Les meilleurs cerveaux du monde sont occupés à résoudre les problèmes des riches, qui n'ont vraiment pas de problèmes. Une tribune de Navi Radjou.
En février 2018, l’entreprise SpaceX d'Elon Musk a lancé avec succès dans l'espace Falcon Heavy, la fusée la plus puissante au monde, avec un Tesla Roadster en tête, avec l'intention de mettre la voiture de sport de $200,000 sur orbite autour de Mars. La voiture, portant un mannequin nommé « Starman », a raté l'orbite de Mars et s'est enfoncée plus profondément dans le système solaire. Aujourd’hui elle flotte dans le vide tout en se désintégrant lentement. Musk a prétendu que la mission « idiote mais amusante » était un grand succès et ouvrirait la voie à la future colonisation de Mars.
En tant que résident de la Silicon Valley, je ne peux pas m'empêcher de hocher la tête d'incrédulité. Juicero et Teforia illustrent tout ce qui ne va pas avec la Silicon Valley : une bande d'entrepreneurs super intelligents déconnectés de la réalité qui brûlent des milliards de dollars en R & D pour inventer des gadgets « intelligents » dont personne n’a vraiment besoin ou au mieux servir une petite élite—alors que 70% des gens dans le monde vivent avec 10 dollars ou moins par jour. Une aberration qui a conduit Sam Pitroda, ancien conseiller à l'innovation du Premier ministre indien, à noter sardoniquement :
Ici sur Terre, l'humanité est aux prises avec non pas un, mais 17 méga-problèmes, que les Nations Unies ont classés comme les objectifs de développement durable (ODD). Ces ODD incluent : la lutte contre le changement climatique, la réalisation de l'égalité des sexes, l’élimination de la pauvreté et de la faim, accès universel à l'eau potable, à l'énergie, et à des soins de santé abordables. L'ONU veut que toutes les nations atteignent les ODD d'ici 2030 afin de construire des sociétés inclusives, saines et prospères. Malheureusement, l'ONU estime aujourd'hui que la plupart des pays - en particulier les États-Unis - sont loin derrière pour atteindre ces ODD.
Je ne crois plus que les entrepreneurs intelligents de la Silicon Valley vont sauver la Terre. Pourquoi le feraient-ils quand ils sont bien davantage intéressés à coloniser Mars ? Si nous voulons construire un monde inclusif, sûr, sain et durable, nous avons besoin d'une nouvelle génération d'innovateurs. Plus précisément, nous avons besoin d'un nouvel état d’esprit en matière d'innovation. Einstein l’a bien dit : « Nous ne pouvons pas résoudre les problèmes en utilisant le même type de pensée qui les a engendrés ». Nous avons besoin de résolveurs de problèmes créatifs qui pensent, ressentent et agissent très différemment. Ce dont nous avons besoin, ce sont des innovateurs sages.
Qu'est-ce que la sagesse ? Dans notre livre Donner Du Sens à L’Intelligence, mon coauteur Prasad Kaipa et moi définissons la sagesse comme « l'application de l'intelligence pour servir une cause noble ». Les innovateurs sages utilisent leur intelligence pour ne pas s'enrichir, comme le font les entrepreneurs de la Silicon Valley, mais pour élever l'humanité. Plus précisément, les innovateurs sages sont des vrais leaders qui :
Dirigent avec un esprit d'entreprise, un cœur social et une âme écologique : Les innovateurs sages ne vivent pas dans leur tête (pardon Mr. Descartes ! ). Ils sont en accord avec leur cœur - le siège de la compassion et de la générosité - et se sentent profondément liés à la Nature, plutôt que d'en être séparés. Ils vont bien au-delà du « mindfulness » (méditation de pleine conscience) : ils pratiquent le « wholefulness » (c.-à-d. « l'entièreté » ) et mènent de tout leur être. Prenez Eileen Fisher, une designer et PDG de la société de vêtements éponyme. Dans un secteur obsédé par la vitesse, Fisher est pionnière de la « slow fashion » en introduisant des vêtements moins nombreux mais plus durables.
Construisent des plates-formes qui amplifient le talent des autres. Plutôt que d’étaler et mettre en valeur leur propre intelligence, les innovateurs sages sont ce que Liz Wiseman, expert en leadership, appelle les « multiplicateurs » : ils amplifient l'intelligence des autres et aident à réaliser leur plein potentiel. Eben Upton, l'inventeur du Raspberry Pi, est un multiplicateur. Raspberry Pi est un microprocesseur open-source qui ne coûte que $35 (une version allégée se vend pour seulement $5). Initialement destiné à enseigner la programmation informatique aux enfants, Rasberry Pi s’est vendu à plus de 15 millions d'unités à ce jour!
