Val-d’Oise/Seine-Saint-Denis : une associative turque ciblée par des Kurdes

Le conflit en Syrie entre l’armée turque et les Kurdes s’est exporté en Ile-de-France. La présidente d’une association franco-turque de Villepinte a été victime d’un incendie criminel pour lesquels trois Kurdes de Gonesse ont été mis en examen. Des faits qualifiés de terroristes par la justice.

 Villepinte (Seine-Saint-Saint), le 11 mars. L’incendie a été filmé par les auteurs pour le revendiquer sur Internet.
Villepinte (Seine-Saint-Saint), le 11 mars. L’incendie a été filmé par les auteurs pour le revendiquer sur Internet. DR

    Les flammes éclairent le quartier pavillonnaire de Villepinte (Seine-Saint-Denis), les voitures partent en fumée détruite par un incendie criminel qui sera revendiqué sur Internet. Une responsable associative turque a été la cible de trois Kurdes originaires de Gonesse. Ils ont été interpellés par la PJ et mis en examen pour « dégradations en lien avec une entreprise terroriste » à Paris.

    Les faits se produisent le 11 mars dernier. Trois hommes se rendent à Villepinte en fourgonnette. Leur objectif, ce sont les voitures d'un couple dont l'épouse est la présidente du Centre culturel franco-turc de la région d'Aulnay-sous-Bois. Autour de 4 heures du matin, les visages dissimulés, ils aspergent de liquide inflammable la Mercedes Class A et le Range-Rover, vides de tout occupant. L'incendie se propage à un troisième véhicule. Les flammes touchent aussi des conteneurs poubelles, lèchent les façades des pavillons limitrophes, détruisent un coffret à gaz. Les trois hommes ont pris la fuite après que l'un d'eux a filmé la scène.

    Interpellés grâce à la vidéosurveillance

    La dimension politique de cet incendie criminel est rapidement révélée lorsque les images se retrouvent sur Internet trois jours plus tard. Une revendication au nom de la cause kurde dont se réclament les auteurs.

    Les faits sont survenus alors que la communauté kurde est fortement mobilisée, tout comme le PKK, le parti des travailleurs du Kurdistan, considéré comme terroriste par une partie de la communauté internationale, alors que se déroule en Syrie la bataille d'Afrine. L'opération « Rameau d'Olivier » a été lancée le 20 janvier par l'armée turque et les rebelles syriens contre les forces kurdes, implantées dans cette région depuis 2012. La ville d'Afrine tombant le 18 mars dernier.

    L'exploitation de la vidéosurveillance a rapidement permis aux enquêteurs de la sous-direction antiterroriste de la brigade criminelle de retrouver le Renault Trafic qui appartenait à l'un des trois incendiaires, puis à identifier les suspects. Début avril, ces derniers étaient interpellés et placés en garde à vue au siège de la PJ parisienne.

    « Faire parler la cause kurde »

    « Ce n'était pas pour faire du mal à qui que ce soit. Personne n'était physiquement visé. Il s'agissait de faire parler de la cause kurde », confie l'avocat d'un des mis en examen, Me Jacky Attias. Il souligne le contexte de l'offensive turque en Syrie, qui se déroule « dans un silence total, notamment en France, et dans l'indifférence de la communauté internationale ». Concernant son client, un jeune homme de 23 ans qui a filmé la scène, il précise qu'il a agi « sous la contrainte des deux autres. Il a pris connaissance du projet une fois dans la fourgonnette. » Le jeune homme est par ailleurs « réfugié politique depuis de nombreuses années et n'a pas fait parlé de lui ».

    Le juge des libertés a décidé de le placer en détention provisoire, comme ses deux complices présumés, dans le but de permettre la poursuite des investigations, déterminer d'éventuels commanditaires. Le PKK n'aurait pas été évoqué par les mis en examen.

    « Je ne comprends pas ce qui m'arrive »

    La responsable du centre culturel franco-turc, victime des incendies.

    « Je travaille dans le milieu social depuis très longtemps. Je ne comprends pas ce qui m'arrive… » Agée de 43 ans, mère de famille, la responsable de l'association franco-turque d'Aulnay, victime des incendies, a été profondément choquée. « Après les faits, je me suis réfugiée chez moi pendant dix jours, sans sortir. Je n'étais pas bien, complètement effondrée. Je ne sais pas pourquoi j'ai été visée. Je n'ai jamais fait aucune discrimination dans mon travail. J'ai aidé tout le monde. Des Kurdes travaillent avec moi, certains sont des amis. »

    La revendication sur Internet la consterne. « Ils disent que je suis une employée du consulat. C'est totalement faux, je travaille à la mairie de Sevran. [NDLR : comme développeuse sociale dans les quartiers, auprès des associations]. Ils ont dit aussi que j'étais un agent secret de la Turquie ! Tout cela est incompréhensible ». Son apparition auprès du président turc Erdogan lors de sa visite en France a peut-être joué un rôle. « Il a demandé à rencontrer des responsables associatifs. J'ai été invitée, confie-t-elle. Mais mon association est culturelle, sociale. Elle propose du cinéma. Nous n'abordons jamais la politique en Turquie. »