Irruption de douaniers français dans le local d'une ONG : "L'ltalie attend des excuses"

Irruption de douaniers français dans le local d'une ONG : "L'ltalie attend des excuses"
Gare de Bardonecchia, photo d'illustration. (PIERO CRUCIATTI / AFP)

Rome a convoqué l'ambassadeur de France après que des douaniers français ont soumis un migrant à un test urinaire dans le local d'une ONG en Italie.

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La réaction rageuse de l’Italie face à "l’affaire Bardonecchia" est probablement justifiée, ou en tout cas compréhensible. La Péninsule a formellement protesté auprès de la France samedi, au lendemain d’un contrôle des douanes françaises dans une clinique gérée par une ONG d’aide aux migrants en gare de Bardonecchia, dans les Alpes italiennes.

L’incident a suscité la colère de nombreux responsables politiques en Italie, qui ont dénoncé une violation de souveraineté.

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L’ambassadeur de France à Rome a été convoqué samedi au ministère italien des Affaires étrangères pour s’expliquer. Dans un communiqué, le chef de la diplomatie italienne dit lui avoir fait part de sa "ferme protestation face au comportement des douaniers français, qui était inacceptable".

Italie : des douaniers français forcent un migrant à un contrôle urinaire dans le local d'une ONG

Cette affaire occupe la une de tous les quotidiens italiens et est décrite partout comme une invasion de territoire difficile à justifier. "Le Corriere della Sera" : "Minniti : Stop à la France" (Domenico Minniti, dit Marco Minniti, est ministre de l’Intérieur). "La Stampa" : "Les Français violent les frontières italiennes". "La Repubblica" : "Blitz anti-immigrés". "Il Messaggero" : "Migrants : L’Italie bloque la France". "L’Eco di Bergamo"  : "En marche ! nous envahit un peu".

Tous les médias sont conscients que cette crise frontalière risque de se transformer en crise diplomatique. Le ministère des Affaires étrangères parle d’"acte grave" et de "geste inacceptable de la part des douaniers français". "L’Italie attend des excuses" est le leitmotiv de la plupart des éditoriaux.

Macron "est prêt à payer le prix fort de l’inhumanité"

Le contexte électoral ou plutôt post-électoral, juste avant les "consultations" du président de la République pour la formation du nouveau gouvernement, pousse les acteurs politiques à manifester leur exaspération. On a pu entendre Matteo Salvini, leader de la Ligue du Nord et possible futur président du Conseil déclarer : 

"Ce ne sont pas les diplomates russes qu’il faut expulser, mais les français."

Suivi par Luigi Di Maio, leader du Mouvement 5 Etoiles, qui exige des "éclaircissements". Puis par Maurizio Martina, secrétaire du parti démocrate : "Ce n’est pas comme cela qu’on fera la nouvelle Europe."

D’autres, plus pragmatiques, rappellent quelques chiffres : sur les 12.000 réfugiés en Italie qui au nom des accords européens ont été redistribués sur le continent, 5.000 ont été accueillis par l’Allemagne et seulement 555 par la France. L’édito de "La Repubblica" est clair, sous le titre "Le vrai visage de la France", il soutient que Bardonecchia n’est pas un "incident désagréable" mais une "violation de souveraineté" dont Emmanuel Macron est le responsable". Macron qui, pour "contrôler les pulsions populistes de son pays, est prêt à payer le prix fort de l’inhumanité".

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D’autres soulignent qu’il y a quelque chose de contradictoire à s’exprimer en faveur d’une politique migratoire européenne "fondée sur le partage et le respect", comme fait le président français , et ne pas présenter ses excuses après "l'incident" de Bardonecchia. Car c’est cela qu’opinion publique et responsables politiques italiens attendent : des excuses.

Par-delà le contexte post-élections, c’est donc le problème de l’immigration qui sert de fond sonore aux protestations italiennes. Avec ses 8.000 kilomètres de cotes, ce pays dont la pointe extrême touche presque le Maghreb, a accueilli plus de 600.000 migrants en quelques années. Les frontières avec l’Autriche, la Slovénie, la Suisse, et la France, étant fermées, c’est la Péninsule qui, bon an mal an, est contrainte d’absorber les dizaines de milliers d’immigrés, "économiques" ou "politiques" qui déboulent sur son territoire. Dans l’indifférence générale de l’Europe. En tout cas en l’absence d’une véritable coopération entre les différents pays et d’un vrai partage des responsabilités.

Vintimille hier, Bardonecchia aujourd’hui : l’Italie par la bouche de son président du Conseil en exercice, Paolo Gentiloni, qui est loin d’être un "ennemi de la France" ou de Macron, désire discuter rapidement avec l’exécutif français "de nouvelles règles frontalières immédiatement opérationnelles".

Marcelle Padovani

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