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Société

Simplissime, l'incroyable success-story du livre qui démocratise la cuisine

Deux livres de la collection Simplissime.

Deux livres de la collection Simplissime. - Hachette

La collection de livres de cuisine Simplissime continue de cartonner, plus de deux ans après le lancement du premier livre concocté par Jean-François Mallet.

"Ça peut paraître fou ou prétentieux de dire ça, mais moi, ça ne m’étonne pas". Deux ans et demi après la sortie de Simplissime, le livre de cuisine le + facile du monde, son auteur, Jean-François Mallet, ne fait pas dans la fausse modestie quand il s’agit d’évoquer le succès de sa création. Au fond, il aurait tort: le concept, désormais décliné en collection par Hachette, accouchera le 18 avril prochain d’un nouveau volume, le 24e: Simplissime, la cuisine en famille la + facile du monde, où "chaque recette est associée à un personnage de Disney pour que les enfants les plus difficiles succombent".

Aujourd’hui, Simplissime est traduit dans 16 langues, distribué dans 20 pays, pour un total de deux millions d’exemplaires écoulés à ce jour (ventes éditeur). Evidemment, personne n’allait s’amuser à changer ce qui fait le succès de la collection. "Les livres de cuisine c’est vachement bien, mais c’est toujours compliqué, on n’a jamais la belle vaisselle, jamais les bons ingrédients, ça ne ressemble jamais à la photo… Je me suis vraiment adapté aux gens, je me suis vraiment mis à leur place. Ce livre, c’est comme un tuto", explique Jean-François Mallet. Ce n’est pas qu’une simple expression: les recettes, présentées simplement et visuellement, ne contiennent jamais plus de six ingrédients.

"Je ne voulais pas faire un livre qui finisse sur une étagère. Il doit finir corné, usé, taché"

Dès le départ, "j’ai dit à mon éditeur que je ne voulais pas faire un livre qui finisse sur une étagère. Il doit finir corné, usé, taché", reprend Jean-François Mallet. Grâce à Simplissime, "on efface la densité des ouvrages de chefs qui proposent une sorte d’idéal du culinaire mais qui sont compliqués, inadaptés pour les consommateurs", confirme Kilien Stengel, enseignant-chercheur à l’université de Tours, spécialiste de l’alimentation.

Selon lui, "l’achat des livres de cuisine aujourd’hui est à 80% un achat de cadeau, pas de besoin. Les gens finissent par le mettre dans leur bibliothèque sans y toucher. Alors que Simplissime est bien présent dans les cuisines".

Mais Simplissime, c'est aussi un succès marketing. "Aujourd’hui, les consommateurs, pour choisir un objet-livre, étant donné qu’ils ont tout sur Internet, souhaitent s’incarner dans l’objet", explique Kilien Stengel. "Hachette a réfléchi, a sélectionné un personnage, qui est Jean-François Mallet, mais ça aurait pu être n’importe qui. On a connu exactement la même chose fin 19e début 20e siècle, avec les livres Tante Marie, un ouvrage avec un choix d’illustration d’une femme qui représentait les bonnes valeurs de la France. La réflexion marketing faite par les maisons d’édition était déjà faite à cette époque-là. Et en disant ‘marketing’, je n’ai pas un ton uniquement acerbe et critique".

"Du fait maison en respectant un train de vie très occupé"

"On n’a pas réfléchi en marketeur, on a réfléchit en éditeur", répond Céline Le Lamer. La directrice du pôle loisirs créatifs chez Hachette raconte d’ailleurs s’être d’abord lancée sur un tirage "prudent" à 15.000 exemplaires. "On répond à une attente du grand public, qui est de faire du fait maison tout en respectant un train de vie très occupé. Mais on a aussi fait un livre dont la forme et le fond se correspondent totalement. La promesse du titre va avec la maquette, avec les textes en gros caractères et en huit lignes, avec des ingrédients du quotidien, des photos dans un non-stylisme culinaire. On n’a pas triché du tout, c’est tel que ça sort du four".

Plus de deux ans après que Jean-François Mallet est venu lui présenter son idée, elle a donc décidé d’exporter la formule gagnante en dehors des fourneaux, en dupliquant le concept du "mode d’emploi" à la couture, au jardinage ou au bricolage. "On n’essaie pas de tirer le filon", reprend Céline Le Lamer. "Tant que ça marche, ça veut dire que le public est en attente de recevoir de nouvelles recettes façon Simplissime. Mais tout n’est pas possible: on voulait faire une méthode pour apprendre la guitare, mais on n’a pas trouvé le mode d’emploi pour le faire".

"Je ne suis pas millionnaire mais j’ai dix ans de loyer devant moi"

Hachette croit tellement fort à son cocktail qu’il a nommé Jean-François Mallet directeur de collection pour "développer la méthode Simplissime sur d’autres créneaux", explique-t-il. "C’est le gardien du temple", sourit Céline Le Lamer. Pour lui, les fins de mois difficiles sont désormais un mauvais souvenir:

"Je ne suis pas millionnaire, mais j’ai dix ans de loyer devant moi, et quand je suis en vacances, je reprends une coupe de champagne là où je faisais attention avant. Le grand changement, c’est que toutes les maisons d’édition veulent travailler avec moi. Quand j’ai un projet, elles le prennent sans même regarder. Alors que pendant 20 ans il a fallu se battre bec et ongles".

Autant dire qu’il n’est pas encore arrivé à saturation. "Est-ce que j’en ai marre? Tant qu’on me demande des recettes et que je prends plaisir à les faire, je continue".
Antoine Maes