La mission parlementaire sur les pesticides exonère (en grande partie) le glyphosate
Dans son rapport du 4 avril, la mission parlementaire sur les pesticides propose une interdiction très limitée du glyphosate, semblant revenir sur les positions d’Emmanuel Macron et de l’Inra. Tandis que le ministre de l’Agriculture, lui, promet un grand plan pour le bio.
Le sort du glyphosate semblait jeté. En novembre dernier, alors que l’Europe annonçait finalement sa reconduction pour cinq ans, le Président de la République s’engageait à bannir cet herbicide controversé de l’Hexagone sous trois ans.
Sollicités, les scientifiques de l’Inra avaient alors rendu en un temps record un rapport proposant des alternatives, bien que plus complexes et demandant du temps à mettre en œuvre. Ils soulignaient néanmoins quelques "impasses", pour lesquelles seule la destruction à la main pouvait répondre pour l’instant : l’agriculture de conservation, les cultures pour des marchés spécifiques avec de fortes contraintes techniques (comme les légumes de frais cultivés en plein champ), ou encore des niches tel le rouissage de la fibre de lin, une activité dans laquelle la France est leader mondial.
Manque de données sur les liens entre maladies et pesticides
Après plusieurs mois d’auditions et de déplacements à travers la France, la mission parlementaire d'information sur les pesticides a rendu un avis bien plus prudent, dans son rapport rendu public le 4 avril. Si elle appelle à "réduire drastiquement l'usage des pesticides pour tendre aussi rapidement que possible vers leur abandon", et, d’ici là, plus de prévention et d’information concernant leurs risques et dangers potentiels, elle propose néanmoins de restreindre considérablement le périmètre d'interdiction envisagé pour le glyphosate en ne s’en privant "dans l'immédiat", que dans "sa fonction dessiccative". Un usage pour déshydrater les plantes et faciliter leur récolte pourtant peu usité dans l’Hexagone, selon la profession agricole et les ONG.
Aux yeux des rapporteurs de la mission, manifestement pas convaincus par les pistes de l’Inra, il reste en effet "nécessaire d'accélérer les travaux de R&D pour trouver des alternatives crédibles". Il faudrait également plus de "données documentées et notamment d'études épidémiologiques" pour pouvoir établir des liens de causalité entre la survenue de maladies et l’exposition aux pesticides. La mission propose néanmoins d’instaurer un "dispositif national de surveillance des pesticides dans l'air et fixer un seuil de détection des produits phytopharmaceutiques".
Soulagement à la FNSEA et dans l’agrochimie
Soulagement donc à la FNSEA, le premier syndicat agricole, qui estime avoir été entendu dans sa quête de "trouver des solutions plutôt que des interdictions", comme elle le confiait à L’Usine Nouvelle il y a encore quelques semaines. Soulagement aussi au sein de l’industrie de l’agrochimie, qui n’avait de cesse de défendre cette molécule phare, tout en planchant en parallèle sur des alternatives y compris non chimiques (voir notre grande enquête).
Mais la pilule a du mal à passer du côté des ONG environnementales. Aux yeux de Générations Futures, "les solutions proposées ne semblent pas à la hauteur des ambitions affichées", malgré "des actions isolées positives": encourager le biocontrôle ou encore le remplacement des insecticides de stockage par d’autres méthodes, accroître la recherche sur les variétés résistantes…
Delphine Batho pose sa démission
Vice-présidente de la mission, la députée socialiste et ancienne ministre de l'Ecologie Delphine Batho a annoncé pour sa part le 5 avril sa démission de cette initiative parlementaire, dénonçant un rapport "très en deçà des engagements du Président de la République sur la sortie du glyphosate". Seul point positif à ses yeux : le soutien à une proposition de loi PS adoptée début février au Sénat, contre l'avis du gouvernement : créer un fonds d'indemnisation des victimes des pesticides.
Hasard du calendrier ? Stéphane Travert a pour sa part fait, le même jour, un pas en faveur de l’agroécologie, à l’occasion d’un symposium international organisé par la FAO à Rome. Le ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation espère "multiplier par dix" pour atteindre "10% des fermes françaises" respectant ce concept, en faveur de l'agriculture bio et de méthodes plus respectueuses de l’environnement. Tandis que son ministère promet un plan de 1,1 milliard d'euros pour développer le bio en France. Objectif, bien que difficilement tenable au rythme de croissance actuel - pourtant élevé - du bio : passer d'ici la fin du quinquennat de 6,5% à 15% des surfaces agricoles cultivées.
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