Nestlé Watters est accusé par France Nature Environnement d'assécher la nappe phréatique de Vittel. Au point que la Commission locale de l'eau propose comme alternative d'installer un pipeline pour approvisionner les habitants de la ville des Vosges en eau potable. L'industriel affirme, lui, qu'il a respecté les décisions des autorités locales et qu'il a d'ailleurs réduit volontairement de 25 % la quantité d'eau qu'il était autorisé à pomper.

L’eau manque à Vittel. La phrase peut faire sourire, mais cela pourrait bien devenir une réalité pour les habitants de la ville des Vosges. Dans un communiqué publié le 22 mars, l’association France Nature Environnement (FNE) affirme que "le géant international Nestlé Waters s’est approprié la ressource locale pour commercialiser l’eau en bouteille, exportée en Allemagne. Au risque d’épuiser la nappe et au détriment des populations locales".
Nestlé Waters a en effet reçu l’autorisation de tirer un million de mètres cubes d’eau chaque année sur la nappe de GTI (Grès du Trias Inférieur). Une autre industrie, la fromagerie l’Ermitage, prélèverait, de son côté, 700 000 mètres cubes par an. À eux deux, les deux entreprises consomment 50 % de la ressource en eau, estime l’ONG European Water. 
Or selon le BRGM, Bureau de recherches géologiques et minières, la nappe n’arrive plus à se régénérer. Pomper à la fois par l’Ermitage, Nestlé Waters et la ville de Vittel, elle affiche un déficit de 1,1 million de mètres cubes par an. 
"Nous avons réduit volontairement notre droit de tirage de 25%"

Pour tenter d’atténuer le déficit, le 15 mars 2018, la Commission locale de l’eau (CLE) a proposé comme alternative un projet de pipeline qui viendrait alimenter en eau la ville de Vittel. "On oblige les populations locales à s’approvisionner en eau potable ailleurs", dénonce Michel Dubromel, président de FNE. "La situation à Vittel est la preuve d’une non-gestion en responsabilité de la ressource en eau locale disponible pourtant suffisamment abondante pour satisfaire les besoins du territoire à condition que chacun prenne en compte les besoins des uns et des autres".


C’est pourtant ce que pense avoir fait le directeur de Nestlé Waters Vosges, Hervé Lévis. "Alors que nous sommes autorisés à puiser 1 million de mètres cubes, nous avons décidé en 2017 de réduire de 25 % notre droit de tirage. C’est une décision volontaire, car en tant qu’utilisateur de cette nappe, nous avons conscience qu’il faut préserver sa durabilité", explique Hervé Lévis à Novethic.
Des soupçons de conflits d’intérêts 
Le directeur affirme avoir ouvert d’autres forages de nappes non épuisées dans la région pour pallier à la baisse de la nappe de GTI. "C’est une démarche de longue haleine qui demande beaucoup d’investissements et de temps. Il faut en moyenne trois à quatre ans pour recevoir les autorisations de forage", explique-t-il. "Mais même si on passe à zéro sur cette nappe, elle sera toujours déficitaire".
Quant à la proposition de pipeline, le directeur ne prend pas position et affirme qu’il votera en tant que membre du CLE, comme les 45 personnes qui y siègent. "Dans tous les cas, nous accompagnerons la décision", affirme-t-il.
Reste que trois associations siégeant à la Commission locale de l’eau – l’Association de protection des vallées et de prévention des pollutions, Oiseaux Nature et Vosges Nature environnement – dénoncent de possibles conflits d’intérêts.
Elles soulignent que l’ancienne conseillère départementale Claudie Pruvost, qui présidait la CLE, est l’épouse de Bernard Pruvost, ex-directeur R&D chez Nestlé Waters International. Ce dernier fut aussi, de 2010 à 2016, président de la vigie de l’Eau, association chargée du portage du Schéma d’aménagement et de gestion des eaux. La FNE rappelle d’ailleurs que Claudie Pruvost, également maire adjointe de Vittel, fait l’objet d’une enquête préliminaire pour prise illégale d’intérêt.
Marina Fabre @fabre_marina 

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