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Jean-Vincent Placé : "J'ai honte, je vais me soigner"

Jean-Vincent Placé
Jean-Vincent Placé © Kenzo TRIBOUILLARD / AFP
La Rédaction , Mis à jour le

L’ancien secrétaire d’Etat Jean-Vincent Placé passera en jugement pour une soirée arrosée qui a mal tourné. Il fait son mea culpa en exclusivité dans Paris Match.

«Je m’excuse. » Jean-Vincent Placé sort de trente-sept heures de garde à vue. Il a en poche sa convocation au tribunal correctionnel, où il sera jugé le 11 juillet au tribunal pour violences, injures à caractère racial et outrage à agents . L’ancien secrétaire d’Etat à la Simplification, qui conteste tout dérapage raciste et tout acte de violence, a été placé sous contrôle judiciaire. « Je mesure bien la honte et l’indignité d’avoir été en état d’ébriété, d’avoir eu un comportement déplacé et inconvenant. J’en paierai conséquences. Je le dois à ma famille, auprès de laquelle je m’excuse aussi. » Etranglé par l’émotion, il reprend après un interminable silence : « Je ne veux parler ni de ma famille ni de ma fille. » Mathilde a fêté ses 4 ans en novembre. C’est pour elle, et pour ses parents, qu’il a accepté de nous parler. 

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Voir aussi : Cécile Duflot-Jean-Vincent Placé, la décadence des Verts

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Pas de relecture de ses propos, mais une demande : que l’interview se fasse par téléphone. L’ancien sénateur écologiste a peur de craquer. Les voix trahissent pourtant autant que les visages. « Je vais vous dire des choses que je n’ai jamais racontées, promet-il. J’ai toujours été dans l’action. C’est pour moi atroce de faire acte de contrition. Je dis la vérité, là, devant vous. » Faut-il le croire ? A vous d’en juger. Dans la nuit du 4 au 5 avril, selon le procès-verbal de Jessy G., gardien de la paix, quatre policiers, « revêtus de (leur) tenue civile », se rendent à la Piscine, un bar du Quartier latin, à Paris, à la demande du portier, qui indique « avoir des difficultés avec le comportement d’une personnalité, à savoir M. Placé, Jean-Vincent ».

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Il veut "solder le temps d'avant, présenter (ses) excuses, arrêter de boire"

Sur place, le quatuor constate que « son haleine sent fortement l’alcool, ses yeux sont brillants et son équilibre semble précaire ». Le reste est connu. Jean- Vincent Placé aurait pris par le bras une jeune femme de 19 ans pour lui demander « de danser contre rémunération ». Devant son refus, il l’aurait insultée. Au videur, il aurait dit : « Nous ne sommes pas au Maghreb, ici. Tu ne sais pas qui je suis, je vais te renvoyer en Afrique, moi, tu vas voir ! » Dans l’attente de leur chef, les policiers encadrent l’ex-sénateur. Placé tente de s’échapper, puis, toujours selon le procès-verbal, insulte un brigadier (« tocard ») et, ne voyant pas venir les renforts, demande ce que « fous [sic] ces connards ». A 2 h 25, au commissariat, il souffle dans le ballon : 1,16 mg par litre d’air expiré. Il est mis en cellule de dégrisement au dépôt du palais de justice. Il y passe la première de ses deux nuits de garde à vue allongé sur un banc. C’est là, dit-il, qu’il entame une longue introspection. « Les trente-sept heures de garde à vue ont eu un mérite : j’ai enfin pris le temps de réfléchir. J’ai réalisé que, dans les derniers mois, j’avais bu excessivement en diverses circonstances. Il y a eu des excès, de l’alcoolisme. J’assume le mot. C’est une maladie, l’alcoolisme. »

Pierre Serne, un élu écologiste : « Ces dernières années, il ne mangeait plus, il buvait beaucoup. Je l’ai vu assez odieux en fin de soirée. » Jean-Luc Bennahmias, avec qui il a créé, en 2015, l’Union des démocrates et des écologistes, confirme : « Il porte haut, mais il a au compteur quelques scènes peu brillantes de fins de soirées trop alcoolisées. C’est un joli gâchis. » La nuit s’est mise aussi à parler. Voilà deux ans que l’ancien sénateur n’est plus le bienvenu chez Castel, un club du même Quartier latin. Dans un autre, près de l’Etoile, il est parti sans payer une note de 3 300 euros, prix de trois magnums de champagne. Le patron, aidé d’un serveur, le piste dans un restaurant de nuit pour l’obliger à honorer sa dette. Placé s’indigne : « Parfois, ça arrive qu’on parte, mais les restaurants ou les magasins savent où me trouver. J’ai toujours réglé ce qu’il fallait. »

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 Une chose est de boire trop, une autre d’être pris pour un pervers et un raciste. Je n’ai jamais insulté cette jeune femme

