Barnier : « ce qui crée le risque en Irlande, c’est le Brexit »

EPA-EFE/STEPHANIE LECOCQ

Vingt ans après l’accord de paix en Irlande du Nord, Michel Barnier fait de cette question un point central de la négociation sur le Brexit. Une interview accordée à plusieurs journaux européens dont  notre partenaire Ouest-France, mais aussi La Repubblica, Süddeutsche Zeitung, Le Soir, El Espanyol.

Michel Barnier, négociateur en chef du Brexit pour l’Union européenne.

Le Brexit est-il désormais irréversible ?

Nous sommes à un moment charnière dans cette négociation, exactement au milieu du chemin. Le 29 mars 2019, le Royaume-Uni sortira de l’Union pour devenir un pays tiers. On avance, il y a eu des accords d’étape en décembre et en mars. Mais nous n’y sommes pas encore et il ne faut pas sous-estimer les difficultés liées aux 25% du texte sur lesquels un accord est encore à conclure. Ce qui n’a pas encore été réglé, c’est le plus difficile.

Par exemple ?

Il y a la question de la protection, des deux côtés, des indications géographiques. Les appellations d’origines contrôlées ou les marques. Un million de marques ont été protégées dans les 28. C’est un problème que nous devons traiter le plus rapidement possible. Et puis deux sujets clefs. Pour qu’il y ait un accord, il faut une solution sur la gouvernance de l’accord et le rôle de la cour de justice, et une solution opérationnelle en Irlande qui protège l’accord de paix du Vendredi saint et respecte l’intégrité du marché intérieur européen.

Concernant l’Irlande, les lignes rouges semblent incompatibles entre les deux parties ?

Il faut d’abord rappeler un fait objectif. Ce qui, crée le risque en Irlande, c’est le Brexit. C’est la décision prise par le Royaume-Uni de quitter l’Union et, ce qui n’est pas obligatoire en quittant l’Union, de quitter le marché unique et l’Union douanière. Je rappelle qu’il y a des pays qui sont en dehors de l’Union et qui sont dans le marché unique. Les Britanniques nous disent qu’ils veulent quitter le marché unique parce qu’ils ne veulent pas respecter les règles, et l’Union douanière parce qu’ils veulent avoir l’intégralité de leur autonomie commerciale. C’est cette décision-là qui crée le problème en Irlande.

Les Britanniques se sont engagés, en mars, à trouver des solutions…

Oui, nous avons trouvé un accord sur le cadre politique, la réaffirmation commune de l’accord de paix pour l’Irlande du Nord. Il n’y a pas d’alternative. Pas d’autre option que de préserver dans toutes ses dimensions cet accord de paix, dont c’est aujourd’hui le vingtième anniversaire. Au mois de décembre on a évoqué trois options. Ou la future relation que nous allons élaborer d’ici décembre 2020 règle la question. Sinon, les Britanniques se sont engagées à proposer des solutions spécifiques. Et sinon, il y a une solution de recours que nous avons proposée.

Une solution qui crée une frontière entre l’Irlande du Nord et le Royaume-Uni ?

Non, je ne suis pas d’accord. Elle conduirait à certains contrôles sur les échanges de marchandises comme il en existe déjà aujourd’hui, à Belfast, pour certains types d’échange qui viennent du reste du Royaume-Uni. Les produits animaux, les contrôles phytosanitaires existent. Nous ne demandons pas autre chose. Elle peut être mise en œuvre en respectant l’ordre institutionnel britannique.  Si le Royaume-Uni nous propose une meilleure solution, nous la prendrons. Mais pour qu’il y ait un accord en octobre pour le retrait, il faut une solution opérationnelle pour l’Irlande.

Quel calendrier avez-vous en tête ?

Les Britanniques sortiront de l’Union le 30 mars prochain. Ils ne sortent pas du marché unique. Ils ne sortiront pas de l’union douanière avant le 31 décembre 2020. Au moment où je m’exprime, les choses sont en routes pour ces échéances. Ce qui serait logique, c’est que les choses soient fixées en octobre. A côté du traité sur la séparation, nous voulons une déclaration précise sur ce que sera la future relation. La logique idéale serait que tout le monde ait les idées claires. Entre octobre 2018 et décembre 2020, c’est peu pour finaliser, traduire la future relation juridiquement en un ou plusieurs traités ou accords internationaux.

A quel projet de future relation travaillez-vous ?

Sur le libre-échange, les choses sont claires. La feuille de route de mars, compte tenu des lignes rouges britanniques, nous fait travailler sur le modèle des accords existant avec le Canada, la Corée, le Japon. Parallèlement, l’architecture de la future relation repose sur quatre piliers : un accord de commerce, un pilier de coopération spécifique pour les universités, l’aviation, la recherche, un pilier de coopération judiciaire et policière, et un de défense et de sécurité. Rien de la conjoncture actuelle ne doit perturber le travail sur cet accord de long terme.

 

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