L'humanité pollue aussi l'espace, et c'est de pire en pire

L'humanité pollue aussi l'espace, et c'est de pire en pire
Modélisation des débris autour de la Terre (NASA)

Débris, produits dangereux... il est urgent de nettoyer l'orbite terrestre, avertissent des scientifiques.

· Publié le · Mis à jour le
Temps de lecture

Si une civilisation extraterrestre venait à observer notre civilisation de loin, la caractéristique la plus marquante serait probablement notre capacité à détruire notre environnement. Pollution atmosphérique, continent de plastique, changement climatique, déforestation, extinctions massives d'espèces... devant tout ce triste palmarès, la dégradation de l'espace qui entoure notre planète pourrait sembler anecdotique.

Pourtant, l'espace est devenu indispensable pour un nombre considérable d'outils que nous utilisons sans même y penser et dont la dégradation serait susceptible d'avoir des conséquences graves, voire dramatiques. Il ne faut pas attendre le jour où un avion de ligne ait un accident parce qu'un morceau de métal de quelques centimètres aura détruit un satellite de positionnement pour réaliser qu'il y a un vrai problème.

La suite après la publicité

"Eviter que l'espace soit aussi endommagé que les océans"

Une équipe de scientifiques britanniques vient de tirer la sonnette d'alarme en affirmant qu'une réglementation internationale et des investissements doivent intervenir de manière urgente pour éviter que l'espace soit aussi endommagé que les océans par l'activité humaine. Faute d'une telle régulation, le développement spatial pourrait "impacter des fonctions essentielles, comme les communications mondiales ou les observations vitales de la Terre" ainsi que le possible développement du tourisme spatial ou des activités économiques (mines sur les astéroïdes, conquête de la Lune et des autres planètes...).

"L'espace devient de plus en plus accessible, et chaque pays, université, compagnie ou même école sont désormais capables de construire un satellite et de le faire lancer dans l'espace, et c'est vraiment excitant", explique Sir Martin Sweeting, professeur à l'université du Surrey. "Le tourisme spatial sera au départ pour les super-riches, mais il deviendra de plus en plus abordable avec le temps, tout comme les voyages aériens l'ont été au siècle dernier", poursuit-il. "Mais nous devons procéder avec précautions, nous ne voulons pas créer davantage de débris, car ceux que nous avons déjà représentent un gros risque pour les futures missions robotiques ou habitées."

6.300 tonnes de déchets spatiaux

Vue d'artiste de débris spatiaux (ESA)

Ce sont des morceaux de satellites ou de fusées qui errent au-dessus de nos têtes. Ils sont les résultats de collisions ou d'éjections de parties superflues lors des lancements (des morceaux de premier étage par exemple). Il y a aussi des satellites hors d'usage. Le tout s'est accumulé en 60 ans de conquête spatiale jusqu'à atteindre des niveaux astronomiques.

La suite après la publicité

Difficile d'avoir des chiffres précis sur le nombre de ces morceaux de métal et de plastique. La Nasa à elle seule suivrait dans les 23.000 objets de plus de 2 cm, mais ce n'est que la partie émergée de l'iceberg. L'an dernier, lors de sa 7ème conférence sur le sujet, l'agence spatiale européenne (Esa) évaluait à 8.000 tonnes le poids total des engins spatiaux en orbite autour de la Terre, dont... 6.300 tonnes de satellites hors service et de morceaux plus ou moins gros !

Selon certaines estimations, il y aurait environ 750.000 morceaux de plus d'1 cm et 166 millions de plus d'1 mm. Lorsqu'on sait qu'un bout de métal d'à peine 5 mm peut faire une bosse de 40 cm dans un panneau solaire, on imagine le danger pour la navigation spatiale de ces nuages de débris qui se déplacent à une vitesse moyenne de 40.000 km/h.

La situation pourrait d'ailleurs fortement s'aggraver avec la multiplication des mini-satellites, les CubeSat. Des chercheurs de l'université de Southampton (Angleterre) ont modélisé l'évolution du trafic spatial en ajoutant ces CubeSat, qui ont tendance à être envoyés par escadrilles entières. Selon leurs résultats, ces nouveaux arrivants pourraient augmenter les risques de collisions catastrophiques (destruction d'un satellite...) de 50%.