Des dizaines d'entrepreneurs dans le monde utilisent maintenant Raspberry Pi comme un élément de base pour développer des solutions pour résoudre les problèmes socio-économiques majeurs. L'ONG Learning Equality l'utilise pour diffuser du contenu éducatif (comme celui de Khan Academy) dans des écoles indiennes et africaines isolées sans connectivité Internet. HeartFelt Technologies, une startup basée à Cambridge, a construit un dispositif non intrusif alimenté par Raspberry Pi qui peut surveiller l'insuffisance cardiaque à la maison (les défaillances cardiaques coûtent au Royaume-Uni plus de £2 milliards par an).
Co-créent de la valeur avec un écosystème de partenaires. Les innovateurs sages ne considèrent pas leurs interactions avec les autres comme un jeu à somme nulle régi par la formule compétitive « 1 + 1 = 0 ». Au lieu de cela, ils croient fermement à la formule synergique de 1 + 1 = 11. Avec beaucoup d'humilité et un esprit ouvert, ils s'engagent avec des partenaires dans les secteurs public et à but non lucratif pour co-construire des solutions gagnant-gagnant qui servent un objectif plus large. Emmanuel Faber, PDG du géant mondial de l'agroalimentaire Danone, est un tel « synergiseur » (c’est aussi un « leader du cœur », comme il l’a démontré durant son discours émouvant à HEC :
Tandis que des entrepreneurs intelligents de la Silicon Valley s’évertuent à développer des lance-flammes de $500, Eileen Fisher, Eben Upton et Emmanuel Faber ont consacré leur vie à éteindre les incendies - l'inégalité, le réchauffement climatique et la pénurie de ressources - qui menacent la civilisation humaine.
Quel genre d'innovateur êtes-vous?
Navi Radjou est co-auteur de L’Innovation Frugale et Donner Du Sens A L’Intelligence : Comment Les Leaders Eclairés Réconcilient Business Et Sagesse, tous deux publiés par Diateino.
Cet article a été à l’origine publié par Thinkers50 :
http://thinkers50.com/blog/smart-wise-innovator
C'est quand même très fort de mettre Juicero et Falcon Heavy sur le même plan!
S'il n'avait pas envoyé sa voiture, c'est un bloc de béton de plusieurs centaines de kilos qui serait parti dans l'espace. C'est comme ça que la Nasa procède depuis des dizaines d'années.
En faisant ça, il fait donc de la com' pour ses voitures electriques, et pour un lanceur révolutionnaire qui va permettre de démocratiser l'utilisation des satellites, qui répondent à plusieurs des fameux 17 méga-problèmes cités, si ce n'est tous...
Dommage que l'article commence par une platitude pareille, le sujet est on ne peut plus vrai, et mérite toute notre attention...
En effet je pense qu'Elon Musk est un mauvais choix comme "modèle d'inutilité" des entrepreneurs de la silicon : il propose depuis 10 ans des voitures totalement électriques avec la marque tesla, en 2014 il a offert les brevets de tesla au monde en proposant une base open source les contenants, il investit dans l'énergie solaire... bref mm si certains de ces projets sont discutables il amène des technologies permettant à terme de réduire notre impact sur le climat donc fait pour moi plutôt partie des entrepreneurs intelligents qui se consacrent à trouver des solutions à des vrais problèmes plutôt qu'à l'autre camp. D'autres sont bien pires! Article intéressant mais incomplet à mon goût, et en ce qui concerne danone je ne doute pas de leurs bonnes actions mais là encore il faudrait les confronter à toutes les autres activités de cette multinationale... sinon nous nous retrouvons avec un point de vue trop partisan.
il aurait tres bien pu mettre un satellite bourré de capteur et receuillir données utiles
Aïe.
C'est plutôt l'auteur qui est naïf, car il n'a pas vraiment compris le système dont il parle.
Là où c'est grave c'est sur la critique de la conquête spatiale, quant on en est à ne pas comprendre son intérêt, c'est qu'on ne comprend même pas le principe de la vie et de la survie à long terme. Le pire c'est qu'il l'oppose à la survie de « la terre » alors que c'est justement l'une des solutions, et ça il ne le voit même pas, c'est dingue.
Les problèmes ça s'anticipe, je ne sais même pas comment on peut être entrepreneur et ignorer ça.
Bon, je tombe sur l’article au détour d’un partage FB. Et vous mélangez tout! Avec des données erronées en plus.
Autant j’accepte volontier l’idee Que la Silicon Valley soit devenue une usine à tout et n’importe Quoi, surtout en fintech mais pour le reste, j’ai juste halluciné le nombre de mauvaises informations et exagérations qui y sont écrites. La Silicon Valley est une mouvement qui a impulsé énormément, ce n’est plus une économie mais un modèle dans sa conception. Faites comme la SV mais ne devenez pas la SV...
Heureusement les commentaires plus haut me rassure.
[…] nous. Il faut créer des lieux où les gens soient encouragés à mettre en œuvre leurs idées. Les brainstormings pour résoudre des problèmes qui n’existent pas, c’est fini. Il faut aller sur le terrain pour résoudre les vrais problèmes autour de l’énergie, de la […]