Caisse de grève : l'argent, le nerf de la lutte syndicale ?

Manifestation  ©AFP -   Hans Meyer
Manifestation ©AFP - Hans Meyer
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C'est "la" success-story du moment : trois semaines après l'appel lancé par une trentaine d'intellectuels, la cagnotte de "solidarité avec les cheminots grévistes" est riche de plus de 730.000 euros. Serait-ce le début d'un mouvement citoyen ?

Comment tenir une grève ? Bien sûr, il y a les revendications, les convictions et la colère mais pour qu'une grève aboutisse il faut qu'elle dure. Comme chacun sait, une grève coûte chère  aux entreprises. Mais encore bien plus aux salariés qui la mènent. Un manque à gagner pour des fins de mois difficile quand tout le monde à des factures à payer. L'argent devient vite un véritable frein à l'action syndicale qui peine à trouver de nouvelles stratégie de contestation. Une réalité en tous cas qui disqualifie le comptage des manifestants pour savoir si le mouvement s’essouffle quand il s'étranglerait plutôt. 

La "caisse de grève" devient alors un butin plus à même de mesurer le mécontentement social et la cagnotte de solidarité avec les cheminots ouverte sur le site Leetchi par une trentaine de personnalités menée par le sociologue Jean-Marc Salmon connaît un succès qui surprend ses instigateurs même.  

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Mise en ligne le jour de la manifestation contre la réforme de la SNCF, le 22 mars, pour exprimer leur « sympathie » envers les grévistes et aider financièrement le mouvement de protestation, elle a démarré doucement, puis s’est emballée. Bien au-delà des opérations plus modestes organisées par les syndicats.

Comment fonctionnent les caisses de grève ?

En France, au risque de surprendre, la CFDT est la seule confédération à avoir une "caisse nationale d'action syndicale" permanente et alimentée par une partie des cotisations. "À partir du 2e jour de grève", l'adhérent ayant fait grève "reçoit une indemnité de 7 euros/heure" est il précisé sur son site Internet. "C'est une auto-assurance, payée par les adhérents et qui bénéficie aux adhérents". 

La  CGT, elle, n'a pas de caisse permanente, mais, "quand un mouvement de type national se déclenche", "on peut déclencher ce qu'on appelle +une solidarité+". Avant Pâques, la CGT a ainsi créé une caisse "Luttes 2018", dont le montant n'est pas connu. Concrètement, l'argent "va au syndicat qui organise la lutte". Ailleurs, s'organisent des cagnottes avec des dons spontanés, comme cela a été le cas lors du conflit de 2016 contre la loi travail. 

L'un des meilleurs exemples nous vient du pays basque espagnol,  du syndicat ELA qui s'était fait connaître en soutenant les salariés d'une maison de retraite. Un conflit social long de trois ans, qu'ils ont fini par gagner grâce à la "caisse de résistance" mise en place. ELA est aujourd'hui la première force syndicale de la région.

Syndicalisme de contre pouvoir 

Le modèle expérimenté par ELA est en effet original. 25% des cotisations alimentent directement la "caisse de résistance", outil on ne peut plus dissuasif dans les négociations avec le patronat. Résultat : Les conventions collectives en vigueur dans les provinces basques sont en général plus avantageuses pour les salariés que les conventions collectives nationales. Qualifié de syndicalisme de contre pouvoir, il s’inscrit pleinement dans le mouvement altermondialiste, participant aux différents forums sociaux mondiaux et comptant bien s'opposer au mouvement néo libéral. En ne tombant pas dans le piège du chantage à l’emploi, il se permet même de s’opposer à de grands chantiers de construction jugés insoutenables d'un point de vue environnemental. Des pratiques qui mériteraient que les syndicats français et européens s'y intéressent pour obtenir plus de résultats et attirer des forces vives sans épuiser leurs troupes.

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