La Croix : Quels sont les bienfaits du rire ?

Stéphane Clerget : Rire quotidiennement, cela a été prouvé de manière scientifique, produit des effets positifs sur la santé : cela permet de limiter le stress, de réduire la tension artérielle, d’améliorer l’oxygénation du cœur, de renforcer le système immunitaire, d’atténuer la douleur. D’un point de vue psychologique, cela permet aussi de gagner en confiance en soi. Et bien sûr, cela aide grandement à nouer des liens en société. Or l’éducation, souvent, ne prend pas suffisamment en compte cette dimension.

Peut-on apprendre à son enfant le sens de l’humour ?

S. C. : Oui, et il faut pour cela qu’il se sente autorisé à rire en famille, encouragé quand il tente une blague ou une farce. Cela peut commencer très tôt : faire des grimaces, se mettre quelque chose sur la tête, utiliser, avec parcimonie, les chatouilles… Cela provoque l’hilarité du nourrisson et aide à créer avec lui une relation de complicité.

Enfant, on apprend à rire en voyant ses propres parents faire preuve d’humour. Et on apprend à rire de soi non parce que les autres membres de la famille rient de notre comportement ou d’une expression que l’on a déformée mais parce que le père et la mère sont doués d’autodérision, capables de mettre de la distance vis-à-vis d’une situation ou de se moquer de leurs propres travers.

Il est bon aussi d’initier son enfant à différents types d’humour. Il faut éviter de le brider quand, tout petit, il plaisante au premier degré, s’amuse des « caca prout » et autres « caca boudin ». Mais il est bon aussi de l’amener très tôt à jouer avec les rimes, et plus tard, peut-être, de lui faire découvrir le second degré ou l’humour pince-sans-rire, très XVIIIe siècle, que l’on retrouve dans le film Ridicule, de Patrice Leconte… Car c’est une vraie compétence sociale que de savoir ce qui fera rire l’interlocuteur.

Quelles limites poser ?

S. C. : On peut rire en toute occasion, sur le chemin de l’école, pendant un repas. Mais l’enfant doit comprendre aussi qu’il y a dans la vie familiale des moments sans rire. Le parent doit garder le contrôle de la situation. Il doit être capable de lui signifier, sans être trop agressif, plutôt en détournant son attention, qu’on a suffisamment rigolé et qu’on passe maintenant à autre chose.

Il est essentiel aussi de veiller à ce que l’enfant, sachant son humour apprécié du reste de la famille, ne s’enferme pas dans le rôle du clown ou du comique de service, pas plus du reste que dans n’importe quel autre rôle.

Cette précaution vaut aussi pour les parents. Certains pères, en particulier, ont tendance à privilégier l’humour dans la relation à leurs enfants, quitte à laisser la mère endosser le mauvais rôle, ce qui souvent provoque des tensions au sein du couple. Enfin, chacun doit garder en tête une règle : le rire peut être irrévérencieux mais jamais irrespectueux.

(1) Son dernier ouvrage : Les Vampires psychiques, Éd. Fayard, 2018.