Écho de presse

Voltaire encensé par Victor Hugo

le 17/09/2019 par Marina Bellot
le 04/02/2017 par Marina Bellot - modifié le 17/09/2019
Gravure Voltaire - source : Gallica-BnF

À l'occasion du centenaire de la mort de Voltaire en 1878, Victor Hugo lui rend un hommage poignant, presque exalté.

Le 10 mai 1878, Victor Hugo prononce au théâtre de la Gaîté un discours en forme d'hommage au philosophe des Lumières.

Quelques mois plus tôt, en octobre 1877, les républicains lors des législatives avaient écrasé les royalistes, puis en janvier 1878, scellé un rapport de force national en leur faveur aux élections municipales.

Par ses combats et ses écrits pour la liberté de conscience et la laïcité, Voltaire est un symbole cher à la gauche républicaine.

Le journal Le Rappel publie en une le discours intégral de Victor Hugo :

"Il y a cent ans aujourd'hui un homme mourait. Il mourait immortel. Il s'en allait chargé d'années, chargé d'œuvres, chargé de la plus illustre et de la plus redoutable des responsabilités, la responsabilité de la conscience humaine avertie et rectifiée. [...] Il était plus qu'un homme, il était un siècle. Il avait exercé une fonction et rempli une mission. Il avait été évidemment élu pour l'œuvre qu'il avait faite par la suprême volonté qui se manifeste aussi visiblement dans les lois de la destinée que dans les lois de la nature. Les quatre-vingt-quatre ans que cet homme a vécu occupent l'intervalle qui sépare la monarchie à son apogée de la révolution à son aurore. [...]

Quand il naquit Louis XIV régnait encore, quand il mourut Louis XVI régnait déjà, de sorte que son berceau put voir les derniers rayons du grand trône et son cercueil les premières lueurs du grand abîme. Avant la Révolution, messieurs, la construction sociale était ceci :
En bas, le peuple
 ;
Au dessus du peuple, la religion représentée par le clergé,
À côté de la religion, la justice représentée par la magistrature.
Et, à ce moment de la société humaine, qu'était-ce que le peuple
 ? C'etait l'ignorance. Qu'était-ce que la religion ? C'était l'intolérance. Et qu'était-ce que la justice ? C'était l'injustice.

Très applaudi par une salle comble, Victor Hugo salue l'esprit de tolérance et les rudes combats menés par Voltaire contre les impostures, les tyrannies, les usurpations, les préjugés, les mensonges et les superstitions :

"Voltaire a vaincu, Voltaire a fait la guerre rayonnante, la guerre d'un seul contre tous, c'est-à-dire la grande guerre. La guerre de la pensée contre la matière, la guerre de la raison contre le préjugé, la guerre du juste contre l'injuste, la guerre pour l'opprimé contre l'oppresseur, la guerre de la bonté, la guerre de la douceur. Il a eu la tendresse d'une femme et la colère d'un héros. Il a été un grand esprit et un immense cœur. (Bravos.)

Il a vaincu le vieux code et le vieux dogme. Il a vaincu le seigneur féodal, le juge gothique, le prêtre romain. Il a élevé la populace à la dignité de peuple.

Il a enseigné, pacifié et civilisé. Il a combattu pour Sirven et Montbailly comme pour Calas et Labarre ; il a accepté toutes les menaces, tous les outrages, toutes les persécutions, la calomnie, l'exil. Il a été infatigable et inébranlable. Il a vaincu la violence par le sourire, le despotisme par le sarcasme, l'infaillibilité par l'ironie, l'opiniâtreté par la persévérance, l'ignorance par la vérité.

Je viens de prononcer ce mot, le sourire, je m'y arrête. Le sourire, c'est Voltaire.

Disons-le, messieurs, car l'apaisement est le grand côté du philosophe et dans Voltaire l'équilibre finit toujours par se rétablir. Quelle que soit sa juste colère, elle passe, et le Voltaire irrité fait toujours place au Voltaire calmé.

Alors, dans cet œil profond, le sourire apparaît."

Et c'est par un vibrant plaidoyer pour la paix, qui rappelle le discours prononcé en 1849, que se terminent les paroles de l'écrivain :

"Arrêtons l'effusion du sang humain, assez ! assez ! despotes ! Ah ! la barbarie persiste, eh bien, que la philosophie proteste. Le glaive s'acharne, que la civilisation s'indigne. Que le dix-huitième siècle vienne au secours du dix-neuvième ; les philosophes nos prédécesseurs sont les apôtres du vrai ; invoquons ces illustres fantômes ; que, devant les monarchies rêvant les guerres, ils proclament le droit de l'homme à la vie, le droit de la conscience à la liberté, la souveraineté de la raison, la sainteté du travail, la bonté de la paix ; et, puisque la nuit sort des trônes, que la lumière sorte des tombeaux (Acclamation unanime et prolongée. Cris : Vive Victor Hugo !)"

 

Voir les unes des journaux républicains célèbrant le centenaire de la mort de Voltaire.

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