et si on le savait, la présentation côte à côte de l’Oncle Sam aux Pieds d’argile, des Missiles et des tours du World Trade Center, après le 11 septembre 2001, renforce encore l’effet. Trois fois deux impacts dans le journal Le Monde, dont Plantu est devenu le dessinateur en 1985.
Il en a animé les pages d’une ménagerie d’insectes, rongeurs et volatiles, animaux exotiques. Des serveurs en queue-de-pie servant des canards à Sarkozy[1], et ce dernier voletant en Maya l’abeille[2]. Voilà son moyen d’identifier les personnalités. Et toujours il y a une souris dans un coin. Et souvent une colombe dans un carré de ciel.
Plantu donne notamment à la BnF son premier dessin, réalisé en 1972 pour Le Monde. C’est une colombe. Dans une interview pour le magazine Chroniques, il raconte l’histoire de cette première publication : à 21 ans, il vendait des meubles aux Galeries Lafayette le jour et dessinait la nuit. À la pause de 11h, tous les jours, je téléphonais au rédacteur en chef pour déposer un de mes dessins au Monde. Et un jour, il m’a annoncé que le journal allait en publier un. C’était la colombe, qui illustrait une étape de la guerre du Vietnam. Quand j’ai reçu un chèque, j’ai été stupéfait et heureux d’être payé pour un dessin, ce que je n’avais jamais imaginé !
Depuis, Plantu a varié les effets graphiques, du plus épuré au plus illustratif, du rébus au paysage. Pour représenter le Palmarès des lycées il crée des sigles alignés dans une bulle – « il n’y aura pas de notes ! »[3]. Mais pour L’Express, Plantu figure comme en tableau les Migrants de Paris, qui montent et dégringolent du métro aérien, arrivent par des barques pleines à craquer sur la Seine. Du haut de leur balcon, les parisiens les observent.
J’ai un ami dessinateur brésilien qui m’a dit un jour « laisse penser ton crayon ». Quand je réfléchis, toutes les informations que je reçois passent par l’œil et alimentent mon petit cerveau. Mais au moment où je fais mon dessin, cela passe par ce que je ressens, par mes émotions, explique Plantu pour Chroniques.
Part inattendue de son art, les petites sculptures en plâtre et plastiroc réalisées à la manière des Célébrités du Juste milieu d’Honoré Daumier. Le Juge à la balance (1953), un Juge chargé d’une pile (1997) égratignent le monde de la justice. Plus loin Jacques Chirac, François Mitterrand, Charles de Gaulle ont des traits affaissés, et les bras en l’air comme des lignes allongées par le crayon.
Si Plantu était présent lors de l’ouverture de l’exposition, c’était semble-t-il surtout pour parler de Cartooning for Peace. Ce réseau international réunit 162 dessinateurs de presse de 58 pays. Il tente de « faire des ponts là où d’autres font des fractures entre les cultures », en dessinant pour les libertés de l’expression. Entre le journalisme et l’humour, Plantu nous mène là où il faut.
[1] « Le mercredi on n’a que du canard », Le Monde, 16 février 2017
[2] « Élections dans le Doubs : Sarko, le retour de Maya l’abeille », Le Monde, 2 février 2015
[3] Le Monde, 31 mars 2016.
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