« Faire attention », « se débrouiller », « vivre petit » sont les mots qui reviennent le plus souvent pour dire la grande difficulté que vivent la plupart des exploitants agricoles une fois à la retraite. Ancien producteur de lait et de céréales en Seine-Maritime, François, 74 ans, peut en témoigner : il touche à peine plus de 820 € par mois après toute une vie de labeur.

Les « oubliés du système »

« Mon épouse, ancienne enseignante, touche deux fois plus. Elle a bien sûr mérité, mais ces disparités me révoltent un peu. Les agriculteurs sont vraiment les oubliés du système », souligne-t-il.

De fait, les retraités agricoles sont parmi les professionnels qui touchent les plus faibles pensions, souvent même inférieures au seuil de pauvreté. Selon un rapport du Conseil d’orientation des retraites (COR), la pension moyenne s’établissait, en 2015, à 730 € pour une carrière complète, contre 1 800 € pour l’ensemble des Français.

Ce qui signifie qu’à l’époque, une part non négligeable des anciens « non-salariés agricoles », autrement dit les exploitants retraités, vivaient sous le seuil de pauvreté établi à 1 015 € mensuels.

Le triste sort des conjoints collaborateurs

Depuis, la situation ne s’est guère améliorée à en croire les chiffres de la Mutualité sociale agricole (MSA) qui gère leurs régimes de retraite. En 2017, à carrière complète – au moins 150 trimestres cotisés, complémentaire comprise – un ancien chef d’exploitation touchait en moyenne 855 €.

Le sort des conjoints collaborateurs, le plus souvent des femmes, est encore moins enviable puisque leur retraite moyenne ne dépasse pas les 600 € par mois. Les veufs et veuves, qui peuvent prétendre à leurs droits propres plus une pension de réversion, plafonnent eux à 1 014 € mensuels.

Les anciens salariés agricoles ne sont pas mieux lotis. En 2017, le niveau de retraite « de base » versé par la MSA représentait 1 085 € par mois pour une carrière complète. Mais les carrières sont si courtes – 36,5 trimestres en moyenne – que les pensions réellement versées sont souvent dérisoires : 188 € par mois.

Un coup de pouce bienvenu

Face à cela, le précédent gouvernement avait donné un coup de pouce en faveur des anciens exploitants en relevant le minimum garanti à 75 % du smic net, soit 871 €. Dans la foulée, l’Assemblée nationale avait adopté, en février 2017, une proposition de loi visant à porter ce minimum garanti à 85 % du smic dès 2018.

C’est ce texte que l’actuel exécutif a bloqué, in extremis, lors de son passage au Sénat, en mars. Le gouvernement souhaite, en effet, intégrer la question des retraites agricoles dans celle plus vaste de la réforme des retraites annoncée par le président Macron pour 2019. Et qui prétend fondre progressivement la quarantaine de régimes existants en un système unique.

Les doléances des syndicats

La ministre des solidarités, Agnès Buzyn, et le haut-commissaire à la réforme des retraites, Jean-Paul Delevoye, ont ainsi commencé leurs consultations avec les syndicats agricoles pour recueillir leurs doléances.

La FNSEA, le premier syndicat agricole, a ainsi plaidé pour que l’État garantisse « un socle de base pour tous les retraités », tandis que la Coordination rurale a avancé l’idée d’une hausse de la TVA pour relever les pensions. Du côté de la Confédération paysanne, la rencontre prévue la semaine prochaine sera l’occasion d’exiger « qu’aucune retraite ne soit inférieure au minimum vieillesse ».

« La situation actuelle n’est pas acceptable, résume Christian Boisgontier. Les paysans ne sont pas des sous citoyens. »