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«J’ai vu une bouteille de champagne et deux jeunes femmes à peine habillées»

L’Azerbaïdjan aurait corrompu plusieurs parlementaires du Conseil de l’Europe. Le Suisse Dick Marty a été approché dans son hôtel par des escort-girls en tenue légère

Dick Marty au Conseil de l'Europe en 2008.  — © OLIVIER MORIN
Dick Marty au Conseil de l'Europe en 2008.  — © OLIVIER MORIN

L’Azerbaïdjan a inondé les parlementaires du Conseil de l’Europe de cadeaux et d’argent pour atténuer leurs critiques concernant la situation des droits de l’homme dans cet Etat autoritaire du Caucase.

Un rapport d’enquête publié dimanche soir détaille ces efforts de lobbying un peu trop appuyés: certains élus se seraient vu offrir du caviar, des tapis et des nuits dans des hôtels de luxe de Bakou. D’autres auraient bénéficié de mandats pour orienter les débats de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE) dans un sens favorable à l’Azerbaïdjan.

Des élus suisses ont aussi été la cible de ces faveurs. Ancien membre de l’APCE, le Tessinois Dick Marty a ainsi livré son témoignage aux enquêteurs spéciaux chargés de dévoiler le «lobbying sale» des Azéris.

«Une fois, explique le rapport, lors d’une mission officielle à Bakou, vers 1h du matin, quelqu’un avait frappé à la porte de sa chambre d’hôtel. Il avait regardé à travers le judas et vu un plateau avec une bouteille de champagne et deux jeunes femmes à peine habillées. Il n’avait pas ouvert.»

Personnalités influentes

Dick Marty, poursuit le rapport, «a également rappelé avoir reçu une invitation à participer au Forum de Crans Montana en Azerbaïdjan: un billet en classe affaires et une semaine dans un hôtel 5 étoiles. Il avait refusé l’invitation mais il savait qu’une telle invitation avait également été adressée à d’autres personnalités suisses influentes.»

La Zurichoise Doris Fiala (Suisse) a dit avoir reçu une chaîne en or avec des perles et des diamants lors d’une visite de travail officielle en Azerbaïdjan, mais elle l’avait restituée. Les enquêteurs n’ont pas pu établir quelle était la valeur réelle de ce cadeau, Doris Fiala ayant refusé de s’expliquer devant eux.

Plusieurs membres ou ex-membres de l’APCE sont soupçonnés d’avoir été «achetés» par l’Azerbaïdjan en échange de leur vote, en janvier 2013, contre un rapport dénonçant la situation des prisonniers politiques dans l'ex-république soviétique.

Parmi les parlementaires épinglés par le rapport figurent Eduard Lintner, ancien élu allemand de la CSU, qui a touché plus d'un millions d'euros de l'Azerbaïdjan, selon une enquête menée par plusieurs médias européens, et l'Italien Luca Volonte, qui a reçu près de 2 millions d'euros. L’Espagnol Pedro Agramunt, membre du Parti populaire (droite), avait dû démissionner de la présidence de l’APCE en septembre en raison de ses positions pro-azéries.

«Au Conseil de l'Europe, on n'avait pas imaginé que de telles pratiques se développeraient, parce qu'on a pas de pouvoirs, on s'est naïvement cru à l'abri», regrette Liliane Maury Pasquier, conseillère aux Etats (PS/GE) et membre de la Commission du règlement du Conseil de l'Europe.

L'élue avait bien constaté, comme ses collègues, que certains rapports sur l'Azerbaïdjan se trouvaient soudainement et substantiellement édulcorés. Mais sans se douter à l'époque que certains membres influents de l'Assemblée recevaient en secret de l'argent.

Après ce travail «douloureux» d'exhumation de la vérité, l'ACPE va désormais devoir «reconstruire sa crédibilité», estime Liliane Maury Pasquier.