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Sous cet éclairage, cette soirée du 4 au 5 avril n’est donc pas juste « une grosse murge », comme tentent de l’excuser ses très nombreux amis. Lundi, trois jours après être sorti, Jean-Vincent Placé a retrouvé un peu de sa combativité : « Une chose est de boire trop, une autre d’être pris pour un pervers et un raciste. Je n’ai jamais insulté cette jeune femme. Elle l’a confirmé lors de la confrontation. Je n’ai jamais proféré d’insultes racistes. Encore moins avec ce videur qui se fait appeler Vladimir et se prétend serbe. Lui m’a mis une gifle, mes lunettes sont tombées, elles se sont cassées en deux. L’outrage aux policiers est à replacer dans ce contexte d’énervement. » Il a écrit une lettre d’excuses au préfet de police. « Trente-sept heures de garde à vue, c’est incompréhensible », dit son avocat Kiril Bougartchev. Placé a vu son médecin : « Je vais me soigner. J’imagine que je vais devoir aller voir un spécialiste et raconter tout ça. Ça ne m’enchante pas. » Raconter tout ça. Les vingt-sept années dédiées à la politique, d’abord dans l’ombre, notamment celle de Cécile Duflot dont il partage un temps la vie.

Le négociateur redoutable à qui les écologistes doivent leurs groupes à l’Assemblée et au Sénat sous la présidence Hollande. Il entre au Sénat en 2011 – c’est à ce moment-là qu’il prend la lumière – et au gouvernement de Manuel Valls en 2016. Secrétaire d’Etat à la Simplification. « La consécration », dit son ami Christophe Madrolle. La chute ensuite. La fin de l’ère Hollande, puis l’investiture qu’il n’obtient pas pour le renouvellement de son siège de sénateur en octobre dernier. D’autres politiques ont raconté la difficulté à se réadapter, ces portes que plus personne ne retient, le vide d’un coup. « C’est vrai qu’il ne peut plus s’amuser à sortir la carte bleu, blanc, rouge », dit son ami Pierre Charon, sénateur LR. Puis la reconversion. Toujours à « montrer que tout va bien même quand ça ne va pas », selon son autre ami Christophe Rossignol. S’il siège au conseil régional (il n’y est presque jamais), si on le croise au Sénat ou dans des manifestations officielles, l’ancien secrétaire d’Etat a, clame-t-il, refait sa vie : « Je fais de l’accompagnement d’entreprises, du conseil en développement. »

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Au ministère et comme parlementaire, j’ai eu une vie très prenante, très organisée. C’est très dur de la quitter

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Essentiellement en Corée du Sud (« il est très connu là-bas », selon ce même Rossignol) et au Maroc (au Sénat, il était membre du groupe d’amitié francomarocain). La dégringolade, enfin. Le soir du 4 avril, il menace le videur d’un : « Vous ne savez pas qui je suis, je suis ministre. » Désormais, obligé par son exercice de contrition, l’ancien secrétaire d’Etat confie : « Au ministère et comme parlementaire, j’ai eu une vie très prenante, très organisée. C’est très dur de la quitter. Ce nouveau monde crée une inquiétude. Je me suis lancé à corps perdu dans le boulot. » Il dit aussi, à contrecoeur : « J’ai connu une séparation. J’ai ma fille en garde alternée. J’en suis très heureux, mais, pour un homme de 50 ans, c’est quelque chose. Peut-être que je fais une crise de la cinquantaine. »

Raconter tout ça et raconter aussi ce jour de juillet 1975 où Jean-Vincent atterrit à Roissy. Il vient de quitter un orphelinat à Séoul pour être adopté par une famille française. Officiellement, il a 7 ans – mais il pèse à peine 20 kg pour 1,10 mètre, ce qui laisse penser qu’il est moins âgé. Son accompagnateur dira qu’il « s’était fait remarquer par les hôtesses en cherchant à récupérer les restes des repas des autres passagers »*. Pour seuls bagages, outre une bible : un slip de rechange, une chemisette, un short. Pendant un an, il refuse de s’habiller autrement. « J’ai un tempérament hérité de ma prime enfance, j’ai réussi sans regarder derrière moi. Quand… » Il s’arrête. Il sait qu’on entend les sanglots. Il dit pour masquer son embarras : « J’en suis ému, je n’ai jamais raconté ça à personne. » Il reprend : « Quand je me faisais cogner, je rentrais, je disais à mes parents : “Tout va bien.” Je ne voulais pas me mettre dans une position de victime. J’ai toujours foncé en étant combatif, mais peut-être qu’il y a des limites à ça. » L’ancien sénateur a entamé un douloureux parcours : « Solder le temps d’avant, présenter mes excuses, arrêter de boire. Mais après, je veux qu’on me laisse tranquille. » Jean-Vincent Placé ou la triste histoire d’un homme de l’ombre qui n’a pas supporté d’y retourner.

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