Anthony A., cheminot en grève : "Encore heureux que l'Etat reprenne la dette de la SNCF!"
FIL ROUGE – Conducteur de train depuis six ans, Anthony A. fait partie des grévistes de la SNCF. Le JDD revient avec lui sur les dernières annonces faites par Emmanuel Macron sur la réforme.
"Une grève, ça ne se fait pas sur le canapé!" Jeudi 19 avril, Anthony A., conducteur de train, sera de la manifestation interprofessionnelle qui partira de la gare Montparnasse à Paris. "En plus, ils annoncent du beau temps…", ajoute-t-il, facétieux. Ni les chiffres de la participation, ni le passage du projet de loi de réforme de la SNCF en première lecture à l'Assemblée nationale mardi soir, ne sauraient avoir raison de la motivation du jeune cheminot. De la détermination, et un peu de colère aussi. Lors de la venue d'Emmanuel Macron à Strasbourg mardi, la manifestation des cheminots a été interdite. "Non mais on est où ici, en France ou en Corée du Nord?"
Lire aussi l'épisode 3 de notre fil rouge : Anthony A., cheminot en grève : "Macron doit sentir qu'il faut quand même qu'il se bouge un peu"
Anthony est loin d'avoir été convaincu par l'interview du Président sur BFMTV et Mediapart, dimanche soir. "Il a juste donné une carotte aux grévistes : si vous acceptez la réforme, l'Etat reprendra la dette… Encore heureux qu'il la reprenne! Puisque c'est la dette de l'Etat. Et elle continue d'être creusée de jour en jour par les gouvernements successifs, du fait de l'abandon des lignes classiques au profit du TGV."
Il accuse le gouvernement de "mensonge" sur la réalité de la réforme de la SNCF
Un "mensonge" parmi d'autres pour le jeune conducteur. Selon lui, aucune entreprise privée ne reprendra les lignes régionales de chemin de fer. "Quand les petites lignes vont être laissées aux régions, celles qui ont le plus d'argent garderont leurs trains, et dans celles qui n'auront pas assez d'argent, soit les impôts vont augmenter, soit les lignes seront abandonnées."
"C'est faux, faux et archi-faux de dire que la SNCF ne sera pas privatisée!
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Le démenti d'Emmanuel Macron sur la privatisation de l'entreprise publique le fait grincer des dents. "C'est faux, faux et archi-faux de dire que la SNCF ne sera pas privatisée! Elle est soi-disant incessible, mais quand il y aura plus d'actions privées que d'actions publiques, j'appellerai ça la privatisation." Il cite la filialisation de la branche fret du réseau , annoncée mardi, comme preuve de la mauvaise foi de la direction de Guillaume Pepy et du gouvernement.
Statut et retraite des cheminots : des inquiétudes persistantes
Le cheminot de 25 ans ne croit même pas à la sauvegarde de son statut. "Dans les textes, le statut est garanti 15 mois. Une fois l'entreprise ouverte à la concurrence, n'importe quel contrat pourra supprimer mon statut", croit-il. Il nourrit également des inquiétudes plus lointaines : "Si on n'embauche plus au statut, qui paiera ma retraite? Ce sont les cheminots qui cotisent pour la retraite des autres." Des questions en suspens, tant que la "fin des régimes spéciaux de retraite" annoncée par Emmanuel Macron dimanche soir n'est pas précisée.
"Macron est tellement arrogant que s'il pouvait être au-dessus de la manif à une fenêtre à nous faire des doigts, il le ferait
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"Macron nous brosse dans le sens du poil, mais il garde ses œillères. Il est tellement arrogant que s'il pouvait être au-dessus de la manif à une fenêtre à nous faire des doigts, il le ferait." Le passage en première lecture du projet de réforme à l'Assemblée mardi soir le pousse plus loin encore dans ses convictions. "Ce qu'Elisabeth Borne nous a vendu à la télé, comme quoi il allait y avoir négociation, qu'il fallait construire la réforme ensemble : c'est de la poudre aux yeux. Les députés LREM ont leur antisèche envoyée par mail, et ils répètent tout comme des perroquets."
Le désordre des trains pourrait empirer à cause de problèmes de maintenance
"Le gouvernement ferme les yeux en se disant que ça va s'essouffler, poursuit-il. Sur mes deux lignes, le désordre du plan de transport est équivalent à celui de la première série de grève, sur le nombre de trains qui circulent. Je n'appelle pas ça un essoufflement."
"Tant que personne ne se retire du préavis, il y a toujours unité syndicale
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Selon Anthony, les perturbations pourraient même empirer. Les trains sont soumis à un strict calendrier de révisions, qui commence à être perturbé. S'il y a grève le jour où un train doit rentrer à l'atelier, la révision est repoussée. Mais si elle est repoussée trop longtemps, le train est immobilisé jusqu'à ce qu'il y ait une visite technique sur place. "Je devais conduire un train ce matin, il a été annulé bien avant 'à cause de la grève'. Alors que j'étais présent! Donc c'est forcément un problème de maintenance."
Quant aux syndicats réformistes, comme la CFDT, qui a participé aux débats en proposant des amendements au pacte ferroviaire , il "respecte leurs choix" même s'il ne les partage pas. Pour le moment, il ne craint pas la zizanie. Jeudi, tous les syndicats seront présents. "Tant que personne ne se retire du préavis, il y a toujours unité syndicale."
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