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Politique

Gilles Le Gendre : "Les grévistes de la SNCF empoisonnent le pays mais c’est leur droit"

INTERVIEW - Gilles Le Gendre, vice-président du groupe La République en marche à l'Assemblée, assure qu'une page est tournée dans la mobilisation des cheminots depuis le vote de la réforme ferroviaire. Et fixe, sur la loi asile-immigration, une "ligne jaune" aux élus de la majorité qui seraient tentés de voter contre.

Michaël Bloch et Arnaud Focraud , Mis à jour le
Gilles Le Gendre, député de Paris, est le vice-président du groupe LREM à l'Assemblée nationale.
Gilles Le Gendre, député de Paris, est le vice-président du groupe LREM à l'Assemblée nationale. © Sipa

Il s'interrompt régulièrement, lance un "bonjour, ça va?" à ceux qui passent le saluer, se fait appeler "Monsieur Le Gendre" par un serveur. Au café Le Bourbon, juste en face de l'Assemblée nationale, Gilles Le Gendre est un peu comme chez lui. Ce jeudi, le député de Paris, qui est vice-président du groupe La République en marche (LREM), répond pendant une heure aux questions du JDD. En voix officielle de la macronie, il s'attache à relativiser les difficultés de la majorité. La SNCF? Il rappelle que les grévistes sont en minorité. Les universités? Il assure que beaucoup d'étudiants veulent passer leurs examens. Les députés LREM qui ne voteront pas la loi asile-immigration? Là encore, ils ne sont que très peu nombreux... Le tombeur de Nathalie Kosciusko-Morizet à Paris est devenu spécialiste ès déminage. Ce qui ne l'empêche pas de rester offensif contre les Insoumis ou Laurent Wauquiez.

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Une première journée de mobilisation interprofessionnelle s'est tenue jeudi en France. Craignez-vous la convergence des luttes?
Non. Bien sûr, je ne sous-estime pas les mécontentements qui peuvent se manifester sur certains dossiers - la réforme de la SNCF, celle de l’université, la ZAD... Je note aussi que des forces politiques dans l’opposition essayent d’exploiter ces mécontentements pour créer un mouvement structuré. Mais, depuis 9 mois, toutes les tentatives allant dans le sens d’une convergence des luttes ont échoué.

Les insoumis? "Dès qu’ils essayent de mordre, ils se font rejeter"

Vous ciblez la France insoumise de Jean-Luc Mélenchon .
Les insoumis rêvent de mener une révolution par procuration. Ils ont essayé plusieurs fois : à chaque fois, ils se sont plantés. Dès qu’ils essayent de mordre, ils se font rejeter. Il y a une très grande défiance de la part des grévistes à toute tentative de récupération politique.

L’Assemblée a voté cette semaine en première lecture le projet de réforme de la SNCF. La contestation doit-elle cesser, selon vous?
Cette contestation est légitime puisqu’elle s’exprime dans un cadre démocratique et dans l’ordre républicain. Les grévistes de la SNCF empoisonnent le pays mais c’est leur droit. Néanmoins, entre un projet de réforme et une réforme votée, il y a une grande différence : cela s'appelle la légitimité démocratique.

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Entre un projet de réforme et une réforme votée, il y a une grande différence : cela s'appelle la légitimité démocratique

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Six présidents d’université appellent à l’ouverture de négociations avec les étudiants. Y êtes-vous favorable?
Contrairement à la mobilisation sur la réforme ferroviaire, je m’interroge sur la légitimité de ces blocages. A la SNCF, les grévistes ne détériorent rien et ceux qui veulent travailler peuvent continuer à le faire. A l’université, le mouvement est ultraminoritaire et les jeunes qui en sont à l'origine n’ont parfois rien à y faire. En réalité, la discussion a déjà eu lieu avant l’introduction de Parcoursup. Cette plateforme ne sera peut-être pas totalement efficace dès la première année mais ce sera toujours mieux que le système du tirage au sort d’APB. S’il le faut, nous adapterons Parcoursup. Mais je vous parie que dans deux ou trois ans, tout le monde dira qu'il s'agit d'une excellente réforme.

Lire aussi : Universités, les blocages racontés par les présidents

Peut-il y avoir un dialogue avec les étudiants malgré tout?
Si dans l’écrasante majorité des universités il n’y a aucun problème, c’est parce que le dialogue existe. L’incident à Montpellier a mis le feu aux poudres avec les comportements aberrants des responsables de l'université. Cela n’avait rien à voir avec le fond de la réforme.

