Publicité

La SNCF grande bénéficiaire de l'ouverture à la concurrence... à l'étranger

La SNCF réalise un tiers de son chiffre d'affaires à l'étranger alors que les cheminots sont opposés à l'ouverture à la concurrence. Keolis / C. Köster, 2017

La libéralisation du rail, vivement rejetée par les syndicats de cheminots en France qui poursuivent leur grève, a pourtant permis à la SNCF de remporter de nombreux contrats à l'étranger. Jusqu'à récemment, le groupe ne devait d'ailleurs sa croissance qu'à ses activités hors de France.

La SNCF «est un service public, donc on dit ‘non' à toute concurrence». La position de la CGT, rappelée par son secrétaire Philippe Martinez le 29 mars au micro de BFMTV et RMC, ne souffre aucune ambiguïté. «Il y en a déjà [des trains étrangers circulant en France], donc arrêtons-nous là», avait-il renchéri. Pourtant, en dépit d'une grève qui s'annonce longue, le gouvernement tient bon. «Nous allons ouvrir à la concurrence le domaine ferroviaire, transformer l'organisation de l'entreprise, mettre fin au recrutement au statut», a martelé Edouard Philippe le 5 avril sur France Inter.

En cette période de grèves et de débats sur le péril que représenterait - ou non - la libéralisation du transport ferroviaire, il est une donnée que les syndicats omettent de mentionner: la SNCF profite déjà à plein de l'ouverture à la concurrence... mais à l'étranger. «Un tiers du chiffre d'affaires de la SNCF est aujourd'hui réalisé à l'international, a rappelé Guillaume Pepy, le PDG du groupe dans une interview à Ouest France le 21 mars. Nous sommes présents dans plus de 120 pays, même si peu le savent. Les trains de banlieue à Washington, le tramway de Melbourne, c'est nous. Cela nous apporte en termes de chiffre d'affaires mais aussi en termes d'emploi. Beaucoup d'ingénieurs français travaillent ainsi pour des projets à l'étranger.»

D'après les informations transmises par la SNCF au Figaro, le chiffre d'affaires réalisé à l'étranger en 2017 s'élève à près de 10,8 milliards d'euros (voir carte ci-dessous), sur un chiffre d'affaires total de 33,5 milliards, en croissance de 4,2% par rapport à 2016. Il y a dix ans, l'international ne représentait que 12% de l'activité de la SNCF. Et dans son rapport annuel, le groupe affirme vouloir atteindre 50% de son activité en dehors de la France, dont la moitié en Europe.

2,5 milliards de chiffre d'affaires rien qu'au Royaume-Uni

La SNCF est naturellement très implantée en Europe où, hors France, elle affiche un chiffre d'affaires de près de 6,6 milliards d'euros - dont 2,5 milliards uniquement au Royaume-Uni. La société est aussi très active en Amérique du Nord (plus de 2 milliards d'euros), Australie/Océanie (818 millions) et Asie centrale (468 millions). Le reste représente près de 1,1 milliard d'euros de chiffre d'affaires, répartis en Amérique du Sud, Afrique et Asie du Sud.

La partie logistique, principalement prise en charge par sa filiale Geodis pour la branche fret, représente (toujours France non comprise) un chiffre d'affaires de 5,5 milliards d'euros, soit la moitié du CA de la SNCF à l'international. Vient ensuite le transport public, service géré par la filiale Keolis, avec 3,5 milliards, puis les grandes lignes - 1,5 milliard - et enfin la partie conseil et ingénierie - 158 millions - essentiellement assurée par l'entité Systra.

Concrètement, la présence de la SNCF à l'international se traduit par les parts détenues dans les sociétés de transport transfrontalières Eurostar, Thalys, Westbahn, Alleo, Lyria, TGV Italia et Elipsos. Au-delà, c'est la filiale Keolis qui chapeaute le transport de personnes avec, entre autres, 225 km de métros automatiques, 16 réseaux de tramway, 6000 km de lignes ferroviaires et 23.000 bus et cars. Au Royaume-Uni, où le marché du transport ferroviaire a été ouvert à la concurrence en 1994, elle exploite la joint-venture Govia, première franchise du pays. Elle est aussi présente au capital des trains KeolisAmey Docklands et du «métro léger» de Manchester. En Allemagne, où le marché a également été ouvert à la concurrence en 1994, Keolis Deutschland est le troisième opérateur privé, sous la marque Eurobahn. Outre-Atlantique, la société a remporté le contrat de trains de banlieue de la ville de Boston en 2014, soit 1000 kilomètres de lignes et 134 gares. Et ce ne sont que quelques exemples de la longue liste des sociétés appartenant, intégralement ou en partie selon les cas, à Keolis, et donc au groupe SNCF.

La contradiction des syndicats

Cette forte implantation à l'international est sans conteste la grande réussite de la SNCF ces dernières années. En 2014, le groupe ne devait d'ailleurs sa croissance qu'à ses activités à l'étranger. Aujourd'hui la direction s'enorgueillit d'avoir redressé la barre grâce à une politique de réduction des coûts. Mais reste toujours la délicate question de SNCF Réseau, dont la dette atteint 47 milliards d'euros.

Les syndicats de cheminots exigent que le projet du gouvernement d'ouvrir le réseau ferré à des sociétés concurrentes de la SNCF soit abandonné. En ce cas, et pour gagner en cohérence, ne devraient-ils pas également réclamer que la société se débarrasse de ses activités à l'étranger et cesse ainsi de profiter d'un marché livré à la libre concurrence? Mais peut-être sont-ils trop conscients de la nécessité pour leur employeur de trouver des débouchés rentables....

La SNCF grande bénéficiaire de l'ouverture à la concurrence... à l'étranger

S'ABONNER
Partager

Partager via :

Plus d'options

S'abonner
72 commentaires
  • Anastasie=anesthésie

    le

    chacun aura compris que les cheminots français veulent conserver leur statut, tout en sachant que les maigres bénéfices de "leur" entreprise proviennent des activités de la SNCF à l'étranger qui, toutes ont profité de l'ouverture à la concurrence. Il faudrait donc que leurs avantages et la dette soient payés par les contribuables français et les cheminots qui ne profitent pas de ce statut...

  • Elise33

    le

    La SNCF a l'ambition de faire dès 2025 50 % de son CA à l'étranger, on comprend pourquoi les investissements pour le rail en France manquent !

  • Elise33

    le

    On le sait la SNCF a 1300 filiales à l'étranger (sur Marianne). L'état préfère investir à l'étranger qu'en France, risible non ?

À lire aussi

Voiture électrique : autopsie d’une panne

Voiture électrique : autopsie d’une panne

DÉCRYPTAGE - Après un bon millésime en 2023, le secteur est à la peine en ce début d’année, et ce à la fois en Europe et aux États-Unis. L’inflation et la diminution des aides d’État ralentissent le marché.