Libérez le blogueur saoudien Raif Badawi !

LETTRE OUVERTE. Peu avant la visite du prince ben Salmane à Paris, un collectif interpelle Emmanuel Macron sur le sort du militant emprisonné depuis 2012.

Ensaf Haidar, l'épouse du blogueur saoudien militant des droits de l'homme Raif Badawi, emprisonné pour délit d'opinion depuis 2012, brandit sa photo, ici en 2015.

Ensaf Haidar, l'épouse du blogueur saoudien militant des droits de l'homme Raif Badawi, emprisonné pour délit d'opinion depuis 2012, brandit sa photo, ici en 2015.

© Christian Lutz/AP/SIPA / AP

Temps de lecture : 4 min

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Nous vous écrivons aujourd'hui, Monsieur le Président, avec le soutien de vingt-neuf associations, afin de porter à votre attention une situation d'une extrême gravité qui requiert une intervention de la France dans les meilleurs délais. Il s'agit de la vie même du Prix Sakharov 2015, le blogueur saoudien Raif Badawi*, âgé de 34 ans et emprisonné depuis le 17 juin 2012 dans son pays d'origine, l'Arabie saoudite, en raison de sa défense pacifique des droits humains.

Ce jeune père de famille fut publiquement flagellé de cinquante coups de fouet le 9 janvier 2015, après la prière du vendredi, sur une place faisant face à la mosquée al-Jafali à Jeddah. La sentence complète de M. Badawi est de 1 000 coups de fouet, de dix ans d'emprisonnement, d'une amende de plus de 200 000 euros et d'une interdiction de quitter le territoire saoudien pendant dix ans après avoir purgé sa peine. Ce digne défenseur des droits de la personne est de plus coupé du monde et placé en isolement. Sa santé s'est gravement détériorée ces derniers mois, nous affirme son épouse, Mme Ensaf Haidar, présidente de la fondation Raif Badawi, que nous avons rencontrée le 13 janvier dernier à Saint-Denis, et avec laquelle nous nous sommes longuement entretenus.

En effet, à l'invitation de quelques associations œuvrant dans le domaine de la laïcité et des droits des femmes en partenariat avec plusieurs médias, Ensaf Haidar nous faisait l'honneur de participer à l'événement « Avec Charlie, laïcité, j'écris ton nom », qui se tenait en présence de plus de 400 personnes, dont une trentaine de représentants du monde associatif. Ce jour-là, madame Haidar a rappelé l'engagement infaillible de son mari en faveur de la liberté de conscience, de la liberté d'expression et des droits des femmes. À travers des mots simples et percutants, Mme Badawi a notamment expliqué les circonstances et les enjeux entourant l'arrestation de son compagnon et père de ses trois enfants. « Mon époux était coupable, selon son acte d'accusation, d'avoir insulté l'islam et d'avoir par ses productions, troublé l'ordre public, les valeurs religieuses et la morale. En fait, son crime n'était autre que sa conviction profonde à exprimer librement ses opinions – la liberté d'expression est au cœur même de la question. Il ne s'agit pas d'un choc de civilisations ni d'un conflit Est-Ouest. Il s'agit d'un droit universel que revendiquent, partout dans le monde, les défenseurs et les militants des droits humains. Ils demandent ce droit, tout simplement parce qu'il est la pierre angulaire de tout système démocratique, transparent et ouvert. »

Voilà un jeune homme né dans un pays hostile à toute forme de liberté, en particulier celle qu'incarnent d'une façon magistrale l'esprit de notre Révolution française ainsi que ses grands idéaux. Comment ne pas voir en lui un Voltaire d'Arabie ? Comment rester insensible au terrible sort de cet humaniste qui croupit dans les geôles d'un pays qui suffoque sous la férule de lois qui abaissent l'être humain, bafouent sa dignité et abrogent les libertés ?

L'engagement du Prix Sakharov 2015 ne peut nous laisser indifférents. Plus encore, il interpelle nos consciences, agit sur nos mémoires, questionne notre capacité à faire respecter les droits humains. Une chose est sûre, considérant les risques courus : nous ne pouvons le laisser seul face à l'arbitraire. Pour nous, tout comme pour sa famille, son emprisonnement est insupportable ! M. Badawi mérite de rejoindre les siens le plus tôt possible. Ces derniers sont installés au Canada depuis 2013. C'est pourquoi nous vous demandons d'intercéder pour sa libération.

Nous savons pertinemment bien, Monsieur le Président, que notre requête est délicate. Cependant, les récentes mesures du Royaume saoudien à l'endroit des femmes sont autant de signaux positifs, porteurs d'espoirs qui augurent une ère plus propice à la discussion et aux échanges.

Bientôt, vous recevrez à Paris le prince héritier Mohammed ben Salmane. Nous vous prions donc de saisir cette opportunité pour en appeler à la libération de Raif Badawi, notre frère en humanité. Nous vous faisons confiance pour trouver les mots justes, le ton approprié ainsi que le moment opportun pour plaider en sa faveur et nous vous serions reconnaissants de bien vouloir nous faire connaître la suite qui sera donnée à notre demande.

La France a un rôle éminemment important à jouer dans le concert des nations. Nous ne vous apprenons évidemment rien ici. Elle ne saurait donc rester sourde aux appels d'Ensaf Haidar et de ses soutiens afin de faire libérer Raif Badawi. Il en va de son honneur et des valeurs qu'elle défend vaillamment. Il en va aussi de son image dans le monde. Ce n'est qu'en maintenant la France à la hauteur de ses valeurs de justice et de liberté que vous mettrez en cohérence la République et ses principes fondateurs.

Acceptez, Monsieur le Président, l'expression de notre plus haute considération.

André Gomar, président de l'Observatoire de la laïcité de Saint-Denis

Sémira Tlili, présidente de Réseau 1905

* Raif Badawi, prisonnier d'opinion en Arabie saoudite depuis 2012, Prix Sakharov 2015 et récipiendaire du prix Daniel Pearl 2018 pour le courage et l'intégrité dans le journalisme.

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Commentaires (2)

  • siska

    Liberté pour cet homme condamné à des supplices datant d'un autre monde.
    Espérance de voir un jour sortir de prison ce journaliste qui n'a commis de faute que celle de dire sa pensée au risque de sa vie.
    Courage à son épouse qui se bat pour lui comme une autre femme s'est battue pour un autre qui s'appelait Mandela, leurs histoires différent mais ils se battent tout deux pour des valeurs humaines.

  • rondelette

    De tout cœur qu'on libérera cet homme des geôles de son pays ! Il n'a rien fait de mal !