Emmanuel Macron va-t-il frapper en Syrie ?

S’il est prouvé que le régime d’Assad a encore utilisé des armes chimiques contre son peuple, le président pourrait, comme il l’a promis, déclencher l’option militaire contre le raïs sanguinaire.

 Une jeune enfant syrienne fixant la caméra qui capte les conséquences d’une  probable attaque à l’arme chimique, survenue ce dimanche 8 avril sur la ville de Douma.
Une jeune enfant syrienne fixant la caméra qui capte les conséquences d’une probable attaque à l’arme chimique, survenue ce dimanche 8 avril sur la ville de Douma. REUTERS TV

    Frapper ou ne pas frapper? Face à la Syrie, voilà Emmanuel Macron au pied du mur. Après le bombardement à l'arme chimique, samedi, de la ville de Douma, dans la poche de la Ghouta, avec ses images de femmes et d'enfants gazés en détresse dans les hôpitaux, Paris et ses alliés ne peuvent plus rester inertes et impuissants devant un Bachar al-Assad s'acharnant sur son peuple.

    Sur ce dossier, la « ligne rouge » dressée par la France et les Etats-Unis n'a pas varié depuis le début de la guerre civile syrienne en 2011 : c'est l'utilisation par le régime de Damas de substances toxiques pour donner la mort, comme jadis le sarin et aujourd'hui le chlore ou des dérivés chimiques. Sauf que… il faut d'abord recueillir des preuves de la nature et des auteurs de l'attaque, sur un théâtre où il est difficile d'opérer pour la France.

    « Même sans prélèvements ADN des victimes, on établit un faisceau d'indices en recoupant les témoignages, les images et tous les éléments recueillis par les services de renseignement », décrypte Bruno Tertrais, directeur adjoint de Fondation pour la recherche stratégique (FRS). Au sommet de l'Etat, on semble n'avoir guère de doute. « Il y a une très forte présomption d'usage d'arme chimique », nous confie un conseiller du président.

    Moins de 24 heures pour déclencher l'option militaire

    Encore faut-il avoir la volonté politique et la capacité militaire pour attaquer. Justement ce qui a manqué en août 2013 : alors que Washington, Londres et Paris affichaient leur désir de punir Bachar et d'appuyer sur le bouton après une attaque chimique massive dans la région de Damas, le britannique Cameron puis l'américain Obama se dérobèrent au dernier moment. Et François Hollande n'osa pas y aller seul, qui plus est sans mandat de l'ONU.

    Alors, cette fois, la France de Macron va-t-elle agir ? Si le président s'en tient à son engagement, un scénario militaire se dessine. Moins de 24 heures suffiraient à le mettre en œuvre. Ne déclarait-il pas il y a un mois que, une fois la preuve irréfutable en poche, il donnerait son feu vert à « des frappes ciblées ». « Nous avons la capacité autonome de procéder à ces frappes », ajoutait-il même. Et de conclure, plus chef des Armées que jamais : « Je le déciderai » !

    De l'autre côté de l'Atlantique, Donald Trump est déterminé et pressé d'intervenir. Entre l'Elysée et la Maison Blanche, le téléphone chauffe. « L'hypothèse la plus probable est celle d'une action conjointe franco-américaine, peut-être avec une participation des Anglais », estime encore Bruno Tertrais. Deux options possibles, selon lui : soit un ou plusieurs raids punitifs de missiles, téléguidés depuis des navires de guerre ou des chasseurs bombardiers. Soit une opération plus vaste visant les centres de commandement du raïs de Damas, pour l'empêcher une bonne fois pour toutes d'asphyxier son peuple.

    « Une aventure militaire serait la pire des erreurs »

    Les plans d'attaque sont prêts, comme l'a rappelé le chef d'état-major des Armées, le général Lecointre. Peu après son arrivée à l'Elysée, Macron avait ordonné que les scénarios de 2013 soient réactualisés. « Une aventure militaire serait la pire des erreurs, prévient toutefois le géopolitologue de l' Iris Didier Billion*. Avec le veto prévisible des Russes ( NDLR, indéfectible allié d'Assad ), l'ONU - dont le conseil de sécurité se réunissait ce lundi soir - ne validera jamais de telles représailles. Et de toute façon, ça ne résoudra pas la crise syrienne ».

    Macron déclenchera-t-il sa première guerre? En plein tumulte social, des grincheux y voient déjà une possible diversion. Il n'empêche, stopper le massacre en Syrie est un impératif moral trop longtemps différé. Le jeune président est seul face à cette lourde responsabilité.

    * Auteur de « Géopolitique des mondes arabes », ed. Eyrolles. 16, 90 euros.

    Deuxième entretien téléphonique entre Macron et Trump