Seine-Saint-Denis : le lycée de Stains au cœur de la guerre des bandes

À la sortie de Maurice-Utrillo, à Stains (Seine-Saint-Denis), les jeunes essuient menaces et coups de marteau. Profs, élèves et parents racontent leur quotidien.

    Mardi, Nadia est descendue du bus à 7h50. Sur le parvis, c'était la confusion : des hommes venaient de menacer d'une arme à feu un élève devant les grilles. « Voilà comment a commencé ma journée », résume avec une moue dépitée la CPE du lycée Maurice-Utrillo, à Stains (Seine-Saint-Denis). Le 12 mars, une prof d'économie a fait cours « avec une mare de sang » devant sa classe. Un élève, sérieusement blessé devant la grille par des coups de marteau portés au crâne, était venu se réfugier dans le couloir. Ce matin-là, de trouille, un ado de 16 ans « s'est fait pipi dessus », relate Nadia.

    La violence n'est la plupart du temps pas interne au bahut. Mais depuis septembre, elle frappe quand la cloche sonne : le lycée polyvalent Utrillo, où travaillent quelque 160 adultes et près de 1 300 jeunes, se trouve otage de règlements de compte entre bandes rivales de Stains et de Pierrefitte (Seine-Saint-Denis).

    Occupation de l'établissement ce dimanche

    À l'origine de la violence, « des histoires de cœur », croit savoir une source en préfecture. Sa réalité se grave en blancs dans les agendas depuis septembre : de nombreux cours ont été manqués, à force de droits de retrait, de blocus des élèves, et de grèves du personnel. Vendredi, une réunion de crise s'est tenue et a convenu d'une présence policière devant l'établissement jusqu'aux vacances, à la fin de cette semaine. L'Éducation nationale a aussi dépêché la semaine dernière une « équipe mobile de sécurité », ainsi que trois psychologues. Des réponses jugées insuffisantes par une centaine de professeurs et de parents d'élèves, venus occuper l'établissement ce dimanche. Ils prévoient de poursuivre le mouvement lundi.

    A Utrillo, le sentiment d'abandon est plus que palpable. Il en rappelle un autre : celui des équipes du lycée professionnel Gallieni de Toulouse (Haute-Garonne), qui fin janvier ont levé le voile sur un lieu gangrené par les trafics et l'insécurité. Combien sont-ils, ces établissements en danger? L'administration admet 12,8 incidents graves pour 1 000 élèves par an, soit 442 faits par jour d'école, dans les collèges et lycées de France. Un chiffre sous-estimé, de l'avis des spécialistes.

    «Arriver avec un rameau d'olivier en disant qu'on va dialoguer est rarement efficace»

    Pour Fabian Bergès, prof à Gallieni et membre du syndicat Sgen CFDT, ce silence est le fait « de la culture de l'Éducation nationale, qui consiste encore trop souvent à penser que le délinquant de la rue se transforme miraculeusement en élève une fois passé le portail. Le réflexe est de donner encore un tour au couvercle de la cocotte-minute, en se disant que ça va aller. »

    Le SNPDEN, le syndicat national des chefs d'établissements, milite pour des agents de sécurité. « Quand les problèmes relèvent du maintien de l'ordre, arriver avec un rameau d'olivier en disant qu'on va dialoguer est rarement efficace », plaide son porte-parole, Philippe Tournier.

    Au ministère, on table sur « la prévention » et en cas de crise ouverte, une « gestion des ressources humaines adaptée ». « L'important est de réfléchir à la mixité sociale dans ces lieux. Il ne peut pas y avoir de climat serein et apaisé dans des lycées ghettoïsés », insiste Nadine Bielle, enseignante et secrétaire du Sgen-CFDT en Midi-Pyrénées. À Gallieni, la direction a changé et un nouveau projet d'établissement est en cours. « Des progrès ont déjà été constatés », explique-t-on rue de Grenelle. La preuve ? Les enseignants n'ont plus besoin de se faire raccompagner à leur voiture à la fin de leur journée. En Seine-Saint-Denis, parents et enseignants de Stains ont prévu de se joindre à un nouveau rassemblement jeudi devant le lycée Paul-Eluard à Saint-Denis, avec d'autres établissements du département confrontés à des violences récurrentes.