A quoi servent les PDG, cette bizarrerie française

A quoi servent les PDG, cette bizarrerie française

Quand on parle d’un chef d’entreprise en France, on le désigne généralement par l’acronyme P-DG. Or, le P-DG est une bizarrerie bien française.

Par Frédéric Fréry, professeur à ESCP Europe

Tout d’abord, il convient bien d’écrire P tiret DG et non PDG, car il s’agit de deux fonctions tout à fait différentes. Le P désigne le président du conseil d’administration, alors que le DG désigne le directeur général de l’entreprise. Le président oriente, le directeur général dirige. Parmi les attributions du Conseil d’administration – et donc singulièrement de son président – figurent notamment la nomination, l’évaluation et la rémunération du directeur général. Par conséquent, un P-DG est à la fois juge et partie : il se nomme, s’évalue et se rémunère lui-même.

Confusion des rôles

Pour bien des observateurs étrangers, cette confusion des rôles est typique de la centralisation des pouvoirs, qui de Louis XIV à Napoléon semble caractériser les dirigeants français. Dans de très nombreux pays, il est d’ailleurs interdit par la loi que le président soit aussi directeur général, ce qui permet d’éviter bien des conflits d’intérêts. Dans les pays de capitalisme rhénan, comme l’Allemagne, il existe même deux instances totalement séparées, le directoire et le conseil de surveillance, chacune présidée par un individu nécessairement différent.

Aux États-Unis, on distingue le président du conseil d’administration, c’est-à-dire le Chairman, et le directeur général de l’entreprise, c’est-à-dire le CEO, acronyme de Chief Executive Officer. Au passage, il ne faut pas traduire "CEO" par "P-DG" : le CEO est directeur général, mais pas président du conseil d’administration. Cela dit, dans la moitié des 500 plus grosses entreprises américaines, les rôles de chairman et CEO sont confondus, à l’image de ce que l’on peut observer par exemple chez Disney, Facebook ou Amazon. Cependant, sous la pression des actionnaires, qui craignent des dérives lorsque les pouvoirs sont trop concentrés, la tendance est la séparation de ces deux fonctions, comme chez Google, Ford ou Microsoft.

Séparation des pouvoirs fictive

En France, la structure dominante reste le conseil d’administration unique, sous la direction d’un président-directeur général unique. Avant 2001, c'était même la seule solution pour les sociétés anonymes. La structure en directoire et conseil de surveillance, également autorisée par la loi, a tout de même été choisie par un certain nombre de grandes entreprises telles que Michelin, PSA, Publicis ou Vallourec. D’autres, comme Axa, BNP Paribas, Engie, Sanofi, Société Générale ou Sodexo, ont séparé les fonctions de président et de directeur général.

On peut cependant observer que certaines, comme Danone, adoptent temporairement cette structure, le temps que l’ancien P-DG, devenu seulement président, prenne sa retraite. Son successeur, jusque-là directeur général, devient alors à son tour P-DG. Il en est de même lors de la fusion de deux entreprises : le P-DG de l’une devient président, le P-DG de l’autre DG, avant que l’un des deux ne prenne sa retraite, l’autre cumulant alors les deux fonctions.

Au total, si les dirigeants français, sous la pression des investisseurs et des comités d’éthique, semblent jouer le jeu de la séparation des pouvoirs, cela ne reste bien souvent qu’une façade. Le mythe de l’homme providentiel reste encore bien ancré dans notre psychologie nationale, dans les entreprises comme ailleurs.


Abonnez-vous à notre page Linkedin Xerfi Canal ou à notre newsletter pour suivre notre actualité et voir nos dernières publications

Marie NGONO

✓Infirmière reconnue expérimenté en établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux, EHPAD ✓Spécialiste de l'accompagnement en Maison de Retraite et Handicap

5y

Une " vraie"  séparation des pouvoirs tjrs est souhaitable, c'est le principe de toute démocratie qui fonctionne bien ;A défaut  l entreprise fait des économies avec son seul P-DG, pourquoi pas, si ça marche

Like
Reply

aujourd'hui les directions des grandes entreprises sont de plus en plus des financiers et de moins en moins des industriels, que les actionnaires ignorent le plus souvent ce que l’entreprise produit concrètement, qu’ils n’hésitent pas au nom de la rentabilité à supprimer des productions de qualité et socialement utiles, et pour se sentir correct les mêmes mobilisent directions, encadrement et personnel sur les démarches qualité !c'est vraiment ce qu'on appelle prendre ses devants et assurer ses arrieres

Like
Reply

A mon avis en France le P-DG (d'une entreprise conséquente disons 100p+) fait plus Président que DG. Une bonne partie des fonctions de DG sont de facto portées par les autres directeurs sans vraiment être déléguées. Les entreprises françaises fonctionnent beaucoup en "réseaux" et les décisions sont prises "en cloud" - si jamais on est dans le brouillard, au moins on sait pourquoi ;-) Cette démarche, au contraire de ce qu'on peut imaginer, tend (sur le long terme) de décentraliser la décision, d'encourager l'initiative, d'assurer la succession et de rendre le management plus robuste en générale. Elle déresponsabilise aussi l'homme providentiel, eh oui ... Cette "bizarrerie" est culturelle, elle a ses très bonnes raisons en France, mais cela ne peut pas marcher en Allemagne et pas de raisons non plus - dans une organisation strictement pyramidale le pharaon a d'autres chats à fouetter. :-) La dimension culturelle est très importante et ne doit jamais être sous-estimer - il y a rarement une seule bonne façon de faire les choses, comme disait Coco Chanel - la mode se démode, le style - jamais. La culture non plus, je dirais ...

Eric M'FARREDJ

Chef d'Etablissement - Directeur Général chez Assomption

5y

Vidéo intéressante qui montre bien le fonctionnement de nos sociétés. Attention à ne pas tomber naïvement dans la séparation des pouvoirs de façade. Souvent, le Directoire ou le Conseil de surveillance sont des instances fantômes dans lesquelles chaque membre est un "ami" ou un membre d'un autre Conseil d'administration "ami"... Je te tiens, tu me tiens par la barbichette... Ici comme ailleurs, la vraie séparation reste difficile.

pourquoi bizarrerie puisqu'elle a bien fonctionné avant. un sage a dit c'est une bien méchante façon de raisonner que de rejeter ce que l'on ne comprend ou ne connait pas. je pense que le pbleme n'est pas dans le poste lui même mais plutôt dans les personne qu'on y met certaines n'ont pas l'étoffe d'un PDG tout simplement je pense que pour devenir PDG d'une entreprise il faut y commencer petit et gravir tout les échelons connaitre tout ses pts faibles ses problèmes la connaitre comme il connait son épouse

To view or add a comment, sign in

Others also viewed

Explore topics