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À chaque élection, c'est un florilège de vidéos de campagne drôles, chocs, parfois controversées. Un candidat fait la conversation à ses ânes, un autre décharge sa mitrailleuse comme s'il était attaqué par un bataillon de Nord-Coréens, un troisième assemble un fusil d'assaut les yeux bandés… Mais cette année, ce sont les préoccupations liées aux femmes qui dominent. Dans au moins deux spots, des candidates se montrent en train d'allaiter leur bébé, du jamais-vu dans une campagne électorale. Krish Vignarajah, 38 ans, candidate au poste de gouverneur du Maryland, nourrit sa petite fille de 9 mois tout en expliquant qu'il n'y a pas d'élues au niveau local et fédéral dans l'État. « Certains disent qu'aucun homme ne peut battre Larry Hogan [l'actuel gouverneur, NDLR]. Eh bien, je ne suis pas un homme. Je suis une maman, je suis une femme et je veux être votre prochain gouverneur », conclut-elle. Dans une interview sur la chaîne ABC News, cette ex-directrice politique de Michelle Obama raconte qu'elle a décidé de donner le sein dans la vidéo parce que « c'est ma vie. C'est la réalité des femmes qui travaillent, qui s'occupent de la famille, jonglent avec le boulot… »
Kelda Roys, candidate au poste de gouverneur du Wisconsin, n'avait en revanche pas prévu d'intégrer la séance d'allaitement dans son spot. On la voit décrire longuement son combat pour faire interdire dans son État le bisphénol A, alias le BPA, ce composant toxique que l'on trouve dans de nombreux contenants en plastique, comme les biberons. Tandis qu'elle parle, la caméra se tourne vers son mari occupé à essayer de calmer leur bébé qui pleure. Il finit par le lui tendre pour qu'elle lui donne le sein. « Quand ils m'ont renvoyé la vidéo et que j'ai vu que la scène avait été intégrée, je me suis dit : Je m'en fiche, c'est la vraie vie. Je pense qu'en 2018 les gens ont envie de candidats authentiques qui disent la vérité. Je ne veux pas cacher une part importante de moi-même juste pour remporter une élection. »
Women's March
Cette année, un nombre historique de femmes, dont beaucoup de jeunes, se présentent aux élections, surtout côté démocrate. Près de 80 candidates briguent un mandat de gouverneur, selon le Center for American Women and Politics. Au moins 480 autres visent un siège à la Chambre des représentants ou au Sénat. La raison de cette vague féminine ? Donald Trump ! Furieuses de la défaite d'Hillary Clinton et révulsées par l'attitude et les propos du président, accusé à plusieurs reprises de harcèlement sexuel et de misogynie, elles ont décidé de se mobiliser pour changer les choses et secouer un corps politique trop mâle à leur goût.
En janvier, un an après la grande Marche des femmes, qui avait défié Donald Trump au lendemain de son investiture, des dizaines de milliers de personnes ont à nouveau manifesté dans les grandes villes américaines, portées par le mouvement #MeToo et les élections de novembre prochain. Cette nouvelle Women's March était placée sous le mot d'ordre « Le pouvoir est dans les urnes », dans l'espoir que toutes les frustrations se convertissent en mobilisation électorale.
Les clips de campagne sont ainsi axés sur le rôle des femmes et abordent sans complexe des sujets longtemps tabous. Sol Flores, une candidate démocrate à la Chambre des représentants dans l'Illinois, raconte les abus sexuels qu'elle a subis lorsqu'elle avait 11 ans. À cette époque, un homme qui vivait avec sa famille venait la nuit dans sa chambre. Elle avait construit à l'école en travaux manuels une grande boîte en bois et la poussait contre la porte de sa chambre le soir après l'avoir rempli de livres. Quand il essayait d'entrer, il faisait tomber les livres, ce qui la réveillait.
Stratégie risquée
Une autre aspirante au Congrès évoque le harcèlement sexuel dont elle a été victime au cours de sa carrière et des hommes « aux mains baladeuses ». « Quand je suis devenue juge, je me suis assurée que tout le monde dans mon tribunal serait traité avec justice et respect. » Dans le Kentucky et l'Arizona, deux anciennes pilotes de chasse, candidates l'une à la Chambre côté démocrate, l'autre au Sénat côté républicain mettent en avant leur sexe, mais pour vanter leur cran ou plutôt « leur paire d'ovaires », comme dit l'une d'elles.
Faire des publicités-chocs ou très personnelles est un bon moyen pour attirer l'attention des médias et se distinguer de ses adversaires lors des primaires. Mais c'est aussi une stratégie risquée. Des électeurs peuvent décider de bouder les candidates avec des bébés, les jugeant incapables de mener de front leur rôle d'élue et de mère de famille. Même si, selon Kelda Roys, sa vidéo a suscité des réactions « majoritairement positives » et l'a aidée à se propulser dans les sondages, elle reste en concurrence pour les primaires avec une douzaine de démocrates, dont la plupart sont des hommes. Quant à Sol Flores dans l'Illinois, elle a perdu le mois dernier.
Voir des femmes arriver en masse aux leviers, aux States ou ailleurs, ne me dérange pas. Pour autant que ce mouvement soit naturel et non sexiste. Il n'y aurait rien de pire que de mettre en place un gouvernement de femmes pour les femmes, en "représailles" d'un passé fantasmé de victimes d'oppression (je ne parle pas des agressions, évidemment). La possibilité pour les femmes de vivre indépendamment des hommes est récente et remonte tout au plus à deux générations. Auparavant la biologie et la tradition fixaient bien plus rigidement les rôles, qu'on soit d'accord ou non.
Je suis donc partagé entre désir d'un grand coup de balai et crainte de la nature de la poussière de remplacement...