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Les ravages de la NASH, ou maladie du soda

Elle touche 1% de la population mondiale et progresse à grands pas, la NASH, ou stéato-hépatite non alcoolique, détériore progressivement toutes les fonctions hépatiques en raison d’une surcharge de graisse dans le foie. Une journée internationale de prévention lui sera consacrée le 12 juin prochain

Liée à une mauvaise alimentation, mais aussi à une sédentarité prolongée, favorisée par le surpoids et le diabète, certainement aussi par des prédispositions génétiques, la NASH est loin d’être limitée aux pays occidentaux. — © Elorri Charriton
Liée à une mauvaise alimentation, mais aussi à une sédentarité prolongée, favorisée par le surpoids et le diabète, certainement aussi par des prédispositions génétiques, la NASH est loin d’être limitée aux pays occidentaux. — © Elorri Charriton

«On ne peut plus laisser la majorité des patients découvrir la maladie par hasard, quand il est trop tard pour la soigner. Lorsque le foie se détruit, il le fait sans douleur et en silence. Informer et appeler à la vigilance peut donc sauver des vies.» Dans son ouvrage paru en mars sous le titre de NASH, La maladie de la malbouffe (Flammarion), l’hépato-gastroentérologue parisien Dominique Lannes lance un appel général à préserver l’un de nos organes les plus précieux. Car le foie, dont le but est de traiter les nutriments charriés par le sang afin de les transformer en vitamines, en hormones ou en carburant pour l’ensemble du corps, souffre tout comme le cœur d’un excès de sucre et de graisses, deux composants omniprésents dans notre alimentation actuelle.

Au fil de sa carrière, le médecin français a vu le foie de sa patientèle subir une importante mutation, devenant, au cours de ces trente dernières années, de plus en plus gras. Un constat loin d’être isolé: «On estime que 30% de la population est aujourd’hui touchée par une stéatose, autrement dit une surcharge de graisse au niveau du foie, explique au Temps Dominique Lannes. A ce stade, on peut encore agir, mais il s’agit de la première étape avant de développer une NASH, une maladie que certaines autorités de santé publique n’hésitent pas à qualifier de «fléau du siècle», et qui se propage discrètement par le contenu de nos assiettes.»

Maladie du foie gras

Derrière la NASH, acronyme anglais pour stéatohépatite non alcoolique, également appelée maladie du soda, se cache une pathologie qui dégrade progressivement toutes les fonctions du foie. Comme son nom l’indique, cette affection atteint cet organe non par alcoolisme ni par un virus, mais par la simple présence de graisse, principalement en lien avec une alimentation industrielle et transformée. Encore largement méconnue du grand public, l’affection, qui touche 1% de la population mondiale, aura sa première journée internationale le 12 juin prochain. Des événements, visant à sensibiliser la population, se tiendront en Suisse, notamment à Berne.

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Sournoise, sachant rester discrète sur de longues années, la NASH se développe en plusieurs phases. Dans un premier temps, en raison d’un excès continu de nutriments, le foie devient gras, comme celui des oies que l’on gave. Si elle perdure sur le long terme, cette agression peut conduire à une fibrose. Du tissu cicatriciel commence alors à envahir l’organe et étouffe peu à peu les hépatocytes, les cellules hépatiques en charge, notamment, de la dégradation des substances toxiques. A la longue, l’architecture normale du foie se modifie, il devient dur, le sang n’y circule plus bien, c’est la cirrhose, susceptible de dégénérer en cancer. Ne reste alors souvent que la greffe comme condition de survie, raison pour laquelle, aux Etats-Unis, la NASH est désormais devenue la principale cause de transplantation du foie.

Progression mondiale

Liée à une mauvaise alimentation, mais aussi à une sédentarité prolongée, favorisée par le surpoids et le diabète, certainement aussi par des prédispositions génétiques, la NASH est loin d’être limitée aux pays occidentaux. L’expansion mondiale des sodas et des produits manufacturés a en effet contribué à la progression du nombre de cas de NASH aussi bien en Asie qu’en Afrique. Autrefois essentiellement diagnostiquée chez des personnes d’une soixantaine d’années, la NASH semble également toucher de plus en plus de jeunes adultes. «Cette maladie résulte en fin de compte d’un problème d’inadéquation entre notre physiologie et notre environnement, décrit Jean-François Dufour, médecin-chef à l’Inselspital et professeur d’hépatologie à l’Université de Berne. On se déplace beaucoup moins et on mange bien plus que ce pour quoi notre corps a été éduqué, avec pour conséquence que notre foie est aujourd’hui constamment surchargé de graisse.»

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Pour l’heure, il n’existe aucun traitement pour guérir de la NASH. Plusieurs molécules sont néanmoins actuellement en phase III d’études cliniques et donc testées sur de larges cohortes de participants, laissant présager, d’ici quelques années, la mise sur le marché d’un médicament. «Il faudrait également développer, en parallèle, des outils diagnostics basés sur l’imagerie ou des marqueurs présents dans le sang, que l’on pourrait proposer à tous les patients, nombreux, chez qui l’on suspecte une NASH, ajoute Jean-François Dufour. Actuellement, le seul moyen de poser sûrement un diagnostic, autre que l’anamnèse [les renseignements fournis au médecin par le patient, ndlr], est la biopsie du foie, qui est un examen invasif. C’est pourquoi elle n’est proposée qu’aux personnes présentant des signes avancés de la maladie.»

Eviter les excès

Si, comme le dit Dominique Lannes, nous sommes tous des candidats potentiels à la NASH, comment donc faire régresser une stéatose ou tout simplement éviter de saturer notre foie en graisse? «Il faut garder en tête que tout réside dans l’excès, répond ce dernier. Le cholestérol, par exemple, est indispensable à la formation des cellules, nous en avons donc besoin. La seule ordonnance que je puisse proposer est d’essayer de réduire ses apports en graisses, en sucre et de bouger davantage. Il est certes très compliqué de changer de vie drastiquement, mais tant que l’on n’aura pas de traitements, il vaut mieux prévenir que guérir.»

«Lorsque l’on rentre dans les détails, on constate que certains sucres sont plus néfastes que d’autres, ajoute Jean-François Dufour. Sur le banc des accusés, on trouve essentiellement le corn syrup, ou sirop de maïs. A haute teneur en fructose, il est ajouté dans de nombreux aliments et boissons sucrées depuis les années 80. Ce dernier a tendance à diminuer le sentiment de satiété, ce qui fait que l’on mange davantage.» Certaines graisses seraient en outre plus bénéfiques que d’autres. Le laboratoire de Bernard Thorens, professeur au Centre intégratif de génomique de l’Université de Lausanne, a par exemple démontré, par des études réalisées sur les souris, que l’huile de coco permettait d’augmenter la dégradation des graisses au niveau du foie. Une méta-analyse aurait également mis en évidence les effets positifs des oméga 3, bien que cela reste encore à prouver.

Plus concrètement, des recherches récentes ont montré que la stéatose naissante chez l’enfant obèse pouvait régresser très rapidement, dès lors que la teneur des apports caloriques était modifiée et que les aliments et boissons riches en sucre étaient remplacés par des aliments sains. De quoi peut-être relancer, dans la sphère publique, l’idée d’une taxe sur les produits sucrés.

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