Nous sommes à Palo Alto, au cœur de la Silicon Valley. La prestigieuse université de Stanford est au bout de l’avenue, les sièges de Google et Facebook à quelques minutes en voiture, et les maisonnettes de millionnaires bien alignées sous de magnifiques allées arborées. Chez Wahlburgers, un restaurant ouvert il y a quelques mois sur University Avenue, les premiers clients croquent déjà dans leurs burgers signés Paul Wahlberg, un chef en vue à Boston, devenu une célébrité du petit écran. Parmi eux, Judy Ignaszewski goûte la dernière nouveauté, l’Impossible Burger. « C’est très bon, et pourtant je suis très difficile », juge-t-elle en sirotant sa limonade maison. « Avec les épices et les oignons caramélisés, on pourrait croire que c’est de la viande », ajoute la quinquagénaire en tenue de sport, qui a déboursé 12,95 dollars (environ 10,50 euros) pour ce sandwich. Entre les deux buns, pas de bœuf mais un steak high-tech, à base de protéines de blé et de pomme de terre, de noix de coco… et de « sang » de synthèse.
Dans cette Californie green et fortunée, les clients l’adorent. « Cela fait dix semaines qu’il est à la carte et c’est déjà notre deuxième best-seller. On en sert une cinquantaine les jours de semaine, le double le week-end », se félicite Gregg Harp, le directeur du Wahlburgers. « On dirait vraiment de la viande. Si vous ne le saviez pas, vous pourriez vraiment penser que c’est un burger classique. » Commercialisé par les 25 restaurants de la chaîne, ce hamburger est aussi vendu chez le concurrent Umami Burgers et, depuis le 12 avril, par la chaîne de restauration rapide White Castle, une institution aux Etats-Unis.
La start-up Impossible Foods a lancé l’Impossible Burger en 2016. Il s’en est déjà écoulé 1,3 million en 2017, et 2,5 millions depuis le début de l’année. Il n’est pas seul : depuis quelques années, une myriade de jeunes pousses ont investi le créneau de la « clean meat » (« viande propre »). Elles ont déjà levé près de 1,5 milliard de dollars (1,2 milliard d’euros) auprès d’investisseurs comme Google ou Bill Gates, mais aussi de géants de l’agroalimentaire.
« La viande meilleure que la viande »
Le début d’une révolution pour ce secteur qui pèse 1 000 milliards de dollars (selon l’Institut nord-américain de la viande, le NAMI) dans l’économie américaine ? C’est en tout cas la conviction d’Impossible Foods. A Redwood City, dans la cuisine de la start-up, quatre chefs en blouse et charlotte blanches s’affairent devant des tables en inox. L’une des cuisinières évalue sa dernière création, son ordinateur portable posé entre une pile de steaks et une boîte de sauce tomate. « Notre objectif est que les consommateurs puissent cuisiner comme si de rien n’était, faire des boulettes, des raviolis, etc. », explique David Lipman, le directeur scientifique de l’entreprise, qui dirigeait jusqu’à l’an passé le Centre national pour l’information biotechnologique (NCBI) de la très prestigieuse Bibliothèque nationale de médecine américaine.
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