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Le sourcil, héritage de notre évolution sociale

La mobilité des sourcils est un outil de communication que nos ancêtres ne possédaient pas, selon une étude parue dans «Nature Ecology & Evolution»

Le mouvement vertical des sourcils serait en effet un messager affectif redoutable, l’homme n’est d’ailleurs pas le seul à s’en servir. Les bonobos, ou chimpanzés nains, sont connus pour nouer plus de liens sociaux avec leurs congénères. — © DR
Le mouvement vertical des sourcils serait en effet un messager affectif redoutable, l’homme n’est d’ailleurs pas le seul à s’en servir. Les bonobos, ou chimpanzés nains, sont connus pour nouer plus de liens sociaux avec leurs congénères. — © DR

Imagineriez-vous Jack Nicholson sans son fameux haussement de sourcils? Sûrement pas, et d’ailleurs l’évolution pourrait vous donner raison. Les chercheurs d’un institut d’archéologie basé au Portugal pensent que ce sont les échanges sociaux qui ont modelé la forme et la mobilité actuelle de nos sourcils, comme ils l’expliquent dans une étude parue le 9 avril dans Nature Ecology & Evolution. Différentes hypothèses ont déjà été évoquées pour expliquer que cette zone soit moins marquée chez l’être humain moderne, Homo sapiens, que chez ses ancêtres. Certains d’entre eux, comme l’homme de Neandertal, étaient dotés d’une arcade sourcilière plus proéminente et surtout moins mobile, appelée bourrelet sus-orbitaire.

A l’ère de la réalité virtuelle, comment étudie-t-on la structure du crâne de nos ancêtres? Avec des reconstitutions 3D et des simulations informatiques. Pour ce faire, les chercheurs ont pour la première fois recréé virtuellement le crâne de l’Homo rhodesiensis, découvert en 1921 par un mineur suisse dans la région de Kabwe, en Zambie. Cet homme dit de Kabwe aurait vécu il y a de ça entre 300 000 et 700 000 ans. Bien que son statut phylogénétique soit encore largement débattu, il est un de nos proches ancêtres.

A l’aide de cette reconstruction, les chercheurs ont notamment pu démontrer que la diminution de la taille de notre bourrelet sus-orbitaire n’est pas directement liée à la pression exercée sur la mâchoire pendant la mastication ou à la place laissée au cerveau. Ces deux explications avaient été avancées par le passé pour justifier la disparition du bourrelet sus-orbitaire. Ces nouvelles observations laissent ainsi la place à d’autres hypothèses, comme les interactions sociales. La diminution osseuse de notre région frontale va de mise avec une augmentation de la mobilité de nos sourcils. C’est ainsi tout le haut de notre visage qui est plus mobile, plus expressif.

Sociabilité accrue

Le mouvement vertical des sourcils serait en effet un messager affectif redoutable, l’homme n’est d’ailleurs pas le seul à s’en servir. Les bonobos, ou chimpanzés nains, sont connus pour nouer plus de liens sociaux avec leurs congénères que leurs proches cousins, les chimpanzés communs. Cette sociabilité accrue est accompagnée d’une augmentation de la mobilité des sourcils et d’une plus grande attention à la zone sourcilière chez le bonobo durant les échanges sociaux.

Selon le directeur du département de l’évolution humaine du Max Planck Institute for Evolutionary Anthropology, Jean-Jacques Hublin, «ce travail très convaincant bat en brèche l’image «pacifique» qu’on a voulu promouvoir pour «réhabiliter» les hommes de Neandertal et d’autres hominidés à fort bourrelet sus-orbitaire. Cette structure n’a pas d’utilité biomécanique et serait plutôt un signal de dominance et/ou d’agressivité surtout développé chez les mâles».