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Avec l'élection de Pascal Pavageau, une ère beaucoup plus contestataire s'ouvre chez FO

Après quatorze ans de règne sans partage, Jean-Claude Mailly a laissé la place à Pascal Pavageau (photo). Ce dernier remercie les militants après l'annonce du vote, le 27 avril à Lille. PASCAL ROSSIGNOL/REUTERS

Pascal Pavageau a succédé ce vendredi à Jean-Claude Mailly à la tête du 3e syndicat français.

Le 24e congrès de la CGT-Force ouvrière, centrale connue sous le diminutif de FO, a débuté lundi. Une édition particulièrement importante pour le troisième syndicat français, trois ans après le congrès de Tours. Car à son issue, Jean-Claude Mailly, l'actuel secrétaire général, a passé la main à Pascal Pavageau, après quatorze ans de règne sans partage. Seul candidat en lice, ce père de trois enfants, ingénieur d'État de 49 ans, était certain de récupérer les rênes de FO ce vendredi matin. Il a recueilli 5841 voix sur 6032 voix, soit un score de 96,8%.

Dans le contexte actuel, marqué par un climat social agité, ce passage de relais n'a rien d'anodin. Le nouveau numéro un s'en cache à peine: il est sur une ligne plus dure que son mentor qui, depuis l'arrivée au pouvoir d'Emmanuel Macron, s'est montré plutôt conciliant, notamment en refusant d'appeler à descendre dans la rue contre les ordonnances réformant le Code du travail. Jeudi 19 avril, devant l'Association des journalistes de l'information sociale (Ajis), Pascal Pavageau a, lui, vivement dénoncé la politique du chef de l'État, fondée, selon lui, sur l'individualisation des droits au détriment du collectif et s'apparentant à «une logique de jungle». Les coups de boutoir au dialogue social et à la gestion paritaire - visible par l'encadrement par l'État du régime d'assurance-chômage - l'ont fait également bondir. S'il est vrai que le paritarisme est dans l'ADN de FO, la virulence du ton était frappante. «Jupiter n'a pas à dicter ce qui, soi-disant, est bon demain pour l'ensemble du cadre social de ce pays», a-t-il lâché.

Ce discours d'opposition est bien plus en phase avec la majorité des militants FO, légèrement déroutés par les options prises par Jean-Claude Mailly lors de sa dernière année

Ce discours d'opposition est bien plus en phase avec la majorité des militants FO, légèrement déroutés par les options prises par Jean-Claude Mailly lors de sa dernière année. Déjà fin septembre, le parlement de la centrale avait demandé l'organisation d'une journée contre les ordonnances Pénicaud, finalement organisée avec la CGT et Solidaires le 16 novembre. À Lille, les interventions des délégués lors des trois premiers jours s'annoncent donc musclées, et ce d'autant que les représentants des 15 % d'anarchistes et trotskistes que compte FO ont prévu de se faire plus entendre qu'à l'accoutumée. Résultat, le rapport d'activité, qui reflète le mandat passé, devrait être approuvé à une majorité plus limitée qu'habituellement. Jean-Claude Mailly anticipe d'ailleurs un congrès «rock'n'roll». Pascal Pavageau parle quant à lui plus volontiers de «hard-rock» mais affiche sa sérénité pour son élection et le vote du projet de résolution, fixant le cap pour l'avenir.

Fort de sa légitimité, le nouveau patron de FO risque donc de donner du fil à retordre au gouvernement, qui avait pu compter sur la neutralité de la centrale jusqu'à présent. Et ce, alors que se profile en 2019 la réforme des retraites et, dès cette année, celle de la fonction publique et la réorganisation de l'État. La tension pourrait monter rapidement, d'autant que Pascal Pavageau est très attaché au service public. La proximité des élections syndicales chez les fonctionnaires, programmées le 6 décembre, fera le reste. Pour FO, l'enjeu est crucial: troisième dans les trois versants réunis (État, hôpital et collectivités locales), le syndicat truste la première place au sein de l'État, l'un de ses bastions.

Distance avec la CGT

Il est toutefois peu probable que FO tombe dans un mano a mano avec la CGT. Sur le fond, le nouveau secrétaire général est favorable à la négociation, tout en étant prêt à la confrontation, si nécessaire. Une position «FO canal historique», selon ses termes, très éloignée de la doctrine cégétiste. En outre, la centrale, née d'une scission avec la CGT il y a soixante-dix ans, a tiré les leçons de l'échec de la contestation contre la loi El Khomri en 2016: elle ne veut plus se retrouver liée avec le syndicat dirigé par Philippe Martinez. Jeudi 19 avril, Pascal Pavageau s'est montré prudent quant à la convergence des luttes, notant que «la mobilisation de tous les syndicats de fonctionnaires le 22 mai pouvait être un marchepied» mais que «rien ne se décrète et qu'il ne faut pas aller trop vite».

Le nouveau leader veut surtout réhabiliter le syndicalisme, pour attirer de nouveaux adhérents. Et pour cela, rénover la communication, devenir force de propositions et revoir les méthodes d'action trop axées sur les manifestations. «Nous ne devons plus être uniquement sur la défensive», martèle-t-il. Vaste mais difficile chantier, vital pour tous les syndicats…

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