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Animaux marins

"Le principal ennemi du phoque moine de Méditerranée reste l'homme"

Quelles menaces pèsent sur les phoques moines de Méditerranée ? Quelles sont les solutions pour les protéger ? Interrogé par Sciences et Avenir, Philippe Mondielli, directeur scientifique de la Fondation Prince Albert II de Monaco, fait le point.

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Phoque de Méditerranée

Un phoque moine de Méditerranée sur une plage en Grèce.

© Intime/Shutterstock/SIPA

Pour la deuxième année consécutive, la principauté de Monaco s'est mobilisée en faveur de la préservation des océans. La seconde édition de la Monaco Ocean Week s'est terminée le 14 avril 2018 après le déroulement d’une trentaine d’événements : conférences, workshops, symposiums, colloques, remises de prix, expositions, projections de films documentaires, ateliers de sensibilisation… qui se sont tenus pendant une semaine dans divers sites de la principauté tels que le Musée océanographique, le Centre Scientifique, le Stars’N’Bars ou le Yacht Club de Monaco.

Mascotte de cette Monaco Ocean Week, le phoque moine Méditerranée est en danger critique d'extinction selon l'Union Internationale pour la Conservation de la Nature (IUCN). Mais quelles menaces pèsent exactement sur cette espèce ? Quelles sont les solutions pour la protéger ? Interrogé par Sciences et Avenir, Philippe Mondielli, directeur scientifique de la Fondation Prince Albert II de Monaco, fait le point.

Sciences et Avenir : Pourquoi avoir choisi le phoque moine comme mascotte pour la seconde édition de la Monaco Ocean Week ? 

Philippe Mondielli : Il s'agit d'une espèce emblématique de la Méditerranée et l’un des mammifères les plus menacés de la planète. Le phoque moine Monachus monachus était très présent il y a encore 100 ans et nous avons des indications qu’il y vivait depuis bien plus longtemps encore puisqu’il est représenté sur les parois de la grotte Cosquer. Cette espèce a été quasiment éradiquée par l’homme en plusieurs générations, tant et si bien qu’aujourd’hui elle a disparu de nos mémoires : peu de gens savent qu’il y a des phoques en Méditerranée. Aujourd’hui il reste encore quelques colonies et il faut faire le maximum pour les protéger afin que les populations restantes se consolident et puissent peu à peu reconquérir les territoires qu’ils occupaient naguère en Méditerranée et en Atlantique Est. Cette Monaco Ocean Week a été l’occasion de rassembler les plus importants experts mondiaux du phoque moine méditerranéen afin de réfléchir à leur préservation et de trouver des solutions avec un groupe de fondations engagées pour la biodiversité en Méditerranée. 

Quelles menaces pèsent sur ces animaux ?

Les quelques colonies de phoque moine qui survivent sont éparses : il y en a plusieurs dans toutes la méditerranée et aussi sur la côte atlantique nord-africaine. La concentration majeure est entre la Grèce et la Turquie avec une estimation de 300 à 400 individus, mais on en trouve un nombre assez élevé aussi en Mauritanie avec une population estimée à 300 individus. Un des risques principaux est lié à leur génétique.  Les populations qui regroupent un nombre limité d’individus ne sont plus aujourd’hui connectées entre elles. Il n'y a donc pas de brassage génétique ce qui les rend plus vulnérables face aux différentes menaces et notamment les épidémies comme celle qui a frappé la population mauritanienne en 1997.

Les menaces d’origine humaine sont ensuite très importantes avec la perte de leur habitat due à une urbanisation des côtes galopantes, les interactions avec les pêcheurs et aussi à un tourisme de masse qui perturbe la tranquillité de ces animaux… Les phoques moines venaient sur les plages pour se reposer et se reproduire. Désormais, ils se réfugient dans les grottes pour être à l'abri des hommes. Ils mettent bas dans ces refuges de quiétude mais qui peuvent s’avérer dangereux lors des épisodes de tempêtes. Il y a aussi eu beaucoup de conflits avec les pêcheurs avec qui ils entrent en compétition pour la nourriture. Certains phoques meurent également dans les filets de pêche, s’y retrouvant coincés et n’ayant pas la possibilité de remonter respirer à la surface. Finalement, le principal ennemi du phoque moine reste l'homme : on fait du bruit, on les dérange et on ne respecte pas leurs sites de reproduction.

La bonne nouvelle est que désormais, après plusieurs années d’actions de conservation sur le terrain et de sensibilisation des différents acteurs de la mer, ces animaux commencent à être "acceptés" et ont un capital sympathie en hausse. De ce fait ils se sentent moins menacés et commencent à se disperser hors de leur habitats reculés. Ainsi, on peut voir des spécimens dans les ports en Grèce et en Turquie. Et aujourd’hui un pêcheur ne va plus abattre un phoque moine comme il pouvait le faire il y a encore 30 ans. C'est pour cette raison qu’il faut continuer à travailler avec tous les acteurs de la mer, pêcheurs, opérateurs touristiques, pour démontrer que ces animaux à l’allure sympathique ont un rôle majeur dans l’écosystème méditerranéen et assurer que les nouvelles interactions avec l’homme soient respectueuses.

Quel rôle joue la Fondation Prince Albert II de Monaco dans la préservation de cette espèce ? Comment la protéger ?

Nous avons soutenu depuis 6 ans un projet sur l’ile de Gyaros, en Grèce. Cette île qui abritait une prison militaire était un site désolé pour les hommes mais un paradis sauvage pour les phoques moines qui y avaient trouvé la sérénité indispensable pour leur développement. Maintenant que la prison militaire n'est plus sur cette petite île, il existe un vrai risque pour la colonie qui y vit, car les toutes les activités humaines peuvent y avoir un libre accès. Le projet consiste à en faire une aire marine protégée avec la participation de tous les acteurs locaux, un travail de longue haleine qui porte ses fruits puisque nous attendons maintenant la désignation officielle de la zone protégée par la Ministère grecque. La collaboration avec les pêcheurs est indispensable pour leur montrer que le phoque moine n'est pas un concurrent mais un allié. Ainsi, ils pourront bénéficier de "l’effet réserve" de cette aire marine protégée et ainsi augmenter le rendement de leur pêche. Protéger le phoque moine à Gyaros comme dans d’autres sites peut être valorisant et économiquement intéressant grâce aux activités touristiques qui peuvent se développer autour de cette espèce, en veillant à respecter des règles de bonne conduite.

La Fondation Albert II de Monaco est très active au niveau méditerranéen. C'est pour cette raison que ces experts du phoque moine ont été rassemblés pour échanger et définir des projets communs pour être plus efficients. Les fondations présentes à la réunion de la Monaco Ocean Week ont ainsi pu les écouter et évoquer des pistes de stratégie de financement pour ces projets. Notre rôle est de fédérer tous ces acteurs et créer une dynamique positive qui bénéficiera in fine au phoque moine. Ainsi, nous avons bon espoir de voir le phoque moine se rétablir dans les zones qu'il occupait et qu’il redevienne une espèce présente et respectée sur toutes les côtes méditerranéennes et nord atlantique.

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