POLITIQUE - Emmanuel Macron a déclaré lundi 9 avril vouloir "réparer" les liens entre l'Église catholique et l'Etat français, qui "s'est abîmé", dans un discours prononcé devant la conférence des évêques de France (voir la vidéo en tête d'article). "Pour cela, il n'est pas d'autre moyen qu'un dialogue en vérité", a précisé le président devant 400 invités réunis en début de soirée dans la grande nef cistercienne du collège des Bernardins à Paris.
De quoi déclencher l'ire de Jean-Luc Mélenchon qui n'a pas tardé à prendre la parole sur son compte Twitter. Le lien entre "l'Église et l'État" n'a pas lieu d'être. Macron va trop loin. C'est irresponsable! (...) Macron en plein délire métaphysique. Insupportable. On attend un président, on entend un sous-curé", a notamment lancé le leader de la France Insoumise, comme vous pouvez le voir ci-dessous.
Mais le leader de la France Insoumise n'est pas le seul à s'émouvoir de la teneur du discours du président de la République. L'ancien candidat socialiste à la présidentielle Benoît Hamon a également réagi sur les réseaux sociaux. "Quand le lien entre l'Église et l'État a-t-il été abîmé ? Est-ce lors du mariage pour tous? S'il doit être réparé ? Est-ce lors de la révision des lois de bioéthique? sur la PMA?", a-t-il tweeté.
Pour Emmanuel Macron, ce "dialogue est indispensable" car "une Église prétendant se désintéresser des questions temporelles n'irait pas au bout de sa vocation" tandis "qu'un président de la République prétendant se désintéresser de l'Église et des catholiques manquerait à son devoir".
Rappels à la Constitution et silence gêné chez LREM
Dans la foulée des deux anciens candidats à la présidentielle, une avalanche de réactions négatives a répondu aux propos du chef de l'Etat, et ce y compris chez des personnalités Macron-compatibles. Fait rare, aucun des piliers de la majorité n'avait pris la parole dans la soirée pour défendre la position du président de la République, certains députés LREM se contentant de partager ses paroles plus consensuelles.
Sobrement mais sans ambiguïté, l'ancien premier ministre Manuel Valls, député apparenté à La République En Marche, a lui pris ses distances avec le président de la République en renvoyant à l'esprit de loi de 1905 sur la laïcité. "La laïcité c'est la France, et elle n'a qu'un seul fondement: la loi de 1905, celle de la séparation des Eglises et de l'Etat. La loi de 1905, toute la loi, rien que la loi", a tweeté l'élu de l'Essonne.
Dans son sillage, le nouveau premier secrétaire du PS, Olivier Faure, a marqué son agacement en rappelant que "l'Eglise catholique n'a jamais été bannie du débat public".
Le Grand Orient de France, historiquement très engagé en faveur de la laïcité, a lui aussi condamné "une grave atteinte à la laïcité" et une "violation de nos principes républicains".
A droite, les chefs de file des Républicains se sont montrés plus discrets. Mais même les élus qui n'hésitent pas à revendiquer leur foi ont trouvé à redire à l'intervention du chef de l'Etat, la députée LR Valérie Boyer regrettant qu'il n'ait pas évoqué "le christianomépris".
Prenant le président au mot, l'eurodéputée LR Nadine Morano a profité de l'occasion pour réclamer qu'il inscrive les "racines chrétiennes" de la France dans la Constitution.
Une première
Ce discours d'Emmanuel Macron, qui a marqué à plusieurs reprises son intérêt pour les questions religieuses, est inédit car c'est la première fois que l'Église catholique organise un tel événement médiatique, comparé par certains au rendez-vous annuel du Crif (Conseil représentatif des institutions juives de France).
"Dans ce moment de grande fragilité sociale, quand l'étoffe même de la nation risque de se déchirer, je considère de ma responsabilité de ne pas laisser s'éroder la confiance des catholiques à l'égard de la politique - et des politiques", a ajouté le chef de l'Etat accompagné de son épouse Brigitte et du ministre de l'Intérieur Gérard Collomb.
"Pour des raisons à la fois biographiques, personnelles et intellectuelles, je me fais une plus haute idée des catholiques. Et il ne me semble ni sain ni bon que le politique se soit ingénié avec autant de détermination soit à les instrumentaliser soit à les ignorer", a expliqué le président. Emmanuel Macron a également défendu son "humanisme réaliste" pour justifier la politique migratoire du gouvernement, objet de critiques de la part d'associations catholiques.
"Mon rôle est d'assurer la liberté absolue de croire ou ne pas croire (...) d'accepter sans compromis toutes les lois de la République, c'est cela la laïcité, ni plus ni moins, une règle pour notre vie ensemble", a-t-il rappelé.
Avant lui, le président de la Conférence des évêques de France (CEF), Mgr Georges Pontier, a appelé à prendre en compte les "besoins des plus pauvres" pour "bâtir une nation fraternelle, juste et solidaire".
Parmi les 400 personnes invitées à cette soirée figuraient des élus, des chefs d'entreprise, des intellectuels, mais aussi des personnes âgées, handicapées, précaires.
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