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La Mort de Staline, la comédie qui ne fait pas rire le Kremlin

«La Mort de Staline» de Armando Iannucci a été censuré à Moscou. Concorde Filmverleih GmbH

Le réalisateur Armando Iannucci a traité comme une farce la lutte au sein de la garde rapprochée de Staline après la mort du dictateur en 1953. Le Britannique s'est attiré les foudres de Moscou, qui a interdit la diffusion du film en Russie.

Le timing n'arrange rien. En salle mercredi prochain, le film La Mort de Staline sort en pleine crise diplomatique entre la Russie et les pays occidentaux, après l'empoisonnement début mars au Royaume-Uni de l'ex-espion Sergueï Skripal et de sa fille, attribué à Moscou. En représailles, vingt-six pays, dont les États-Unis et dix-huit membres de l'Union européenne, ont expulsé des diplomates russes.

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Mais indépendamment de ces tensions diplomatiques, La Mort de Staline avait provoqué une crise en Russie où il a été considéré comme une comédie «extrémiste» qui «s'en prend à des symboles nationaux russes». Le film a vu sa licence de distribution annulée par le ministère de la Culture deux jours avant sa sortie en Russie, en début d'année. Un cinéma moscovite qui a diffusé le film a même écopé d'une amende. «J'en suis navré car le film se moque des hommes politiques mais pas du peuple russe», a expliqué le réalisateur Armando Iannucci, connu pour la série The Thick of it et la satire politique In the Loop (Oscar du meilleur scénario en 2010), lors d'une avant-première à Paris fin mars. Le film a même été accusé de «vouloir déstabiliser la Russie en période électorale», raconte-t-il, dans un grand éclat de rire.

Armando Iannucci voulait se pencher sur la figure d'un dictateur avant de découvrir le roman graphique des Français Fabien Nury et Thierry Robin, dont il a apprécié la dimension à la fois cruelle et comique. Il l'a porté à l'écran avec une distribution enlevée, réunissant Steve Buscemi (Fargo), Jeffrey Tambor (Transparent) et l'acteur de théâtre Adrian Mcloughlin dans le rôle du «Petit père des peuples». Mené tambour battant, le film, tourné en anglais, débute alors que Staline fait un malaise un soir, obligeant sa garde rapprochée (Beria, Khrouchtchev, Molotov, Malenkov parmi tant d'autres) à s'organiser.

Faits alternatifs

Première difficulté: trouver un médecin, alors que la plupart sont au goulag, rappelle le film qui multiplie les clins d'œil et anecdotes sur cette page sombre de l'histoire. «Staline aimait regarder des westerns, Beria glissait des tomates dans les poches des gens, le fils de Staline, Vassili, a caché être responsable d'un crash qui a causé la mort de l'équipe de hockey et a remplacé tous les joueurs, sans rien dire» pour échapper à la disgrâce, raconte le réalisateur qui s'est beaucoup documenté. Pour donner vie au film, il s'est rendu en Russie pour visiter la datcha de Staline et autres lieux importants. Le film a en revanche été tourné à Londres.

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Après la mort de Staline, la course au poste de secrétaire général est lancée avec son lot de coups bas et trahisons. Des scènes où se mêlent tragique et comique. Filmé à l'été 2016, La Mort de Staline fait également écho au monde politique d'aujourd'hui, parlant de «faits alternatifs et de comment en une minute, un ennemi national peut être réhabilité et comment il est possible d'avoir différentes narrations selon les termes que vous employez», souligne le réalisateur dans les notes d'intention du film, refusant toutefois une lecture trop simpliste. La Mort de Staline n'est pas «un commentaire sur la politique contemporaine, mais si malheureusement c'est le cas, je laisserai les gens tirer leurs propres conclusions d'après ce qu'ils ont vu à l'écran», assure-t-il.

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