Le panneau solaire du satellite Sentinel 1A avant et après l'impact d'un débris de moins de 5 mm : la zone endommagée fait 40 cm de diamètre. (ESA)

La suite après la publicité

Morceaux contaminés et trou dans l'ionosphère

La chute de la station spatiale chinoise Tiangong-1 pouvait sembler anecdotique vu la probabilité ridiculement faible que l'un de ses morceaux puisse atteindre un être humain. Il n'était cependant pas impossible que l'un de ces fragments, même tombé en zone désertique, soit retrouvé par une personne mal informée. Le danger devenait alors tout autre : la contamination par des matières dangereuses. "Pour votre sécurité, ne touchez aucun débris que vous puissiez trouver au sol et ne respirez pas les vapeurs qu'ils pourraient émettre", prévenait le site spécialisé Aerospace. Les engins spatiaux peuvent en effet contenir des produits toxiques, comme l'hydrazine, qui est utilisée dans les carburants pour fusées.

Même sans débris, les fusées peuvent causer des dommages à l'environnement technologique qui évolue autour de la planète. Un exemple nous en est donné par une étude taïwanaise publiée en début d'année dans la revue Space Weather. En août 2017, une fusée Falcon 9 de SpaceX met en orbite un satellite. Jusque là, rien d'exceptionnel, mais selon les chercheurs, l'angle inhabituel de lancement ce jour-là a provoqué des effets perturbateurs sur l'ionosphère, une couche de l'atmosphère qui a un rôle important dans la transmission des ondes radio.

Le passage de la fusée aurait créé une onde de choc d'une surface équivalente à plus de 3 fois celle de la France. La conséquence ? Un "trou" dans la fameuse ionosphère susceptible entre autres de perturber les GPS jusqu'à causer des erreurs d'un mètre. Dans ce cas précis, la perturbation a été toute théorique, mais les auteurs préviennent que de tels événements "devraient s'accroître à un rythme énorme dans un futur proche," du fait de l'augmentation de notre présence dans l'espace.

Des accords internationaux mais...

En théorie, les satellites lancés aujourd'hui devraient avoir un dispositif leur permettant, en fin de vie, soit de plonger dans l'atmosphère pour s'y consumer entièrement soit d'aller plus loin, sur une orbite "cimetière" où ils ne gêneraient pas le trafic spatial présent et futur. C'est le cas pour nombre d'entre eux, mais pas tous...  Le comité des Nations unies pour l'usage pacifique de l'espace a adopté un texte en ce sens en 2008, mais les moyens de contraindre états et sociétés privées ne sont pas énormes.

La suite après la publicité

"Le traité de l'Antarctique stipule que vous devez enlever tout ce que vous avez apporté dans cette région lorsque vous en repartez", déclarait fin mars le professeur Paul Monks, de l'université de Leicester, lors d'une conférence à Hong Kong. "Nous devrions considérer comment nous rassembler pour créer des réglementations similaires pour protéger l'espace."

Au harpon ou au filet ?

Il ne suffira pas de prendre des mesures pour éviter de créer de nouveaux débris spatiaux, même si elles sont indispensables. Il faudra également nettoyer l'orbite terrestre des déchets qu'elle contient déjà. C'est pour tester différentes méthodes de nettoyage spatial que la mission RemoveDebris, financée par l'Union Européenne, a été transportée à bord de la station spatiale internationale lundi 2 avril.

Une fois déployé par les astronautes, le satellite-robot tentera de capturer des débris grâce à un filet ou à un harpon. Il testera également une méthode de "dé-orbitage" : le déploiement d'une voile qui ralentira un satellite, suffisamment pour qu'il ne puisse plus se maintenir en orbite et qu'il aille brûler dans l'atmosphère.

RemoveDebris va ainsi montrer qu'il existe des solutions pour nettoyer l'espace et pour éviter de le polluer davantage.

La suite après la publicité

La mission RemoveDebris va tester des méthodes de capture et de dé-orbitage de satellites.

L'espace, à quoi ça sert ?

Les systèmes GPS ne servent pas seulement à vous aider à retrouver votre chemin dans une campagne inconnue. Ils servent à l'agriculture, à la géologie, ils sont devenus indispensables à la navigation, aérienne ou maritime et demain les voitures sans chauffeur dépendront entièrement de leur fiabilité.

Internet, le téléphone, la télévision, la radio, tout cela est aujourd'hui en grande partie tributaire de satellites donc de l'espace environnant la Terre. En outre, de nombreux progrès sont réalisés grâce à la présence humaine dans l'espace (médecine, nouveaux matériaux, etc.)

Dans un avenir proche, on ira aussi chercher des métaux rares sur des astéroïdes ou sur la Lune, et on pourra peut-être également produire de l'énergie dans l'espace à destination des populations terrestres. Mais pour cela il faut que la banlieue de la Terre ne soit pas un cimetière de satellites et de fusées...

Les plus lus
A lire ensuite
En kiosque