Crèches et maternelles fermées, transports en commun tournant au ralenti, ramassage des déchets perturbé… Une partie de l’Allemagne a vécu la semaine dernière d’importants mouvements de grève. Le syndicat Verdi, qui représente les salariés non-fonctionnaires de la fonction publique, avait appelé à plusieurs journées de grèves d’avertissement à la veille de l’ouverture, hier, d’un troisième volet de négociations tarifaires du secteur.

Il demande à l’État fédéral et aux communes une hausse des salaires comprise entre 6 et 11,4 % pour les contractuels de la fonction publique (avec un montant minimum de 200 € par mois) et, par ricochet, pour les 2,3 millions de fonctionnaires.

Une grève qui a mobilisé plus qu’attendu

Plus suivies qu’attendu, ces grèves ont touché une dizaine des 16 Länder du pays, notamment les villes de Francfort et Stuttgart. À Leipzig aussi, dans la Saxe, les grévistes ont été nombreux vendredi. Salariés des transports publics, de la régie de nettoyage, des maternelles : près de 2 000 personnes y ont participé à un rassemblement pour demander des hausses de salaires.

« Je suis ravi que les gens réclament à nouveau leurs droits, après une décennie durant laquelle ils ont été échaudés par de nombreuses réformes sociales », explique le syndicaliste Sebastian Viecenz. « Aujourd’hui, de nombreux collègues disent avoir atteint leurs limites. La pression monte et il manque toujours plus de personnel. À Leipzig, la ville forme une soixantaine de personnes en alternance alors que 600 postes sont vacants », regrette-t-il.

Diminution du nombre d’agents publics

La fonction publique allemande se trouve en effet dans une situation inédite, surtout au regard de la France. Depuis la réunification du pays en 1990, le nombre d’agents y a diminué de 2 millions. En cause : la privatisation partielle de certains services comme la poste et la Deutsche Bahn, une réduction drastique des contrats de formation, une réduction planifiée et annuelle du nombre de postes et une réorganisation des services administratifs hérités du régime est-allemand. Or, aujourd’hui, la fonction publique allemande a du mal à recruter, alors que les besoins augmentent.

« Depuis deux décennies, de nombreuses régions ont fait des économies, comme Berlin, ville-État très endettée, explique Karl Brenke, de l’Institut pour la recherche économique de Berlin (DIW). Or la population vieillit, l’âge des salariés de la fonction publique augmente tout comme le nombre de départs à la retraite. Trouver du personnel est un défi, autant pour le privé que le public. »

Aucun service n’est épargné

Hôpitaux, police, pompiers, nettoyage urbain, transports en commun, aucun service n’est épargné. « La situation est très difficile dans les services de planification des communes. Ils sont pourtant essentiels pour mettre en place les projets d’infrastructure annoncés par les autorités », constate Karl Brenke.

Le secteur de la petite enfance et de l’intégration souffrent tout autant de ce manque de personnel. Avec la hausse de la natalité, l’instauration d’un droit à une place en crèche et l’arrivée de centaines de milliers de migrants depuis 2015, les besoins explosent. Même pénurie du côté des écoles primaires et secondaires qui tentent de remédier au problème en embauchant des personnes venues de professions totalement différentes.

Au total, la Fédération des fonctionnaires allemands estime à 185 000 le nombre de salariés manquants dans la fonction publique. Le gouvernement de coalition prévoit la création de 15 000 postes de policiers (fédéraux et dans les régions), 2 000 dans la justice, ainsi que 8 000 postes de personnel soignant.

Rendre la fonction publique plus attractive

Reste à attirer des candidats vers ces postes, alors que l’Allemagne est en situation de quasi plein emploi, avec un taux d’emploi de sa population active au plus haut depuis la réunification et un taux de chômage au plus bas. « Les ingénieurs préfèrent travailler dans le privé car les salaires y sont plus élevés », souligne Sebastian Viecenz.

Pour Verdi, des hausses de salaires substantielles pourraient contribuer à rendre la fonction publique plus attractive, d’autant que les caisses de l’État n’ont jamais été aussi pleines. « Dans ce contexte, les syndicats sont en position de force dans les négociations tarifaires en cours », analyse Karl Brenke. De son côté, Verdi regrette que les représentants de l’État fédéral et des communes n’aient pas encore fait de propositions concrètes en matière de hausses de salaires. Dans ce contexte, les deux jours de négociation à venir seront déterminants.

–––––––––––––––-----------

Repères :

L’allemagne, une économie florissante

Le pays a enregistré début 2018 un nouveau record, avec la création de 638 000 ­emplois sur un an. La première économie européenne a revu à la hausse ses prévisions de croissance, à 2,3 % pour 2017 et 2,5 % pour 2018, grâce à une forte consommation ­intérieure.

Le chômage poursuit sa baisse et atteint un niveau histori­quement bas : 2,3 millions
de personnes se trouvaient sans emploi en décembre 2017, soit 5,3 % de la population ­active.

Début février, le syndicat de la métallurgie IGMetall avait obtenu, à la suite de grèves dures, une augmentation de 4,3 % des salaires en avril et une hausse d’autres ­éléments de rémunération étalée sur 27 mois.