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Relire Balzac pour comprendre le « moment Macron »

LIVRE - Dans sa Comédie Humaine, le romancier faisait le portrait d'une France renouant avec l'essor économique après les années sombres de la Révolution et les guerres de l'Empire. Dans son livre consacré à la Monarchie de Juillet, l'historien Jean-Baptise Noé y voit un parallèle saisissant avec le « macronisme ».

Gravure de Louis Philippe (1773-1850), dernier roi de France. 
Gravure de Louis Philippe (1773-1850), dernier roi de France. (Edimedia/WHA/Rue des Archives)

Par Daniel Fortin

Publié le 29 mars 2018 à 16:20Mis à jour le 29 mars 2018 à 16:29

Entre 1829 et 1850, Honoré de Balzac entreprend un travail titanesque, qui fera de lui l'un des maîtres du roman français : dans sa fameuse « Comédie humaine », il s'emploie à traquer, à la manière d'un naturaliste - il se revendique sur ce point de Buffon - les espèces sociales qui forment alors la société française. Une société épuisée par dix ans de Révolution et quinze ans de guerres napoléoniennes, qui se jette dans les bras d'un souverain improbable, Louis-Philippe, un prince « normal », qui régnera dix-huit ans.

Parenthèse libérale

Voici donc la monarchie de Juillet, seule vraie parenthèse libérale de l'histoire française, écrit Jean-Baptiste Noé. Un libéralisme non pas à l'anglo-saxonne mais à la française, attaché aux libertés et en lutte contre l'égalitatisme étouffant imposé pendant les années révolutionnaires. Porté au pouvoir par des leaders républicains comme Adolphe Thiers, Louis-Philippe, descendant de souche Orléans, met fin au long règne de la branche aînée des Bourbon, disqualifiée par son retour aux affaires sous la Restauration.

L'émergence de ce dirigeant « anti-système », partisan, pendant la Révolution, de l'abolition des privilèges, moderne, cultivé, au mode de vie simple, est l'occasion de raccommoder un pays déchiré et bloqué par les luttes politiques intestines qui opposent des camps aussi irréconciliables que les ultras de la monarchie d'antan, les nostalgiques de l'Empire et les républicains qui veulent toujours abattre le trône.

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Dès l'entame de son règne, Louis-Philippe s'efforce de s'élever au-dessus des passions partisanes et d'imposer une gouvernance du « juste milieu », version ancienne du « en même temps » macronien.

Nous y voilà. Même si, en matière d'histoire, toute analogie est forcément hasardeuse, et même si Jean-Baptise Noé, historien, est trop amoureux de sa discipline pour pousser l'exercice au-delà de l'élémentaire rigueur qui sied à son métier, il ne peut s'empêcher de trouver des ressemblances entre les deux époques. « La séquence électorale de 2017 a de nombreux points communs avec la révolution de 1830 », écrit-il : « Renversement des figures établies, volonté de rompre avec un système à bout de souffle, grand rôle des médias et de la presse en faveur d'un candidat, espoir d'un dépassement politique et de l'établissement d'un régime où se retrouvent deux Français sur trois. La parenthèse libérale de Juillet a bien des points communs, pour l'instant, avec celle issue de mai dernier. »

Réforme de l'école

Même les ministres de Louis-Phillipe ne sont pas sans rappeler certaines figures du gouvernement d'un autre Philippe, Edouard celui-ci. Ainsi François Guizot, qui hérite d'un portefeuille en apparence modeste, l'instruction publique, qui le campera pourtant en grand réformateur de l'école en ce qu'il impose la présence d'établissements scolaires - publics ou privés - dans chaque commune de France. Impossible de ne pas penser ici au travail de transformation de l'Education nationale qu'a entrepris depuis quelques mois Jean-Michel Blanquer.

Confiance économique

Cette période de relatif apaisement politique qu'est la monarchie de Juillet contribue à restaurer en France une forme de confiance qui signe le retour à la prospérité économique. « En dix-huit ans, la France rattrape une partie du retard qu'elle avait accumulé par rapport à l'Angleterre », écrit l'auteur. C'est l'époque où les grandes banques émergent, ainsi que les industries sidérurgique, textile, minière. Le chemin de fer se déploie, reliant peu à peu les grandes villes entre elles. De grands travaux d'infrastructures sont menés, notamment les canaux, pour favoriser le trafic fluvial. Le niveau de vie des habitants reprend sa progression.

La France retrouve aussi sa place dans le concept des nations. C'est l'heure de l'Entente cordiale avec l'Angleterre. Louis-Philippe adopte une politique étrangère réaliste, cherchant à effacer l'empreinte belliqueuse laissée par L'Empire. L'Europe vit alors sous l'emprise du couple franco-anglais comme elle vivra, cent cinquante ans plus tard, sous l'influence du couple franco-allemand.

Refermée par la révolution de 1848, cette parenthèse libérale reste chère au coeur de l'auteur qui voit, manifestement, en Emmanuel Macron une nouvelle chance pour la France de s'essayer à la liberté. Cette prise de position, assumée, n'enlève rien à la qualité de son travail qui a le mérite d'éclairer une période finalement peu connue de notre histoire.

Daniel Fortin

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