Vraies ou fausses informations ? RSF propose un label européen pour faire le tri

Reporters sans frontières et ses partenaires se mobilisent pour lutter contre la propagation des “fake news”, véritable fléau.

Par Richard Sénéjoux

Publié le 03 avril 2018 à 16h20

Mis à jour le 08 décembre 2020 à 01h26

Pour lutter contre les « fake news », Reporters sans frontières, épaulé par différents partenaires (AFP, UER, Global Editors Network), jette les bases d’une certification européenne pour la défense d’une information fiable et de qualité. Entretien avec son secrétaire général, Christophe Deloire.

Pourquoi vouloir créer une norme pour les médias ?

Avec le développement des « fake news » et autres « faits alternatifs », tous les types de contenus sont mis au même niveau sur les plateformes comme Facebook ou YouTube. Une étude récente montre que les fausses informations se répandent plus vite que les vraies sur les réseaux sociaux… Cela constitue un péril majeur pour les démocraties. Aujourd’hui, Facebook ne sait pas dans quelles conditions sont produits les contenus (s’ils sont fiables, sponsorisés, publicitaires, etc.) et n’a pas les moyens de le savoir. Ce n’est pas non plus aux Etats de faire le tri entre les médias, il y aura toujours le spectre de la censure. Pour valoriser les médias qui pratiquent un journalisme respectueux des processus de production de l’information, on met donc en place un dispositif d’autorégulation baptisé « Journalism Trust Iniative », qu’on pourrait traduire par « Initiative pour la fiabilité de l’information ».

Sur quels critères les médias seront-ils évalués ?

Avec nos partenaires l’AFP, l’Union européenne de radio-télévision (UER) et le Global Editors Network (GEN) (1), on veut créer un référentiel juridique sur la base de garanties minimales comme la transparence, l’indépendance éditoriale ou l’absence de conflits d’intérêt. Par exemple, on ne peut être à la fois propriétaire d’un média (ou avoir un lien direct avec l’actionnaire) et en être le directeur de l’information. On veut aussi que les chartes d’éthique et de déontologie soient respectées. Après, toutes ces normes seront établies en pleine concertation avec les acteurs concernés  : médias, organisations et syndicats professionnels, instances d’autorégulation…, l’ensemble du processus étant placé sous l’égide du Comité européen de normalisation (CEN).

“Les médias doivent trouver des avantages concrets à être sérieux et honnêtes.”

Qui décidera concrètement de la labellisation des médias ?

Elle sera confiée à des entreprises indépendantes spécialisées dans la certification partout en Europe. Le dispositif est amené à être décliné rapidement aux Etats-Unis.

Des médias controversés, comme RT (Russia Today) ou Valeurs actuelles, peuvent-ils prétendre à décrocher la certification ?

Ce n’est pas à moi de le dire ! Dans l’affaire, Reporters sans frontières n’est qu’un coordinateur et un facilitateur.

Comment un média « labellisé » sera-t-il visible pour le grand public ?

On y réfléchit. Mais l’idée générale, c’est que les algorithmes fassent remonter les « vraies infos » dans les moteurs de recherche et sur les plateformes au détriment des autres. Les annonceurs nous disent aussi porter beaucoup d’intérêt à la création d’une « liste blanche » de médias fiables auxquels ils peuvent associer leur nom. Le dispositif pourrait aussi servir de référence pour les aides publiques à la presse. Les médias doivent trouver des avantages concrets à être sérieux et honnêtes.

La « loi anti-fake news », sur laquelle planche actuellement le gouvernement, ne vous paraît pas une bonne idée ?

On ne récuse pas le principe de la loi, mais elle ne peut pas répondre à tous les problèmes. Ce n’est pas, par exemple, au juge de décider si telle info est vraie ou fausse, il peut y avoir des effets pervers. C’est pourquoi nous formulons des recommandations.

De gauche à droite : Jean-François Legendre, responsable du développement de l’Afnor ; Olaf Steenfadt, directeur du projet JTI à Reporters sans frontières ; Bertrand Pecquerie, directeur du Global Editors Network ; Christophe Deloire, secrétaire général de Reporters sans frontières ; Michèle Leridon, directrice de l'information de l’AFP ; Claudio Cappon, secrétaire général de la Copeam, président du groupe de travail du CEN ; Noël Curran, directeur général de l’UER. 

De gauche à droite : Jean-François Legendre, responsable du développement de l’Afnor ; Olaf Steenfadt, directeur du projet JTI à Reporters sans frontières ; Bertrand Pecquerie, directeur du Global Editors Network ; Christophe Deloire, secrétaire général de Reporters sans frontières ; Michèle Leridon, directrice de l'information de l’AFP ; Claudio Cappon, secrétaire général de la Copeam, président du groupe de travail du CEN ; Noël Curran, directeur général de l’UER.  RSF

 

(1) Réseau mondial des rédacteurs en chef.

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