Sur la loi asile-immigration, il ne croit pas "à l'abstention honteuse"

Sur la loi asile-immigration, des députés LREM ont indiqué qu'ils ne voteraient pas le texte et déposé des amendements contre l'avis du gouvernement. Ne faut-il pas les écouter, eux aussi?
Déjà, je vous rappelle qu'il y a encore quelques mois, tous les médias annonçaient une majorité de godillots. J’espère que vous êtes rassurés… Il était absolument évident que ce texte cristalliserait des divergences au sein de notre groupe. Il révèle des sensibilités qui ne relèvent pas exclusivement du registre politique. Beaucoup de nos collègues ont eu des engagements associatifs dans leur vie passée ou portent des convictions intimes liées à leurs origines. Je ne partage pas ces réticences mais je respecte naturellement ces sensibilités. Depuis deux mois, nous avons travaillé activement à rapprocher les points de vue. Je vous mets au défi de trouver un seul député La République en Marche, y compris parmi les plus sceptiques, qui vous dira que nous avons escamoté le débat.

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La ligne jaune [au sein du groupe LREM], c’est le vote contre

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Faut-il exclure du groupe ceux qui voteront contre ce texte?
Je ne veux pas me placer dans cette hypothèse. J’ai encore l’espoir qu’il n’y aura aucun vote contre mais seulement des abstentions. Et celles-ci seront très peu nombreuses. La ligne jaune, c’est le vote contre. Jusqu’au dernier souffle, nous essayerons de les convaincre.

Quelle est la différence entre une ligne jaune et une ligne rouge?
La même qu'il y a entre un carton jaune et un carton rouge. Richard Ferrand [le président de groupe LREM] a rappelé la règle mais à aucun moment, il n'a dit qu’il exclurait les députés qui ne respecteraient pas la position du groupe. Il a simplement expliqué que dans un groupe politique, quand le débat a eu lieu, tout le monde doit se plier à la majorité. Ce qui se passe à En Marche n'a rien d'une fronde. Nos collègues ne cessent d'affirmer que l'idée ne les a jamais effleuré.

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La majorité ne paie-t-elle pas le fait d'avoir appliqué une politique économique et sociale trop à droite, au point de déboussoler ses éléments les plus à gauche?
Non, chaque texte est déconnecté. La cartographie de la majorité sur cette loi asile-immigration n'est pas du tout celle des sensibilités qui ont pu s'exprimer sur l'ISF, par exemple. Il n'y a donc pas un ensemble de députés qui se sentiraient en marge. Je suis très serein pour les quatre ans à venir.

Pas de "plan caché" sur les régularisations de sans-papiers

Le calendrier de ce projet de loi asile-immigration est lui aussi critiqué par l'opposition qui y voit un vote "en catimini" prévu ce week-end. Est-ce un moyen pour les députés LREM peu enthousiastes de rester en circonscription pour ne pas prendre part au vote?
Je peux vous assurer que notre esprit n'est pas d'agir ainsi. Je ne crois pas à l'abstention honteuse et je pense que les abstentionnistes seront présents pour assumer leur vote. Si elle l'avait voulu, l'opposition avait les moyens d'aller plus vite : c'est elle qui a déposé la majeure partie des amendements - ce qui est bien légitime, du reste. Simplement, nous sommes contraints par les vacances parlementaires qui commencent ce week-end. Nous n'arrêterons donc pas notre travail jusqu'au vote et je ne sais pas quand celui-ci interviendra exactement.

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Une chose est certaine : il n'y a pas l'ombre d'un plan caché chez Laurent Wauquiez

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S'appuyant sur un article du Monde , la droite vous accuse d'avoir un plan "caché" pour régulariser 10% des 300.000 sans-papiers estimés à ce jour. Ce plan existe-t-il?
Une chose est certaine : il n'y a pas l'ombre d'un plan caché chez Laurent Wauquiez ! Non seulement on a bien entendu ses propositions sur l'immigration - extrêmes et irréalistes - mais on connaît également ses motivations : aller chasser honteusement sur les terres du Front national. C'est limpide. Non, évidemment, il n'y a aucun plan caché. On peut dire beaucoup de choses du macronisme mais on ne peut pas nous reprocher de ne pas mettre les choses sur la table, parfois de façon assez cash.

