Sibyle Veil, nouvelle présidente de Radio France

La seule femme candidate à la succession de Mathieu Gallet a été choisie ce jeudi par le Conseil supérieur de l’audiovisuel.

 Sibyle Veil est nommée à la tête de Radio France pour cinq ans.
Sibyle Veil est nommée à la tête de Radio France pour cinq ans. AFP/BERTRAND GUAY

    Après un président, une présidente. Sibyle Veil, 40 ans va remplacer Mathieu Gallet à la tête de Radio France, pour un mandat de cinq ans. C'est la première femme à occuper ce poste depuis Michèle Cotta en 1981. C'est même la seule à s'y être présentée cette année parmi les six candidats.

    Quelques jours avant d'être auditionnée ce mercredi par le Conseil supérieur de l'audiovisuel, l'heureuse élue avait prévenu en interne : elle suspendait son contrat de directrice déléguée en charge des opérations et des finances à Radio France pour « prévenir d'éventuels conflits d'intérêts », le temps que les sages prennent leur décision

    Adoubée par l'équipe dirigeante sortante

    Voilà qui en dit long sur la nouvelle présidente qui partait favorite, adoubée par l'équipe dirigeante sortante de la Maison Ronde. Droite dans ses bottes et pas franchement du genre à faire des vagues. Clair, méthodique, riche d'arguments illustrés par des exemples concrets pour appuyer sa vision de l'avenir, son grand oral a fait mouche auprès des sages du CSA. Les a-t-elle touchés au cœur en affirmant en préambule : « la radio de service public m'a toujours accompagnée dans ma vie »? Ou a-t-elle visé dans le mille en assurant : « Il faut préparer Radio France pour qu'elle soit le fer de lance de la mutation de l'audiovisuel public? »

    Une certitude : à quarante ans, la candidate de la continuité avait fourbi ses armes, évoquant la nécessité d'ouvrir sur « la jeunesse et la création » mais aussi la diversité, la place des expertes sur les antennes. « C'était exigeant et sérieux, à son image », résume un connaisseur.

    Avant Radio France, à l'ENA, l'Elysée et l'AP-HP

    Sur le papier, Sibyle Veil cumule les bons points. Maître des requêtes au Conseil d'Etat, elle a prouvé que les mastodontes ne l'effrayaient pas. « J'ai toujours voulu me confronter aux difficultés », a-t-elle plaidé devant le CSA. Passée par l'Elysée, où elle a été conseillère « travail, santé, logement » sous Nicolas Sarkozy, elle a quitté le palais pour piloter la transformation de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris. Son passage parmi les 95 000 blouses blanches n'a pas laissé beaucoup de traces. « Nous n'en avons aucun souvenir », indiquent plusieurs syndicats de l'AP-HP.

    En 2015, Mathieu Gallet l'appelle à la rescousse après la plus longue grève de l'histoire de Radio France qui a duré 28 jours. Au moment où les relations avec la tutelle battent de l'aile, l'énarque issue de la promotion Senghor, la même qu'Emmanuel Macron, peut être un atout précieux. Mission de la nouvelle directrice en charge des opérations et des finances : signer le contrat d'objectif et de moyens (COM) jusqu'en 2019 et sortir le groupe de l'ornière financière via un plan d'économie et des réformes. « Elle a su se fondre dans le moule », explique un salarié. « Elle a fait le tour de la maison et même passé une tête dans les studios, avance un journaliste. Après, je ne l'ai plus rencontrée ».

    «Une sérieuse connaissance de la maison»

    Car la blonde quadra qui a grandi en Bourgogne, a été lycéenne à Dijon (Côte-d'Or), avant d'intégrer l'Institut d'études politiques de Paris puis l'École nationale d'administration (ENA) a l'habitude d'aller à l'essentiel. « Les salariés ne la connaissent pas. Mais siéger au CHSCT (Comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail) lui a donné une sérieuse connaissance de la maison », note Valéria Emanuele, du SNJ-Radio France. « Elle a mouillé la chemise sur plusieurs dossiers et montré une faculté d'écoute. Mais c'est aussi quelqu'un qui peut être assez inflexible », ajoute Philippe Ballet, délégué syndical Unsa.

    Pour ses proches, pas de doute. « Sibyle est une femme structurée, concentrée et calme. C'est une travailleuse, solide dans ses convictions et qui agit dans le respect de ses interlocuteurs », affirme son amie Marie Drucker. Elle est passionnée par les médias : elle écoute la radio, regarde la télévision et elle a le sens du grand public ».

    S'il lui arrive de sortir à l'Opéra, cette fille d'une psychologue et d'un consultant mariée depuis 2006 à Sébastien Veil, le petit-fils de Simone Veil rencontré sur les bancs de l'ENA, « n'a aucun snobisme », affirment encore ceux qui la côtoient. « Ce n'est pas une mondaine. Elle vient de province, elle a réussi par elle-même en traçant son sillon, renchérit une amie de longue date. Sa vie, c'est son travail et sa famille, les vacances avec ses proches, les dîners entre filles organisés deux à trois fois par mois ». A ceux qui ont pu s'étonner qu'elle quitte les ors de la République pour les hôpitaux en 2010, ses proches rétorquent : « Elle a l'amour du service public chevillé au corps. Elle aurait pu se lancer dans la politique, choisir une logique de réseaux en restant dans les cabinets mais elle a préféré relever des défis à l'AP-HP ou à Radio France ». « Rien ne lui fait peur mais tout est très réfléchi chez elle », assène encore une connaissance.

    «Elle est sans doute la mieux placée pour défendre les intérêts de la maison»

    Sa légitimité ne fait d'ailleurs aucun doute au sein de la maison ronde. « C'est une femme de dossiers. Elle a la dimension pour négocier avec le ministère de la Culture et la tutelle dans le cadre de la réforme de l'audiovisuel, constate un journaliste. Il va juste falloir qu'elle assume la lumière, qu'elle rentre aussi dans le costume de la com', ce que Gallet adorait faire ». Même son de cloche auprès des syndicats. « Elle est sans doute la mieux placée pour défendre les intérêts de la maison qu'elle connaît. Mais elle a certainement gardé des projets sous le pied qui peuvent susciter des inquiétudes, souligne le délégué syndical Unsa.

    L'éventuelle fusion de France Bleue avec France 3, « le chantier sur l'éditorial et la production » avec « le décloisonnement de certains des 240 métiers » que la nouvelle présidente entend mener promettent d'ailleurs des débats houleux en interne. Mais Sibyle Veil l'a revendiqué : « La grève de 2015 nous a enseigné que pour être légitime, ce travail doit être pensé avec les équipes ».