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Economie et Social

Combien d'argent ont d'ores et déjà perdu les cheminots qui font grève

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- - Philippe Huguen - AFP

Depuis le 22 mars dernier, certains cheminots ont déjà fait cinq jours de grève. Et pour certains, le manque à gagner sur leurs revenus va se compter en centaines d'euros. Un sacrifice que la SNCF n'a pas l'intention de compenser.

Après cinq jours de grève, les cheminots grévistes commencent à faire leur comptes. Et pour certains cela commence à être compliqué. Les contrôleurs évaluent entre 50 et 60 euros par jour le manque à gagner sur leur feuille de paie. En cinq jours, depuis le 22 mars, cela va représenter une amputation salarial de près de 300 euros. Et c'est sans compter la perte des différentes primes qui peuvent représenter 20% de la rémunération de l'agent.

En moyenne, un contrôleur débutant gagne aux alentours de 1200 euros net par mois, plus les primes. Ce qui représente un salaire de 1400 à 1800 euros par mois en moyenne. Au bout de dix ans, cela peut monter 1600-2000 euros par mois et grimper en fin de carrière jusqu'à 3000 euros. L'impact financier n'est donc pas le même qu'on soit un contrôleur débutant ou confirmé.

750 euros en moins pour un conducteur

Il en va de même pour les conducteurs qui sont la catégorie d'agents la plus fortement concernée par la grève. Lundi 9 avril, ils étaient 75% à se mobiliser contre la réforme contre 71% pour les contrôleurs et 35% pour les aiguilleurs. La rémunération des conducteurs est un peu plus élevée que celle des contrôleurs. En début de carrière, ils perçoivent entre 1500 et 2000 euros par mois selon les primes accumulées. Et si on en croit le site carrière de la SNCF, un conducteur gagne entre 3500 et 4000 euros net par mois après 20 ans de conduite. Donc si on table sur un salaire moyen de 3000 euros net par mois, un conducteur qui a débrayé durant les cinq journées où il était appelé à faire la grève, aura perdu 750 euros depuis le début du mouvement social.

Et cette estimation ne prend pas en compte le calcul complexe que la direction de la SNCF entend imposer à ceux qui étaient de repos les jours où ils ne faisaient pas grève. Car pour bénéficier des deux jours de repos hebdomadaire payés, elle estime qu'ils doivent travailler cinq jours consécutifs. Ce que ne permet par ce système de grève fractionnée qui revient tous les trois jours. En ne travaillant que trois jours sur cinq dans la semaine (60% du temps), ils n'ont droit qu'à 60% de leur salaire.

Bref pour tenir, les cheminots sont obligés de se tourner vers les syndicats. Ces derniers vont toucher une partie de la cagnotte de soutien organisée sur Internet et qui a déjà recueillie près de 640.000 euros. Les syndicats toucheront les fonds au prorata des dernières élections professionnelles (34,33% pour la CGT soit 220.000 euros, 23,86% pour l'Unsa-Ferroviaire soit 152.000 euros et 16,83% pour Sud-Rail soit 107.700 euros). Les syndicats peuvent répartir ces sommes entre les salariés syndiqués. Mais ces sommes ne représentent que quelques dizaines d'euros au mieux par salarié gréviste.

Seule la CFDT dispose d'une réelle caisse de grève

La CGT affirme ne pas disposer d'une autre caisse de grève à la différence de la CFDT qui a accumulé un véritable trésor de guerre de quelque 126 millions exclusivement dédiés aux grèves. Mais pour les salariés mobilisés dans le conflit de la SNCF qui ne sont pas adhérents de la CFDT, il faudra se débrouiller autrement. 

Et si la CGT et Sud-Rail ne disposent pas d'une caisse de grève, c'est qu'historiquement, les accords de fin de grève prévoyaient le paiement d'une partie des jours de grève ou au moins l'étalement des retenus sur salaire ou la prise de jours de congés. Mais avec la faiblesse des syndicats français (avec 8% de salariés syndiqués, le taux en France est le plus bas de l'OCDE), le rapport de force a changé ces dernières années.

Lors du dernier grand conflit social à la SNCF en 2010, le ministre du Travail d'alors, Xavier Bertrand, avait exigé de la direction que les retenues ne soient plus étalées. Et c'est désormais le cas dans de nombreuses entreprises privées qui ont durci leur politique en la matière. Bref, les agents SNCF qui vont continuer le conflit vont devoir faire un important sacrifice et sans vraiment de matelas.

Frédéric Bianchi
https://twitter.com/FredericBianchi Frédéric Bianchi Journaliste BFM Éco