On ne juge sainement du présent qu’en l’opposant au passé écrivait Samuel Johnson. Une affirmation d’autant plus vrai dans le domaine de la climatologie, dans lequel les notes de nos ancêtres permettent aux scientifiques d’aujourd’hui d’appréhender les changements actuels et de comprendre leurs évolutions dans le temps.

LES MOINES SHINTOS, TÉMOINS DU PASSÉ

Le lac Suwa se trouve au Japon dans les monts Kiso, surnommés les Alpes japonaises. Tous les ans, lorsque le lac gèle, les changements de températures fréquents forment une crête sur la glace. Les moines Shintos, vivant au bord du lac, observent scrupuleusement cette crête depuis au moins 1443. Chaque année, ils notent sa date d’apparition. Les témoignages des moines Shintos ne sont pas les seuls, en 1693, un marchand finlandais Olof Ahlbom, a commencé à indiquer la date et l’heure de la rupture post hivernale de la glace sur le fleuve Torne entre la Suède et la Finlande, un rapport qu’il a tenu annuellement et qui a été repris par d’autres à sa mort.

C’est John Magnuson, écologiste de l’université de Wisconsin Madison, qui a découvert ces deux témoignages en 1990 dans le cadre d’une étude pour comparer les registres glaciaires en provenance de tout l’hémisphère nord. C’est beaucoup plus récemment qu’il s’est associé à l’écologiste Sapna Sharma, de l’université York de Toronto, pour mener une analyse plus approfondie de ces textes. Commence alors un long travail de traduction et d’interprétation des textes écrits sur du papier de riz très fragile et de calendriers bien différents de ceux occidentaux.

L’analyse des données rapporte que les dates de gel et de dégel se sont fortement accélérées depuis la révolution industrielle, un phénomène directement lié aux concentrations de dioxyde de carbone dans l’atmosphère. Des évènements rares ont également commencé à arriver de plus en plus régulièrement. Le rapport des moines Shintos affirme que lors des 250 premières années, le lac Suwa n’a pas gelé à seulement trois occasions alors qu’entre 1995 et 2016, on observe sept années durant lesquelles le lac n’a pas gelé.

Vue du lac Suwa

UNE OBSERVATION DIRECTE DU CHANGEMENT CLIMATIQUE

Quand les scientifiques veulent avoir des preuves du changement climatique, ils doivent presque toujours se baser sur des preuves indirectes, l’étude des calottes de glace, les dépôts de pollen, les anneaux de croissance des arbres. Les témoignages écrits du passé sont alors des aides essentiels qui amènent une approche plus direct.

De nombreuses observations de botanistes, d’écrivains et d’ornithologues aident les scientifiques d’aujourd’hui à mieux appréhender le présent comme les écrits de Henry David Thoreau au début du 20e siècle, qui rapportent que la floraison de certaines fleurs avait lieu beaucoup plus tard que maintenant. Les témoignages japonais et finlandais représentent, eux, une fresque historique beaucoup plus complète.

Ces registres, témoins d’un passé lointain à proche sont autant de preuves du réchauffement climatique et laissent apercevoir ce qui arrivera dans le futur. Si les émissions de dioxyde de carbone ne baissent pas, la crête de glace du lac Suwa pourrait bien être un lointain souvenir, ainsi que la glace d’ailleurs…

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