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Pourquoi la centrale nucléaire de Fessenheim est-elle ciblée ?

La doyenne des centrales françaises est exposée aux risques sismiques et d'inondation. Elle a été occupée, mardi, par des militants de Greenpeace.

Par  et

Publié le 18 mars 2014 à 13h34, modifié le 18 mars 2014 à 17h06

Temps de Lecture 4 min.

Une soixantaine d'activistes de Greenpeace se sont introduits, mardi 18 mars à 5 h 50, dans l'enceinte de la centrale nucléaire de Fessenheim dans le Haut-Rhin. L'ONG souhaitait « dénoncer le risque que fait courir le nucléaire français à l'Europe entière et rappeler l'impérative nécessité d'une vraie transition énergétique en France ». Alors que la doyenne des centrales françaises doit en principe être fermée d'ici à la fin 2016, pourquoi est-elle si controversée ?

  • Pourquoi la centrale de Fessenheim est-elle critiquée ?

La centrale de Fessenheim, en service depuis 1977, c'est-à-dire il y a trente-sept ans, est la plus vieille du parc électronucléaire français. Greenpeace, qui a publié début mars un rapport sur les risques liés au vieillissement des centrales, demande que la future loi sur la transition énergétique inscrive la limite de quarante ans comme durée de fonctionnement maximale pour l'ensemble des réacteurs.

Mais l'âge n'est pas la seule raison pour laquelle les deux réacteurs d'une puissance de 900 mégawatts (MW) chacun, installés en bordure du Grand Canal d'Alsace, font l'objet d'attaques de la part des ONG et des écologistes. Le site est en effet exposé aux risques sismiques et d'inondation. D'une part, elle a été conçue pour résister à un séisme de 6,7 sur l'échelle de Richter, alors que le plus fort tremblement de terre ressenti dans la région — le séisme qui a touché Bâle (Suisse) en 1356 — est estimé à 6,2 sur l'échelle de Richter. D'autre part, en raison de son implantation 9 mètres au-dessous du Grand Canal, la centrale est exposée au risque d'inondation en cas de rupture de la digue.

Pour continuer à fonctionner, la centrale alsacienne, doit au même titre que les dix-huit autres sites nucléaires français, se mettre aux normes de sûreté post-Fukushima exigées par l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN). Objectif ? Mettre en œuvre une défense renforcée des équipements cruciaux, ceux qui forment le « noyau dur » assurant les fonctions vitales de sûreté des réacteurs. Il s'agit par exemple, dans le cadre de nouvelles normes parasismiques, de renforcer les salles de contrôle, les réservoirs de fioul des générateurs de secours, ou, contre les risques d'inondation, de rajouter un nouveau groupe électrogène. Ces travaux ne sont pas encore achevés.

Par ailleurs EDF, l'exploitant, a dû réaliser des travaux spécifiques à Fessenheim, réclamés par l'ASN lors des réexamens de sûreté effectués tous les dix ans (visites décennales). Les demandes étaient quasi identiques pour les deux réacteurs. Il s'agissait essentiellement de renforcer le radier — la dalle en béton qui se trouve sous chacun d'entre eux — destiné à refroidir et à contenir le corium, la matière formée en cas de fusion du cœur d'un réacteur. Et de disposer d'une source de refroidissement supplémentaire. EDF a donc fait forer un puits afin de pouvoir puiser dans les nappes phréatiques. Au total, ces deux chantiers, qui ont été achevés pour le réacteur 1 et presque pour le réacteur 2, ont coûté 50 millions d'euros.

  • Fessenheim est-elle la plus dangereuse de toutes les centrales ?

Au-delà de Fessenheim, Greenpeace a également inscrit sur sa liste noire des centrales à fermer en priorité les sites du Blayais (4 réacteurs en Gironde), du Bugey (4 réacteurs dans l'Ain), de Gravelines (6 réacteurs dans le Nord) et du Tricastin (4 réacteurs dans la Drôme), tous en exploitation depuis plus de trente ans.

Pour établir cette liste, l'ONG a examiné « trois séries de critères » : le niveau de sûreté des centrales (âge, puissance, nature du combustible, etc.), les risques d'« agressions externes naturelles ou non naturelles » (inondation, séisme, risque industriel, incendie, etc.) et les conséquences d'un accident (proximité d'une frontière ou d'une grande métropole, activités proches, etc.).

Les zones à risques pour les centrales nucléaires françaises.

« On ne peut pas vraiment classer les centrales en fonction de leur dangerosité, estime de son côté Thierry Charles, directeur de la sûreté des installations à l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN). Tous les dix ans, l'ASN réexamine leur sûreté en fonction des nouveaux risques connus et de l'évolution des équipements avec le temps. Toutes les centrales françaises ont été autorisées à être exploitées jusqu'à 40 ans par l'ASN et ont entrepris des travaux pour répondre aux demandes pour améliorer la sûreté. »

  • Sera-t-elle fermée avant 2016 ?

Dans l'état actuel du droit, l'arrêt définitif de la centrale dans ce délai est mission impossible. Actuellement seuls l'opérateur (pour des raisons de stratégie industrielle) et l'ASN (pour des manquements à la sûreté) ont la possibilité de fermer une centrale. Il faut donc intégrer dans une loi la possibilité pour l'Etat (actionnaire actuellement de 85 % d'EDF) de décider, pour des motifs de politique énergétique, la fermeture d'un réacteur.

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Deuxième obstacle à l'arrêt du site dans les délais promis à maintes reprises par le président de la République et le ministre de l'écologie, Philippe Martin, les procédures à respecter actuellement : constitution d'un dossier détaillé, instruction, enquête publique, etc. Au total, ces démarches demandent cinq ans, selon l'ASN. Compte tenu du peu de chemin parcouru aujourd'hui, l'échéance de 2016 ne sera pas tenue… sauf à modifier le paysage juridique dans le projet de loi sur la transition énergétique dont le débat au Parlement est attendu, en principe, au second semestre 2014. C'est sur quoi semble travailler le gouvernement.

Malgré tout, ce nouveau cadre juridique ne pourra pas régler la question des compensations financières qu'il faudra verser aux partenaires étrangers (trois compagnies électriques suisses et une allemande) qui accompagnent EDF à Fessenheim. Ces derniers disposent de droits de tirage sur la production (ils peuvent utiliser l'électricité produite à hauteur de 32,5 % ou la revendre à leur guise) et participent aux investissements. Il restera aussi à gérer l'impact sur l'emploi (2 000 emplois directs et indirects) de la fermeture du site alsacien.

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