Plus de 500 000 euros en l’espace de dix-huit jours. La cagnotte de solidarité avec les cheminots ouverte sur le site Leetchi par une trentaine de personnalités connaît un succès qui surprend ses instigateurs même.
Mise en ligne le jour de la manifestation contre la réforme de la SNCF, le 22 mars, pour exprimer leur « sympathie » envers les grévistes et aider financièrement le mouvement de protestation, elle a démarré doucement, puis s’est emballée. Bien au-delà des opérations plus modestes organisées par les syndicats.
L’idée de cette initiative revient au sociologue Jean-Marc Salmon, agacé par la manière dont le gouvernement et les médias « tapaient sur les cheminots ». Déjà rompu aux appels à la solidarité – les derniers en faveur de l’écrivain italien Erri de Luca ou contre l’usage des Flash-Ball – il a pioché dans son carnet d’adresses. « Le but n’est pas de ressortir la figure de l’intellectuel, comme ce fut le cas en 1995, mais tout simplement de renouer avec une tradition du mouvement ouvrier : les cheminots sont en première ligne, on est à l’arrière », explique-t-il.
Les écrivains Annie Ernaux, Patrick Raynal ou Gérard Mordillat, les réalisateurs Dominique Cabrera, Christophe Honoré et Robert Guédiguian ou encore les philosophes Bernard Stiegler et Etienne Balibar…, ils ont été une trentaine à répondre présent. « Chacun comprend que les journées de grève coûtent et que pour le succès de leurs revendications, il importe que le mouvement puisse durer », écrivent-ils.
« On voit se dessiner un mouvement citoyen »
A la suite de l’appel lancé sur un blog du site Mediapart le 23 mars, les dons ont commencé à affluer, particulièrement avec les premiers arrêts de travail, le 3 avril. Ce sont désormais quelque 70 000 euros qui arrivent chaque jour. Des petits dons, de 10 à 20 euros, comme des plus gros, souvent accompagnés d’un message d’encouragement.
« On voit se dessiner un mouvement citoyen, un geste collectif pour soutenir ceux qui défendent les services publics », veut croire M. Salmon.
Les instigateurs de l’opération ont pris contact avec les organisations syndicales du rail afin d’assurer la transparence de la distribution : « Toutes les sommes récoltées seront directement versées sur les comptes des syndicats, au prorata des suffrages obtenus aux élections professionnelles », disent-ils. Un premier versement est prévu jeudi 12 avril.
Du côté des syndicats, on se réjouit tout en regardant cet élan avec surprise. « On ne gère pas ça », commente sobrement la CGT, qui souligne qu’il existe des caisses de grève dans chaque organisation afin de parer aux besoins des plus modestes.
Sur les piquets de grève, une collecte est souvent organisée pour payer les repas. Dans les cortèges, des dons spontanés ont été versés aux militants syndicaux.
« Il y a un élan de solidarité, ça nous touche. Malgré le fait que les gens galèrent dans les transports, il ne faiblit pas et ça nous pousse à ne pas lâcher », dit Bruno Poncet, secrétaire général de SUD-Rail. La troisième organisation syndicale de la SNCF a ouvert, elle aussi, une cagnotte sur le site Le Pot commun. Lundi 9 avril, elle atteignait tout juste 40 000 euros.
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