S'il n'y a pas de plan caché, pouvez-vous nous dire s'il y aura des régularisations?
Non, ce n'est pas notre intention. Nous voulons au contraire faire en sorte de diminuer progressivement, et par la loi, ce nombre de 300.000 étrangers en situation illégale en France.

Des "éléments" peuvent encore évoluer sur la réforme de la Constitution

Sur la réforme constitutionnelle, le président LREM de l'Assemblée, François de Rugy, a exprimé ses craintes sur un affaiblissement du Parlement. Vous les partagez?
François [de Rugy] joue un rôle essentiel dans le processus de la réforme. La copie gouvernementale de l'exécutif n'est pas définitive [Il s'agit d'un avant-projet avant sa présentation en Conseil des ministres en mai, NDLR]. Des éléments vont encore possiblement évoluer, il y en a déjà eu.

Pouvez-vous notamment revenir sur la volonté du gouvernement d'inscrire ses propres textes en priorité à l'ordre du jour? Il s'agit d'un point de crispation avec la droite sénatoriale, qui menace de faire échouer cette réforme…
En réalité, cette situation existe déjà [sur les projets budgétaires ou certains textes, NDLR]. Mais nous ferons peut-être varier le curseur. Pour autant, cela ne doit pas nous empêcher de rendre plus efficace le travail législatif.

Lire aussi : Révision de la Constitution, la réforme du Parlement va-t-elle tout faire capoter?

Les pouvoirs du Parlement ne seront-ils pas réduits, avec cette réforme?
Honnêtement, je ne le crois pas. En tout cas ce n'est pas l'esprit. Tout ce qui rendra efficace le pouvoir parlementaire ira au contraire dans le sens d'un renforcement du Parlement.

Paris "a besoin d'alternance" qui ne peut être incarné par Anne Hidalgo

La mairie de Paris vous intéresse-t-elle?
Oui, beaucoup! Mais pas pour moi… J'ai de grandes ambitions pour La République en marche à Paris, comme beaucoup, ce qui nous amène à nous investir activement dans tout ce qui va permettre de développer notre formation sur ce territoire.

Le porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux, a-t-il alors le bon profil pour être ce candidat?
Benjamin [Griveaux] ferait un excellent candidat mais lui-même est absolument convaincu qu'il ne faut pas inverser les wagons. Notre mouvement doit d'abord être en ordre de marche à Paris, ce qui n'est pas encore le cas. Ensuite, il faut commencer à être capable de bâtir une réflexion programmatique en répondant à la question : "Qu'est-ce qu'En marche a à dire aux Parisiens"? Et puis le jour venu se posera la question de savoir qui porte nos couleurs.

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J'ai de grandes ambitions pour La République en marche à Paris

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Excluez-vous toute alliance avec la maire PS Anne Hidalgo?
Christophe Castaner [le délégué général de LREM] a été très clair : Paris a besoin d'alternance et ce besoin ne peut être, par définition, incarné par Anne Hidalgo. Il a donc soldé ce débat et cela nous va très bien. Je peux vous dire que j'entends aussi beaucoup cette demande sur le terrain, et pas uniquement dans les arrondissements de ma circonscription qui sont dirigés par la droite [les 5e, 6e et 7e arrondissements, NDLR]. Mais nous ne sommes pas fermés et rien n'est exclu s'il s'agit de fédérer autour d'un projet que nous porterons.

S'allier avec la droite, est-ce possible pour LREM?
Il peut y avoir de multiples alliances autour de ce projet. Pour l'instant, le sujet n'est pas là. Mais cela va vite arriver...

Près d'un an après votre élection, le milieu politique est-il comme vous l'imaginiez?
Déjà, je connaissais bien ce milieu car je l'ai fréquenté pendant 21 ans comme journaliste. Mais je n'imaginais peut-être pas l'intensité du travail demandé ou la nécessité de choisir ses causes : il faut très vite accepter de ne pas être sur tous les sujets, ce qui est très tentant parce que tout est intéressant. Mais je ne me doutais pas non plus à quel point ce travail était aussi exaltant. Même quand on a travaillé six jours de suite, 13 ou 14 heures par jour, et même à 60 ans, cette mission procure une énergie exceptionnelle. La retraite ne figure pas dans mon agenda!

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