A Paris, le difficile maintien des petits épiciers de quartier

Alors que les supérettes et les magasins bios se multiplient à Paris, les épiciers indépendants traditionnels, eux, ne font plus recette. A moins de se réinventer.

 Paris (VIIe), le 19 avril 2018. Brahim Outanna, gérant de l'épicerie Bourdonnais Primeur, a perdu 60 % de son chiffre d'affaires en trois ans à cause de l'installation de deux Franprix dans la même rue.
Paris (VIIe), le 19 avril 2018. Brahim Outanna, gérant de l'épicerie Bourdonnais Primeur, a perdu 60 % de son chiffre d'affaires en trois ans à cause de l'installation de deux Franprix dans la même rue. LP/A.H.

    Il a longtemps été indispensable. « L'arabe du coin », c'est cet épicier au bout de la rue, ouvert tous les jours et tard le soir, qui dépanne de tout et n'importe quoi. Un paquet de farine pour les crêpes du dimanche, une bouteille de vin avant une soirée festive. Longtemps, ses horaires à rallonge ont fait sa force. Aujourd'hui, quand il ne vend pas son commerce, l'épicier doit affronter la concurrence féroce des Carrefour Market, Franprix et autres établissements généralistes, qui se sont multipliés dans la capitale.

    « Il y a toujours eu des supérettes à Paris, mais elles n'ouvraient pas le soir ni le dimanche. Depuis, Monoprix et autres proposent même des espaces restauration ! La supérette s'est diversifiée », analyse-t-on à l'Atelier parisien d'urbanisme (APUR).

    En 2017, selon une étude de la Chambre de commerce et d'industrie de Paris Ile-de-France (CCIP), on comptait 984 alimentations générales (surfaces de moins de 120 m²) à Paris. Un chiffre stable par rapport à 2014 (-0,5 %), mais qui englobe différentes sous-catégories de magasins plus larges que la petite épicerie de quartier : « Les épiceries fines ou les épiceries ethniques, spécialisées dans la vente de produits étrangers, s'en sortent mieux que l'épicerie pratique qui, elle, est en baisse depuis 30 ans », explique Alexis Roux de Bézieux, président de la Fédération nationale de l'Epicerie, de l'Union des commerces de proximité et auteur du livre « L'arabe du coin », publié en 2008.

    Et pour ne rien arranger à leur situation, les magasins bios (+ 47 % selon la même étude) et les supérettes, telles que Carrefour City ou Franprix (+ 25 %) se sont multipliés comme des petits pains entre 2014 et 2017 à Paris. « Les enseignes bios répondent à une demande des Parisiens de plus en plus en recherche d'une alimentation de qualité », argue Olivia Polski, chargée du commerce à Paris.

    Les grands distributeurs eux-mêmes commencent à adapter leur activité ( lire ci-contre ), pour s'adapter à l'arrivée de concurrents plus gros qu'eux, comme Leclerc, sur le marché de l'alimentaire parisien.

    Mais pour Alexis Roux de Bézieux, les épiciers indépendants ont encore plusieurs cartes à jouer. « Les extensions d'horaires ne suffisent plus. Ils peuvent s'en sortir s'ils apportent un service en plus, de l'aide aux personnes vieillissantes par exemple. Certains arrosent les plantes des voisins, donnent à manger au chat… Leur force, c'est la vraie proximité avec le client ».

    D'autres reviennent aussi à leurs premières amours : les fruits et légumes. « Ils ont compris que les produits frais n'étaient pas l'atout de la grande distribution », ajoute Alexis Roux de Bézieux.

    Preuve que la profession a encore de l'avenir : vendredi, le centre de formation IFOPCA (XVIIIe), qui fourmille d'apprentis épiciers, fromagers, cavistes et primeurs, a reçu cinq épiciers venus de toute la France. Et chacun avait un concept bien particulier à proposer.