États-Unis : L'Oréal accusé de déposer des brevets « inutiles »

À la suite de la plainte d'un ex-responsable des brevets de sa filiale américaine, le géant des cosmétiques va devoir s'expliquer devant la justice américaine.

Par , à Genève

Le siège du  groupe L'Oréal à Clichy, dans les Hauts-de-Seine.

Le siège du  groupe L'Oréal à Clichy, dans les Hauts-de-Seine.

© Photo12 / Gilles Targat

Temps de lecture : 3 min

La charge est lourde. L'avocat Steven J. Trzaska, ancien responsable des brevets au sein de la filiale américaine de L'Oréal, l'accuse de déposer chaque année des centaines de brevets « inutiles » ou de « mauvaise qualité ». Pour quelle raison ? « Celle de renforcer la réputation de L'Oréal auprès des analystes financiers et auprès de ses actionnaires », en se présentant comme « acteur scientifique innovant dans le domaine de produits de beauté », affirme l'ancien responsable. Il ajoute que sous sa responsabilité, et celle de son équipe, le nombre de brevets, correspondant à de véritables « inventions », aurait chuté. La direction du groupe lui aurait alors demandé d'augmenter le nombre de dépôts de brevets (il cite le chiffre de 500). Ce qu'il aurait refusé, entraînant son licenciement fin 2014. Steven Trzaska a déposé une plainte le 24 juin 2015 devant le tribunal du New Jersey pour contester ce licenciement qu'il juge abusif.

La newsletter Économie

Tous les jeudis à 17h

Recevez le meilleur de l’actualité économique.

Votre adresse email n'est pas valide

Veuillez renseigner votre adresse email

Merci !
Votre inscription a bien été prise en compte avec l'adresse email :

Pour découvrir toutes nos autres newsletters, rendez-vous ici : MonCompte

En vous inscrivant, vous acceptez les conditions générales d’utilisations et notre politique de confidentialité.

Le groupe français a tenté d'invalider la procédure, considérant que la plainte de son ancien employé n'avait pas été communiquée dans les règles en France. Des arguments qui n'ont pas convaincu la cour fédérale du New Jersey. Le 12 décembre 2017, elle a renvoyé le géant des cosmétiques dans les cordes. L'Oréal va devoir s'expliquer sur la valeur réelle des centaines de brevets qu'elle dépose chaque année.

Fin du pacte Nestlé-L'Oréal

La décision de la cour fédérale du New Jersey n'a pas échappé aux radars du nouveau site suisse d'information Gotham City, qui traite « l'actualité des affaires par les sources judiciaires ». L'avenir de L'Oréal est suivi de près dans la Confédération. En effet, Nestlé, la multinationale helvétique, est le deuxième actionnaire de L'Oréal (23 % du capital) après la famille Bettencourt (33 % du capital). Et justement, le 21 mars dernier, le pacte d'actionnaires, qui liait Nestlé et L'Oréal depuis le 22 mars 1974, a pris fin. Au sein de Nestlé, le fonds d'investissement américain Third Point, l'un des plus gros actionnaires, met la pression pour que le géant de l'alimentation se concentre sur son métier, et vende les actions du fabricant de produits cosmétiques, afin d'empocher autour de 23 milliards d'euros.

N'existe-t-il pas un risque pour que ces accusations – qu'elles soient vraies ou pas – concernant le dépôt de centaines de brevets « frivoles » flétrissent l'image de L'Oréal ? Apparemment, le géant, propriétaire entre autres de Lancôme, Yves Saint Laurent, Biotherm, minimise l'importance de cette attaque. Interrogée par Le Point, Polina Huard, directrice des relations avec les médias, a répondu, par écrit, par une simple phrase : « L'Oréal USA estime que les accusations ne sont pas fondées et est prêt à se défendre vigoureusement » (« L'Oréal USA believes that the defendant's claims do not have any merit and it prepared to vigorously defend this position »).

Dans sa plainte, Steven Trzaska affirme qu'en 2014, pour tenter d'améliorer la qualité des demandes de brevets déposées par L'Oréal, une étude avait été demandée à un cabinet d'audit, Ocean To et/ou Thompson Reuters. Les conclusions étaient sans appel : la grande majorité des brevets présentés par L'Oréal était de « mauvaise qualité » (« low or poor quality »).

Ce service est réservé aux abonnés. S’identifier
Vous ne pouvez plus réagir aux articles suite à la soumission de contributions ne répondant pas à la charte de modération du Point.

0 / 2000

Voir les conditions d'utilisation

Commentaires (6)

  • teutates

    Si cela posait le problème du concept des brevets à la sauce USA où on brevète tout et n'importe quoi dans bien des domaines mais ce n'est même pas certain...

  • JeanRen

    Tous individus, toutes sociétés ont le droit de déposer autant de brevets qu'ils veulent. Si ces brevets ne sont pas inventifs, ils sont rejetés. Si l'invention n'est pas utilisée, le déposant en est pour ses frais, mais cela peut gêner un concurrent, à condition que les annuités soient à jour.
    Beaucoup de grandes entreprises font cela et en pratique moins de 10% des brevets trouvent une application effective.
    A chaque société de choisir sa politique, sachant que les frais de dépôt, d'extension à l'etranger et d'annuité sont importants.
    En aucun cas cette politique ne peut être contestée, sauf par les actionnaires.

  • shuwei

    On peut d’abord penser (hypothèse la plus plausible) que cet employé était plus mauvais que les brevets qu’il était censé déposer. Car se faire virer d’une grosse entreprise comme L’Oréal est réelle performance. Il y faut de la persévérance. Pas content du tout, le Monsieur, de ce constat d’inaptitude, autant revanchard qu’avide de billets verts. Une attitude guère étonnante de cette engeance US avec laquelle le moindre entretien (minuté) se chiffre déjà en centaines de $.
    Pour info, prendre un brevet ne signifie pas que l’on va développer celui-ci. 10% au mieux des brevets pris sont réellement développés (produit commercialisé), toutes entreprises confondues. Car la prise de brevet (titre de propriété) est un jeu de go à l’échelon mondial au sein des luttes commerciales. Elle ne consiste pas uniquement à asseoir son territoire mais aussi, et surtout, d’empêcher autrui d’y pénétrer ou de suivre (brevets dits de barrage), quelle que soit la qualité des arguments. Mais ces derniers ne sont nullement la liberté des demandeurs  : ils sont vérifiés (accordés ou non) par des organismes officiels nationaux ou Fédéraux (Bureau Européen à Munich, United States Patent Office, SIPO en Chine etc. ). Alors, que ce dégagé ait les génitaux d’attaquer ces bureaux officiels au nom d’une certaine éthique professionnelle et non L’Oréal (ou X, Y, Z). Mais l’éthique chez ces affairistes est un concept virtuel non enseigné car ne génère aucun billet vert.