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Archéologie

Une cache de stèles gravées de la mystérieuse écriture du royaume africain de Méroé découverte

Au Soudan, sur le site de Sedeinga, des archéologues français ont exhumé le plus grand ensemble d’inscriptions méroïtiques connu à ce jour. La plus ancienne écriture antique purement africaine.

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Stèle d'Ataqeloula et ses écrits méroitiques, découverte dans la nécropole de Sedeinga, au Soudan.

Stèle d'Ataqeloula et ses rares écrits méroïtiques, découverte dans la nécropole de Sedeinga, au Soudan. 

Crédits: Vincent Francigny / Mission archéologique de Sedeinga

ÉPIGRAPHIE. Jamais autant de stèles inscrites de textes méroïtiques, le plus ancien témoignage d’écriture antique purement africaine, n’avait été découvertes dans un même lieu. Et c’est dans la “cité des morts” de Sedeinga, une vaste nécropole située entre désert rocailleux et rives sauvages du Nil, qu’ont été retrouvés, au Soudan, enfouis parmi une centaine de vieilles pyramides funéraires aujourd’hui écrêtées, ces écrits vieux de 2300 ans laissés par les habitants du pays de Koush, un empire africain contemporain de l’Égypte ptolémaïque et de Rome (lire Sciences et Avenir n°783). Mêlés à des linteaux et des montants de portes de chapelles décorés, les précieuses tablettes de pierre recouvertes d’inscriptions ont été mises au jour par les chercheurs du SFDAS, la Section française de la direction des antiquités du Soudan.  “Les pièces étaient littéralement les unes sur les autres et pourtant dans un état de conservation remarquable”, a déclaré Vincent Francigny, du Laboratoire d’anthropologie africaine du Muséum d’histoire naturelle de New York (États-Unis), codirecteur des fouilles conduites par Claude Rilly, spécialiste mondial de la langue et de l’écriture méroïtiques.

Une écriture encore largement obscure

“Ces nouveaux documents funéraires, sources d’une extrême richesse, vont nous permettre d’avancer dans la connaissance de la langue de Méroé ”, a ajouté l’expert, joint par Sciences et Avenir. “Le système d’écriture méroïtique, le plus ancien de l’Afrique sub-saharienne, nous résiste en partie dans sa compréhension, même si on sait le lire depuis bientôt un siècle”, poursuit le spécialiste. Encore largement obscure, cette écriture avait été créé par les souverains koushites pour transcrire leur langue, vers 250 avant notre ère. Jusque-là, seule celle des pharaons d’Égypte était employée. Pour des raisons que l’on ignore, au IIIe siècle avant notre ère, les Méroïtes (du nom de Méroé, dernier royaume de Koush) ont sélectionné chez leur puissant voisin des signes à la fois hiéroglyphiques et cursifs (démotique) pour élaborer leur propre écriture en y ajoutant des valeurs phonétiques différentes.

Linteau de sépulture ornée d’inscriptions méroïtiques. © Mission archéologique de Sedeinga

Jusqu’à ces récentes découvertes, n’étaient connues que de rares épitaphes sur des stèles et ou des temples. Au nombre des trouvailles effectuées, figuraient également des représentations de la déesse Maât, avec des caractères différents des canons habituels hérités de l’iconographie religieuse égyptienne.

Figure de la déesse Maât, divinité égyptienne de l'ordre, de l'équité et de la paix, mise au jour à Sedeinga. © Vincent Francigny / Mission archéologique de Sedeinga 

Il s’agirait même de la première figure connue de cette divinité avec des traits africains. Sur les montants des chapelles funéraires où apparaissaient habituellement d’un côté Anubis, le dieu maître des nécropoles, et de l’autre Isis ou sa sœur Nephtys, les divinités protectrices des morts, il semble que la déesse Maât, entité symbolisant l’ordre, la vérité et la justice, se soit imposée sur le site de Sedeinga.

Vue aérienne de la "Cité des morts" de Sedeinga, au Soudan. © Mission archéologique de Sedeinga

L’impressionnant cimetière et ses centaines de lieux d’inhumation et caveaux a été utilisé pendant plusieurs siècles, s’étirant de la fin de la période dite des royaumes de Napata (600-300 avant J.-C.), à la fin de l’époque méroïtique (450 après J.-C.). Avec les sites de Sedeinga et l’île de Saï voisine, l’archéologie française participe à l’étude de deux gisements majeurs de l’histoire antique des exceptionnels royaumes nubiens du Soudan.

Ruines du temple égyptien de la reine Tiyi, situé à proximité de la nécropole de Sedeinga. © Bernadette Arnaud

Le site de Sedeinga
Signalé au XIXe siècle par le Français Frédéric Caillaud, le site de Sedeinga, à une centaine de kilomètres au nord de la troisième cataracte du Nil, sur la rive ouest du fleuve, avait attiré l’attention de l’explorateur nantais car il abritait les ruines d’un temple égyptien dédié à la reine Tiyi, vestiges d’une très ancienne présence pharaonique dans la région (1500-1100 avant J.-C), lorsque les armées d’Amenhotep III (Aménophis III, en grec) étaient venues anéantir les habitants de Kouch pour les punir de leur tentative d’invasion de la Basse-Nubie. La nécropole de Sedeinga qui y a été découverte à proximité s’étend sur plus de 25 hectares. Elle abritait une centaine de pyramides et tombeaux funéraires en briques crues, remontant pour les plus anciennes au royaume de Napata (600-330 avantJ-C.), puis Méroé (entre 300 avant J.-C. et 450 ap.J.C).

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