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Monsieur Macron, le "en même temps" n’a pas sa place en matière de laïcité

Monsieur Macron, le "en même temps" n’a pas sa place en matière de laïcité

Par Pierre Juston

Modifié le

Lettre ouverte à Monsieur le Président de la République française

Monsieur le Président de la République, mon profond respect pour la fonction que vous occupez m’oblige à vous appeler et à vous reconnaître comme tel. Ainsi, je vous reconnais comme le représentant de la nation que je chéris tant, comme celui qui, depuis 1962, tire sa légitimité du peuple souverain, enfin, comme celui qui, garant de l’unité nationale, doit être aussi porteur de l’universalisme républicain, des valeurs démocratiques et sociales contenues dans notre bloc de constitutionnalité. Je le fais néanmoins avec de plus en plus de difficultés et, particulièrement depuis votre discours en forme d’homélie lundi soir à l’adresse d’une seule partie des Français, « les catholiques de France ».

À l’évidence, monsieur le Président, vous semblez vouloir porter trop de costumes en même temps. Ce « en même temps », s’il peut servir une rhétorique politique intéressante, n’a pas sa place dans la symbolique démocratique, laïque et républicaine que vous devez revêtir. Celui que vous devez incarner dépasse de loin celui que vous êtes. Si vous semblez épris d’une transcendance spirituelle, vous êtes bien oublieux de la transcendance républicaine à laquelle votre fonction vous oblige.

Monsieur le Président de la République, vous ne pouvez pas prétendre à être le garant du principe de laïcité et nier en même temps dans votre discours comme dans vos actes le principe de l’article 2 de la loi de 1905 de non-reconnaissance par la République des cultes.

Monsieur le Président de la République, vous ne pouvez pas attendre un quelconque don d’une communauté religieuse à la République et en même temps revendiquer que vous n’êtes que le serviteur de la seule communauté nationale.

Monsieur le Président de la République, vous ne pouvez pas incarner la République indivisible et en même temps reconnaître publiquement une « part catholique de la France ».

Monsieur le Président de la République, vous ne pouvez pas incarner la République démocratique si vous estimez que votre mission a une autre origine que le seul mandat que les Français vous ont donné afin que vous les représentiez.

Monsieur le Président de la République, vous ne pouvez pas incarner la République laïque et accepter le titre religieux de Chanoine de Latran, priorisant ainsi une religion sur les autres.

Monsieur le Président de la République, vous ne pouvez pas honorer la mémoire du colonel Beltrame qui a sacrifié sa vie en tant que serviteur de l’idéal collectif qu’est la République face à la pire dérive religieuse contemporaine, et en même temps, vouloir réparer un quelconque lien entre notre République et une religion.

Monsieur le Président de la République, veillez surtout à ne pas abîmer la fonction présidentielle, elle est permanente là où vous ne faites que passer, là où vous n’êtes qu’un des maillons de cette chaîne républicaine.

Je m’adresserai pour finir à Emmanuel Macron, l’homme cultivé, lettré et intelligent pour lequel, au-delà des divergences politiques, j’ai de l’estime. Étonné par cette prétention à vouloir dépasser une rupture historique qui le dépasse lui même, je lui rappellerai ce que disait le poète, ce qu’écrivait René Char : « Notre héritage n’est précédé d’aucun testament ». Par vos mots, vous avez souhaité dire et écrire ce qui ne peut l’être, par personne, encore moins par vous.

Comme le disait Pierre Mendès France, « gouverner, c’est choisir », et vous le savez, « choisir, c’est renoncer ». Alors à quoi souhaitez-vous renoncer Monsieur le Président ? La République laïque que vous vous devez d’incarner ou votre attachement à clamer partout votre mystique catholique et votre préférence pour cette spiritualité ?

Pierre Juston,

Citoyen français,

laïque et républicain

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