La chasse et le partage de la nourriture sont pour les anthropologues des comportements très importants. Voire même les fondations des sociétés humaines. Mais les preuves archéologiques sont rares pour étudier de tels échanges... Alors pour éprouver leurs théories, les scientifiques scrutent les grands singes. Grâce à leurs observations, ils évaluent "la capacité de notre ancêtre commun en terme d'usage communautaire des ressources, de partage de la nourriture et des autres formes de coopération", indiquent deux chercheurs de l'Université de Liverpool John Moores (Royaume-Uni) et de l'Institut Max-Planck d'anthropologie évolutionniste (Allemagne) dans une étude publiée le 5 avril 2018 dans la revue Human Nature. Celle-ci rapporte la toute première observation d'un partage de nourriture entre les bonobos (Pan paniscus) de deux colonies différentes.
Les bonobos partagent la nourriture dans le calme
En janvier 2017, des chercheurs ont suivi des bonobos dans une forêt de la République Démocratique du Congo (RDC). Finalement, deux groupes issus de la colonie dite de l'Ouest et de l'Est et composés de mâles, de femelles et de jeunes, se sont rencontrés à l'issue de ce périple. Très vite, plusieurs primates ont été attirés par la belle pièce de viande - un céphalophe de Peter (Cephalophus callipygus), sorte d'antilope - que détenait le mâle alpha du groupe Ouest. S'en est-il suivi une bataille générale ? Pas du tout, selon les observations des chercheurs. Bien au contraire, même. L'animal a partagé sa nourriture avec de nombreuses femelles. L'une d'entre elle a même arraché la tête du céphalophe afin d'en distribuer des morceaux à sa progéniture mais également aux adultes des deux groupes. Les biologistes n'ont pas relevé de comportement agressif ou de prise de nourriture par la force. "Aucun de ces transferts n'a provoqué de comportement agressif, ils ont été induits plutôt par des regards, des gestes de supplication ou simplement par l'attente ce qui indique un niveau inhabituel de tolérance sociale qui n'avait pas encore été observé", indique l'étude.
Ce travail révèle donc une nouvelle dimension concernant ce que les chercheurs appellent la "tolérance sociale" chez ces animaux. Lors des prochaines observations, l'équipe souhaiterait prêter une attention particulière aux bonobos qui initient l'exploration : sont-ils des mâles ? des femelles ? Et quels bénéfices tirent-ils de ces interactions pacifiques avec les membres d'une autres colonies ?