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Dans une météorite se trouvaient les diamants d'une planète disparue

Des chercheurs de l'EPFL ont découvert dans une météorite des diamants qui témoignent de l'existence d'une planète de la taille de Mars. Celle-ci daterait de la naissance du système solaire

Fragment de la météorite Almahata Sitta dans le désert nubien. — © Peter Jenniskens (SETI Institute/NASA Ames)
Fragment de la météorite Almahata Sitta dans le désert nubien. — © Peter Jenniskens (SETI Institute/NASA Ames)

Le 7 octobre 2008, une météorite d’un diamètre de plus de deux mètres, nommée Almahata Sitta, frappait la Terre à la frontière du Soudan et de l’Egypte. C’est la première fois qu’une météorite a pu être identifiée et suivie avant sa collision avec la Terre. «On a eu de la chance, elle est tombée précisément où il fallait! Dans l’eau ou en dehors d’un désert il aurait été quasiment impossible d’en récupérer des fragments et de les analyser», indique Cécile Hébert, professeure à l’EPFL et coauteure de l’étude parue dans Nature Communications.

Les fragments du corps céleste ayant été découverts et étudiés il y a bon nombre d’années, quelle est donc la nouveauté de cet article? «Des diamants contenus dans la météorite nous indiquent qu’elle aurait pu appartenir à une planète de la taille de Mercure ou de Mars», répond Cécile Hébert. Pas la peine de sortir votre attirail de chercheur de pierres précieuses, ces diamants venus du ciel, qui ne sont par ailleurs pas si rares, ont une taille d’environ 0,01 mm. On est bien loin du Youkounkoun de Bourvil et Louis de Funès dans le Corniaud. Ces micros joyaux valent cependant leur pesant d’or, pourquoi?

Au centre de la planète

Philippe Gillet, professeur à l’EPFL et coauteur de l’étude, nous explique qu’il avait déjà étudié «le caillou» et constaté la présence des diamants avec un groupe de chercheurs japonais. C’est néanmoins un doctorant, Farhang Nabiei premier auteur de l’étude, qui va trouver un détail clé qui leur avait échappé à l’époque: des inclusions. Ces corps solides, liquides ou gazeux piégés dans le diamant au moment de sa formation renferment des informations sur la provenance de la météorite. Si, chez un diamantaire, les inclusions sont synonymes de diminution de la pureté et donc de la valeur de la gemme, pour le géophysicien qu’est Philippe Gillet, il s’agit au contraire d’imperfections très précieuses: «Leur formation au sein d’un corps céleste est très largement débattue et ces inclusions nous permettent de mieux comprendre dans quelles conditions ces diamants ont été créés.»

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Un diamant peut en effet être formé de trois manières différentes. Dans le premier cas, la gemme se   développe à partir d’atomes de carbone enfermés dans les profondeurs d’une planète, sous une masse de roches telle qu’il est soumis à des conditions de température et de pression extrêmes. La deuxième option nécessite la collision de deux objets, pouvant créer une pression suffisamment forte pour sa création. La dernière possibilité a lieu, quant à elle, à basse pression, où des atomes de carbone sont déposés couche après couche, processus qu’on appelle la déposition en phase vapeur. «Au vu de la taille des diamants, leur formation n’est probablement pas le fruit d’une collision ou d’une déposition en phase vapeur, qui en produisent généralement des plus petits, explique Philippe Gillet. Il est donc probable que de tels diamants aient été créés dans les profondeurs d’une planète. L’étude des inclusions nous a justement permis de raffermir cette hypothèse.»

Les inclusions présentes dans les diamants de la météorite renfermaient principalement deux composés chimiques, le fer et le soufre. A l’image de l’eau et de l’huile, ces deux éléments ne peuvent se mélanger sans force extérieure, étant plus stables séparés. Dans les inclusions, ces derniers étaient cependant présents sous une phase cristalline solide, laissant ainsi entendre qu’ils ont très certainement été soumis à une intense pression. «Ces observations suggèrent que les diamants n’auraient pu être formés qu’en étant ensevelis sous des kilomètres de roches, dans les profondeurs d’une planète de la taille de Mars ou de Mercure, décrit Cécile Hébert. De plus, la composition du fragment ne correspond pas à des débris venant d’un astre connu, tel que la Lune ou Mars, il appartiendrait à une planète disparue.». En d’autres termes: ces diamants seraient les vestiges d’une planète disparue.

Planètes disparues

Remontons quelques milliards d’années en arrière. Le Soleil, formé depuis à peine quelques millions d’années, est le témoin d’un ballet incessant de matières lui tournant autour. Des grains de poussières s’entrechoquent, s’agrègent et grossissent. Peu à peu, la poussière devient roches, puis corps planétoïdes ou protoplanète. C’est ainsi que les huit planètes de notre système solaire auraient été créées, par une succession de collisions.

Selon le professeur Beda Hofmann, chef du Département de la science de la Terre au Musée d’histoire naturelle de Berne, «cette théorie de la formation des planètes prédirait la disparition de protoplanètes [un embryon de planète, ndlr] de taille variable. Cette étude serait donc le premier exemple de l’existence d’une protoplanète de cette masse». Almahata Sitta pourrait-elle provenir d’une planète du volume de Mars? «Bien que je sois d’accord avec les conclusions de l’article, il est encore possible de débattre sur l’amplitude de la pression à laquelle les diamants ont été soumis. La taille de la planète pourrait donc être surestimée dans ce cas.» Des diamants qui prouvent l’existence d’une planète disparue, tous les ingrédients semblent réunis pour faire rêver les géophysiciens, comme les amateurs de science-fiction.

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